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GAZETTE
DU
Bon Ton
ARTS, MODES
FRIVOLITÉS
LUCIEN VOGEL, Directeur.
1914
1 orne 11
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AUX ÉDITIONS LUCIEN VOGEL
24, Rue du Mont-Thabor, 24
GT
• GAZETTE
DU
Bon Ton
LA GAZETTE DU BON TON
<W> t^sP <W>
Mai 1914 SOMMAIRE 2«Année — N»5
>^
par José ZAMORA.
L'ETOURDISSANT PETIT POISSi2>N (Hors-texte) , > Ur George BARBIER.
INTERIEURS MODERNES . . . ^. ^ f-v ^,. ,. . . 1, fclaude-Roger MARX.
Dessins de F. de MARLIAVEI^ ■ ''^^è^l jjc 1
RUBANS AUX CHAPEAUX. \^ "^
Dessins de STRIMPL. ^. <^
LA MODE ET LE BON TON . . X.^^ f ^.^'^^ NADA.
Dessins de l'Auteur. ^ J^ÀW5^^ y^
PLANCHES HORS-TEXTE
ELLE S'APPELLE MANON... — Cape de Doucci par DAMMY.
SAIS-TU TA LEÇON ? — Tailleurs de Jeanne Lanvin . par Pierre BRISSAUD.
" DANAE ". — Ca/^ ^^ Pa/// Po/r^/ par Ch. MARTIN.
LA SAISON DES PRUNES MIRABELLES. — Robe d'après-midi de Redfern,
r^ ^^..,, par George BARBIER.
LA COMMODE EN LAQUE. — Robe du soir de Worth,
par Bernard BOUTET DE MONVEL.
riENS-TOI BIEN ! — Robe d'été de Chéruit par Pierre BRISSAUD.
LE SOLEIL DANS LE ]ARDm.—Robe d'après-fnidi de Dœuillet. par A.-E. MARTY.
ODE A L'OCCASION DU PRINTEMPS Jean-Louis VAUDOYER
Dessins de CARLÈGLE.
LES ROBES-FLEURS Maurice LEVEL
Dessins de STRIMPL. i^r.y sli^.
L'ARBRE DE MAI (Hors-texte) p^^ GOSÉ
LA PALETTE DES DAMES Charles MULLER* '^'^--n
Dessins de E. AYRES.
CULTURE PHYSIQUE jean d'ARTÉAGA.
Dessins de Bernard BOUTET DE MONVEL, BRISSAUD, LEPAPE
MARTIN, LASSERRE. ' '
L'HEURE . . . Gabriel MOUREY. ^'^^^'^ ^
Dessins de Gh. MARTIN.
VOICI DES ROSES. Carlos FISCHER.
Dessins de Paul MERAS.
LE GOUT AU THEATRE: EN REGARDANT "APHRODITE"
Dessins de José ZAMORA. Lise-Léon BLUM.
"APHRODITE" (Hors-texte) par Ch. MARTIN
LE BON TON DES MERLETTES Jean de BONNEFON.
Dessins de LORIOUX.
BAS-RELIEFS X ^^PB'T^Jeanne R. FERNANDEZ.
Dessins de Renée SOUEF. ' \. ^//O^
LA ROBE AU THEATRE . . . . .-3^ . ^
cJeunesse
INSTITUT DE BEAUTE
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VI 1 1
Copyright Jîay i^i^ by Lucien Vogei
14S
Comme tu ou^rcd bien Ud yeux
Soud L'encor pUu ouverte ombrelle!
Ahî quA^rll eA délicieux
Puisque tu daid cjue tu ed belle!
Le Ciel edt beaucoup trop câlin :
Noud nirond plud chez Colomb in
A l'heure du thé, maid dand Uîle
Ou led rayond adroitd ont fait
Dand led jacinthed ded dorbetd
Plud fondantd que ceux de Sé^ille.
Non ! pad par la ! laiddond B erg don :
Tu ad bien le tempd, pour ton âme!
SoLd tout dimplement une femme
Que rend plud faible la season
(Ou daidon, di tu le préfercd !)
Eteignant led calorifered,
Tirant led dtored aux carreaux,
Le Printempd raccourcit tcd manched;
Je void ted brad Judcjucd aux hanchcd :
Quild dont f raid, délicatd et beaux!
46
Déjà ta bouche cdt bien ptud rouge.
Et, daru ted clU plud frémiddant^,
Ton regard tendre et joyeux bouge
Et dit : « Que j'aime le Printemps ! »
Partons nte ! Il faut que tu ailles
T^olr led premiers lld à Verdallleé
Et led derniers à Trlanon;
Et que tu cuelUed en cachette
La clandestine nolette
Dand led bob de la yfîalmaldon.
Et puld, Il faut que tu condented
A exaucer enfin, ce dolr.
Ce JJlon/ieur aux cfaçond décentes
Auquel tu donnas de Uespou\ ,>
Il t'aime et nest pas mal, en somme. ^
Le roi des Dieux nest plus quun homme
A l'heure de l'Intlmlté;
ALals toi, tu dci^lendras déesse
Puisque pour te verser l'wresse
Le Printemps reste à ton côté!
Jean-Louis VAUDOYËR.
LES ROBES-FLEUR
AVEZ-VOUS d'où vient T excentricité de certaines
modes nouvelles ? D'une théorie qui parut
indiscutable longtemps et peut se résumer
ainsi : « La J^etnme qui /habille
bien /habille jombre. » Or; sur
dix femmes qui s'habillent sombre, trois le
font par goût, deux par genre, et les cinq
autres par timidité, par paresse ou par
économie de temps.
Une robe bleue, noire, n'exige guère
d'efîorts d'imagination. Ces couleurs ont fait
leurs preuves depuis des siècles. Elles sont
souvent d'un bel effet, toujours faciles à
48
a.
CUp>< ;^^
LA PALETTE DES DAME
^.^œ^m
c
W
3
Ci
E soir4à, les Gogonendra-Nath-Tagore donnaient
une grande réception.
Vous connaissez M. Gogonendra-Nath-
Tagore?... Il n'y a pas de physionomie plus
parisienne. C'est le propre neveu de Rabindra-Nath-Tagore,
Taède des Indes, auquel le comité du prix Nobel décernait
Tautre jour son grand prix de poésie. Lui-même, peintre
délicat et complexe, chef de la nouvelle école hindoue
qui s'efforce de ressusciter l'art des mi-
niaturistes persans, expose actuellement,
au Pavillon de Marsan, ses œuvres et
celles de ses meilleurs disciples. Vous
y êtes?... Les présentations sont
bien faites... Poursuivons!
Donc, il y avait là le Tout-
Calcutta des soirées élégantes.
OiJp^— ^
53
ca
Dans les vastes salons, rafraîchis par
la brise des pankas, et qu'ornaient, en
guise de tentures et de portières, de
hautes guirlandes de jasmin tressé,
l'élite de la société bengali mélangeait ses toges resplen-
dissantes, ses turbans, ses larges pantalons de lin blanc,
aux uniformes rouge et or des officiers de Sa Ro^/ale Ma-
jesté, et aux noires tenues de quelques Kuropéens en civil.
Après nous avoir régalés de musiques célestes, de
rafraîchissements aux subtils arômes et de sucreries qui
sentaient les fleurs, notre hôte fit venir sa petite fille et lui
demanda de chanter. Elle chanta des airs d'amour, élé-
giaques et langoureux.
C'était une enfant de neuf ans, parfaitement jolie. Son
corps menu, sous les étoffes, paraissait être déjà celui d'une
femme. L'expression de ses grands yeux sombres, les
nuances de sa voix montraient qu'elle com-
W prenait le sens passionné de ses chants.
Avant de prendre congé,
je dis au père combien m'avait
charmé la grâce de ce petit
être, et lui demandai si, comme
artiste, il n'avait pas pris parfois
plaisir à la peindre.
— Oh ! me répondit-il, je
la peins souvent. Ce soir en-
core, c'est moi qui lui ai mis
\ \- C y%'
i54
son antimoine et son kohl . . .
Il suffit de peu de chose pour
pénétrer soudain l'intimité profonde
de toute une civilisation différente
de la nôtre. Cette seule équivoque
renseigne davantage sur la vie et
les mœurs de la riche bourgeoisie
hindoue que de longues observations.
Il est évident que, là-bas, Téducation
des filles ne se règle pas sur des
préceptes conformes aux exigences de la modestie occiden-
tale. Au lieu de leur cacher, le plus longtemps possible,
qu elles seront un jour appelées à devenir des épouses, on
les prépare de bonne heure à leur rôle de femme. Cette
petite fille, je lai su plus tard, était déjà fiancée. On ne
remplaçait pas, dans ses conversations ni dans ses lectures,
le terme bengali qui signifie : amour, par un autre terme
euphémique analogue à tambour. On l'encourageait déjà à
plaire et à séduire. On lui apprenait le prix de la coquet-
terie, et son père lui-même, au lieu de la
priver de dessert pour un bâton de rouge
frauduleusement acheté, prenait plaisir à la
farder.
Ne serait-il pas opportun d'introduire
ces coutumes libérales dans nos bonnes
vieilles familles françaises?... Vous croyez
que c'est plaisanterie de poser une telle
question?... Réfléchissez un peu.
Regardez, à dîner, au théâtre, votre
voisine, quelle qu'elle soit. Y a-t-il, dans
tout ce qu'elle vous laisse apercevoir d'elle-
i55
même — et la mode, à
cet égard, la seconde géné-
reusement — un grain d'épiderme
demeure indemne de maquil-
lage ? Celle-ci, faute de pouvoir
mettre des vers luisants dans sa chevelure, y a secoué
quelques disques d'or qui étincellent sous les lustres.
Cette autre est poudrée à frimas. Entre les sourcils et
les paupières — comptons bien — ne s'étagent pas
moins de huit couches de couleur, qui vont du rimmel
au rimmel, en passant par toute la gamme
des carmins et des bleus. Les moins pudi-
bondes se font des joues qui ne dérougissent
jamais. Les ailes du nez, quand elles pal- ulUm[tU/////Z'^
pitent, ne découvrent pas des dessous moins
roses que celles des grands flamands d'E-
gypte quand ils prennent leur vol, du large
Nil, vers les hauteurs du jMokattam. Puis, ce
sont les lèvres, qui n'ont pas
besoin de s'ouvrir pour trahir les secrets
de leur savante préparation. Enfin, voici
la gorge, les épaules, tout le domaine
— au seuil duquel la décence commande
que l'on s'arrête — des pâtes de concombre,
des crèmes orientales, des laits dont le
nom seul évoque une éternelle jeunesse.
Si de récents décrets veulent que les
mains soient gantées, s'ensuit-il pour cela
qu'elles ne soient pas fardées jusqu au
bout des ongles ? Et sur combien de fines
chevilles la transparence arachnéenne des
i56
bas, la superposition des anneaux
d'or ou de malachite ne laissent-
elles pas apercevoir des ara-
besques où l'habileté d'un pinceau
méticuleux se trahit davantage
que la vérité sans artifices de la
nature.
A qui fera-t-on croire qu'une
telle polychromie ne demande
aucun apprentissage ? . . . Or,
qu'enseigne-t-on dans les couvents ? La harpe et le piano ?
— Il y a beau temps que le golf et la très-moutarde les
ont supplantés. Un peu de littérature? — A quoi bon,
quand une élégante qui se respecte déguste, par jour, ses
deux ou trois conférences en Sorbonne ? La peinture sur
éventails ou sur porcelaine?... Nous y voici.
Secouons hardiment les préjugés et les routines. Ren-
voyons à ses compotiers l'antique demoiselle professeur et
son album où des papillons voltigent parmi des glycines.
Ce qu'il faut désormais, c'est de la peinture sur modèle
vivant. Introduisons dans le corps
enseignant les Ouled-Naïls de Tlemcen
et les bayadères sacrées du temple
de Madura...
« Mesdemoiselles, vendredi pro-
chain, notre cours de tatouage portera
sur la décoration des joues et du
nez d'après les procédés en honneur
chez les aborigènes du Monomotapa. . . »
Charles MuLLER.
INI
t^{b-MA«**r>
Ouli^ire pliysique
'HÉGÉMONIE d'Athènes,
maîtresse de Paris,
s'afifirme de jour en
jour : après le plaisir
des yeux, que Mrs
W^atts, légère, géométrique et dé-
vêtue, détenait hautement, n'aban-
donnant les feuilles de sa couronne
~..».™,.-««^.c«« qu'à la fresque solitaire et infinie
que déroulait Isadora, voici le propre plaisir du corps.
Cela est bien de jouer, mais comment se vêtir ?
Cruelle énigme, et nos chères Philhellènes sont plus que
perplexes ; l'une d'elle me parla ainsi :
« J'ai tout d'abord adopté le maillot
collant, en deux parties, mais l'œil de mon
mari, oblique et fatal, suivait mes randonnées
et semait d'invisibles bombes parmi mon
délicat plaisir; et puis, cette course folle sur
le linoléum semblable à quelque marée basse
qui ne serait jamais haute, m'agaça tant soit
peu. Ensuite, une de mes amies lança le tablier
de lustrine, serré à la taille et s'arrêtant en
cours de mollet. Folle de cette innovation, je
pensai mourir de joie en me livrant à ma
chère Eurythmie, vêtue semblablement ; mais,
bientôt, je réalisai que nous représentions
l'éternelle promenade autour du préau gris
d'un pensionnat de petites filles, Claudines
"=^
i58
échevelées mises au pensum du rythme.
« Médiocrement fière du piètre succès de
mes réalisations, je revins (c'était fatal) aux
roses d'Ispahan, aux jets d'eau de Bagdad,
à la robe persane hellénisée par le rac-
courci sournois des jupes écartées et rai-
dies, déterminant Timage d'une ombrelle
dédaigneuse de la nuque, et consacrant
son ombre à mon infériorité.
« Un jour que, de la sorte vêtue, je
batifolais dans
l'enceinte sacrée,
mon amie Chry-
salide susura :
« Hélas ! ma
chère, cette parure
vous incline en
votre fantaisie, à
ressembler à quel-
que cerf- volant
précaire, qui, bien
qu'y tâchant, ne peut point s'envoler.
« Maintenant, je revêts la chla-
myde antique. Ainsi, je me trouve d'ac-
cord avec ma doctrine et c'est là que je
m en tiendrai.
Jean d'ARTÉAGA.
L'HEURE
■■4
V
43
'^'^SS&'^
ous n'êtes sûre-
ment pas, aima-
bles lectrices,
comme on disait
sous le règne
Je Charles X, sans avoir en-
tendu parler du rôle prépon-
dérant que jouent en matière
de politique ce que les gens
du métier appellent mysté-
rieusement « les impondérables ». Qu'est-ce en réalité qu'un impondérable?
« C'est un rien, un souffle, un rien... » vous savez le reste. Eh bien! comme
la poKtique, la vraie élégance n'est faite que d'impondérables harmonieuse-
ment combinés et accordés. La façon de porter l'heure est un de ces
impondérables, et qui a une importance psychologique que je n'hésiterai
pas à qualifier de capitale.
Si les femmes avaient le temps d'y réfléchir, elles seraient parfois épou-
vantées de la signification que pourraient comporter aux regards des hommes,
s'ils étaient eux-mêmes plus clairvoyants, telles de leurs manières d'être, tels
de leurs gestes habituels, telles de leurs façons de suivre la mode... ou de
ne pas la suivre. Elles seraient, par suite, dans leur intérêt même, plus
dissimulées ou plus franches que nous ne les voyons. Ce serait dommage,
d'ailleurs, puisque l'intuition
leur suffît, qui sait les faire
agir, toujours, le plus confor-
mément à leur nature et à
leur idéal ! Elles sont bergso-
niennes, sans le savoir, très
naturellement, ce qui est la
plus jolie façon de l'être...
comme M. Jourdain parlait en
prose.
Donc , qu'elles portent
l'heure au fond de leur boîte
à poudre ou dans le manche
i6i
de leur parapluie ou de leur
ombrelle, qu'elles la portent
au bras... ou au pied, comme
il paraît qu'elle se porte ou
se portait naguère en Amé-
rique, qu'elles la portent en-
fouie dans les pétales de la
fleur de soie dont elles ornent
leur corsage, entre les seins,
comme un gros scarabée d'é-
mail sommeillant voluptueu-
sement parmi la fraîcheur
odorante d'une rose, ou accro-
chée au revers du « tailleur » comme les demi-soldes portaient la
Légion d'Honneur, ou encore dans le creux de la main, sous le gant, ou
retenue au chapeau par une ganse de soie, certes, cela ne saurait laisser
indifférent un observateur à la vision pénétrante. Mais ce qui compte
davantage, c'est l'importance qu'elles attachent à l'heure, le prix qu'elle vaut
à leurs ^œux, le geste, l'attitude, l'expression qu'elles ont en la regardant,
toutes choses desquelles il est aisé de déduire, pour peu que l'on soit perspi-
cace, si elles sont prodigues ou avares, dépensières ou économes de leur
temps, soucieuses d'exactitude ou le contraire, ordonnées et méthodiques
ou bien avides d'inconnu et de nouveauté, fantaisistes et capricieuses, pour
qui la minute présente n'existe point, puisqu'elle est déjà à moitié vécue, et
qui n'attendent de joie que de
celle qui va naître. L'heure qui
va naître ! Celle-là seule est
belle, puisqu'elle porte en elle
tout le mystère de l'inconnu,
tous les sourires et toutes les
épouvantes que contient chaque
seconde qui n'a pas encore sonné
au grand Régulateur du Temps. . .
Car cette heure qu'elles
portent sur elles, du matin au
soir, n'est pas celle que peuvent
marquer les cadrans des hor-
loges pneumatiques, des monu-
ments, des boutiques et des
gares, des mille montres qui
battent la berloque dans les
vitrines des horlogers, pas
même celle des petites pendules
de bureau ou de coiffeuse, pas
même celle des gros « oignons »
d'automobile qui vous regar-
dent de leur œil froid et
semblent aller toujours trop
lentement... l'heure qu'elles
portent sur elles est autre:
elle leur appartient en propre,
et ses secondes battent à l'u-
nisson de leur cœur; c'est la
chaleur de leur sang qui les anime, et c'est le rythme de leur vie qui en fait la
chose vivante, personnelle, individuelle, unique qu'elle est. Elle est celle qui
marque, à sa manière, qui est sûrement la meilleure, les petites et les grandes
joies, les petits et les grands chagrins, les miUe jeux, les mille puérilités, les
miUe riens dont est faite l'existence quotidienne des femmes et... des hommes,
même les plus graves. Qu'importe qu'eUe soit exacte ou non, qu'eUe avance
ou qu'eUe retarde, qu'eUe s'inscrive fugitivement sur un cadran d'émail ou
d'or, de ténèbres ou de lumière, ovale, rond ou carré, à l'ancienne mode ou à
la nouveUe?... Je sais un fantaisiste charmant dont la montre indique depuis
des années la même heure :
onze heures moins dix... elle
s'est arrêtée là un beau jour;
il ne l'a plus remontée de-
puis. « Onze heures moins
dix, dit-il, c'est une bonne
heure, n'est-ce pas?» L'heure
d'un rêve, peut-être, la seule
heure qu'U faiUe regretter
et dont U vaiUe, par suite,
de perpétuer matérieUement
l'impalpable souvenir, pour
lui épargner et s'épargner à
soi-même la honte de l'oubli..^
Gabriel Mourey.
#
^
L
#
x^x^x
ES physalis, les mangues et toutes
sortes de légumes exotiques
essayaient à peine, avec l'aide,
j'imagine, des députés coloniaux,
de supplanter, dans la mode pari-
sienne, la classique fleur artifi-
cielle, née sous nos climats, que celle-ci déjà
préparait sa revanche.
Et quelle revanche I Menacée sur les cha-
peaux, la fleur se rattrape sur le costume et toute
la rue de la Paix s'est vouée sinon à la culture
intensive, du moins au docte assemblage des
œillets, des fuchsias, des anémones, etc. — de ces
espèces, s'entend, qui se moquent des saisons
parce qu'elles sont en gaze, en
velours ou en fil de soie. Les pépi-
niéristes et les horticulteurs de la
couture ne lèvent pas vers le ciel un œil anxieux pour suivre
le nuage qui les ruinera, mais ils ont leurs soucis (p tante j-
compoééeé a capitutes Jauneé) et parfois demandent grâce.
' Actuellement, ils n'en peuvent plus, tant les ateliers qu'ils
fournissent exigèrent de rapides et nombreuses récoltes :
ces Gravereaux de la rose en étoffe ont jonché les larges
tables des midinettes de hottées de « variétés » à faire
honte à THay et à Bagatelle dans leur apothéose de mai
ou de juin]... Et le matin, en arrivant, les «petites mains»
distraites, plus légères que coupables
(excusez-les en faveur de leur jeune âge I) arrosaient
naïvement ces plates-bandes incarnadines, comme si elles
étaient encore, à la fenêtre de leur mansarde, à soigner
leur pauvre pot d'azalées de douze sous.
Le divin Camuzet a chanté naguère « les trois âges
de la rose ». Il ne prévoyait pas le quatrième, celui de la
rose imitée, plus légère de tissu que celle des jardins
(n'est-ce pas le spectre de la rose véritable I) et qui, lasse
de former bouquet à la ceinture des belles dames, se mêle
P.r^CRAS .
63
maintenant à leur toilette entière, grimpe à leurs
bras, à leurs épaules, à leur cou... La rose est
montante... si la robe est décolletée!
Autrefois on l'imprimait dans Tétoffe; à son
tour de faire impression ! Pourquoi, en effet
abandonner les roses pliées par des doigts de
Parisiennes, aux maires de village qui en coiffent
les gauches rosières, sur une estrade de sapin,
pendant que la musique des pompiers joue la
Jflarche Indienne ? Les rosières manquent de grâce et de chic, et les roses
en soie, en velours ou en cretonne (une rose en cretonne est plus qu'une
autre exquise) ont assez de charme et de fines couleurs
pour parer une duchesse ou une marquise, ou simplement
une jolie femme qui a du goût et va dans le monde. Elles
ont droit à la beauté ! et il convient qu'elles soient des
fêtes du soir, dans les salons, à TElysée, ou à l'Opéra.
Aussi les élégantes leur rendant justice (ah ! pour
combien de temps !) s'enveloppent-elles à présent, nou-
velles filles-fleurs, de vraies chaînes de roses, symboles
des bonheurs infinis qu'elles réservent
à leurs maris ou à leurs amants.
Voici des robes... à peine
écloses, chez les couturiers en renom,
et qui montrent le triomphe de la
rose-ornement. Jetez les yeux sur
ce costume à l'antique, où
des fils de perles servent d'épau-
hères, et qui est tout en plis,
pareil à la rose même. L'intré-
pide qui le revêt porte devant,
dans une manière de poche, une
brassée de roses moussues, comme
la sarigue, dans la sienne, niche ses petits. J'ai tort,
en somme, de dire poche; c'est plutôt une sorte
d eventaire, sur une jupe fermée (fermée pour cause
d'éventaire). En tout cas c'est du dernier bon ton.
Et vous ne voudriez pas, vous rappelant celles
d'Ispahan, que les roses fissent défaut aux toilettes
persanes ? La rose, même artificielle, s'allie à mer-
164
veille à toute turquerie. Pour peu. Madame, que vous
tâtiez du turban, il vous sera facile de garnir de
menues roses en chapelets vos lâches manches ou
réchancrure de ce qui vous servira de corsage, et à
votre étroite ceinture vous en attacherez mille et une
en vingt guirlandes qui tomberont,
en rond, le long de vos flancs impec-
cables. Quand vous danserez, elles
tournoieront autour de vous, comme
les lanières d'un fouet dont vous
balaierez le visage de vos voisins.
Ce sera très désagréable pour eux
et vous vous amuserez beaucoup.
Il y a, du reste, pour femmes
tranquilles, des festons de tout
repos, qui, enserrant le corps, des
reins aux jarrets, pendent doucement
sur les genoux en trois files serrées.
Et, cela va de soi, les roses, quoique
préférées, peuvent céder la place à
toutes autres fleurs de style, jonquilles,
camélias ou pensées...
Comme pour la garniture des chapeaux. Car, après
tout, les fleurs n'ont pas renoncé aux chapeaux, quoi que
prétendent les marchands de denrées coloniales I Elles
résistent vaillamment sur les toques et les capotes, y
formant non leurs derniers carrés, mais de véritables arcs de triomphe!
Chrysanthèmes, glycines, clochettes, pervenches, tout s'y prête, et cepen-
dant, ici encore, tout cède à la rose, qui touffe sur la calotte ou épouse, en
jugulaire, la rondeur du menton.
Ah î quelle chance que nous ayons délaissé cet
usage des anciens d'après lequel, une fois coiffé de
roses, on s'engageait à la discrétion I S'il durait
encore, une femme chapeautée à la mode ne pourrait
plus faire de potins.
Dieu merci, nous ne tenons plus compte d'aussi
sottes conventions I
On a permission, aujourd'hui, d'entasser des
pyramides de roses sur la tête avec le ferme p.meras
violettes.
65
propos de jaser sans retenue. Mais la rose régnant ainsi partout, son image
finit par vous poursuivre. Je rendais visite, cette semaine, à une belle
dame qui observe la mode exactement. Elle voulut appeler son valet de
chambre (oh ! non pas qu'elle eût peur de moi !), sonna et par mégarde lui
dit, comme dans les comédies, en lui remettant un billet qu'elle venait de
griffonner :
— Larose, ce pli à son adresse...
La rose, qui s'appelle Justin, parut stupéfait et ravi. Il se huma
pensant embaumer, et s'empressa d'aller annoncer la bonne nouvelle à
Lafleur, le chauffeur, et à Brin d'Amour, le garde municipal qui courtise
la soubrette. On but un verre du meilleur bourgogne de la maison, pour
célébrer le baptême.
Carlos Fischer.
PMCRA»
GOUT AU THEATRE
EN REGARDANT "APHRODITE"
l«*^\«i(lk.
N a pu dire que le théâtre
consacre la mode et ne la
crée pas. C'est pourtant la se-
conde fois que, par un détour
inattendu, M. Paul Poiret a
tiré la mode d'une pièce de
théâtre. Il l'avait fait déjà avec
le JUlnarety il vient de récidiver
avec Aphrodite,
Autrefois, pour représenter
les tragédies classiques, les comé-
diens suivaient le goût du moment
et s'attifaient comme les spec-
tateurs. Avant Lekain, les héros
romains s'habillaient comme des
marquis ; jusqu'à Mlle Clairon
les princesses grecques portaient
167
X
^^1^ la perruque et les robes à paniers. M. Antoine,
dans la récente représentation de F^ychc, nous a
rappelé ces temps pittoresques, M. Paul Poiret
les renouvelle avec un raffinement de plus : il
habille les courtisanes grecques comme nous pour-
rons l'être demain.
Dès le premier soir, au théâtre de la Renais-
sance, ce fut comme le coup de foudre : nous
étions sûres que la saison prochaine — que dis-ie?
la semaine prochaine — nous serions vêtues comme
Rodis ou comme Chrysis, comme Pyrallis ou comme
Bérénice. Un léger effort d'adap-
tation peut y suffire ; les costumes
de théâtre qui convenaient à une
action archaïque et exotique devien-
dront des robes d'intérieur ou de bal.
Le haut du corps très hbre,
nous porterons une longue gaine
plissée retenue sur les épaules par
d'imperceptibles chaînettes; sous les seins et sur
les hanches une cordehère d'or serrera la gaine.
Nous serons enfin plus hautaines, couvertes par
la lourdeur droite et voluptueuse d'un riche tissu
métallique. Adieu volants en spirale, abat-jour
de tulle, kimonos transparents.
Adieu turbans, adieu aigrettes! Nous fûmes
peut-être Persanes.Nous croirons être Grecques;
mais nous ne serons que des Grecques un peu
barbares, des Grecques telles que nous pouvons
les ressusciter, sans classicisme, un peu impu-
diques, mais toujours infiniment parisiennes.
Lise Léon Blum.
mMM
K
■•.i.
LE BON TON DES MERLETTES
CONSEILS SUR L'ART
DE RECONNAITRE UN VRAI GENTILHOMME
y^"----!
3ir^
^ PRÈS le faux, voici le vrai : l'homine bien né ne parle de ses ancêtres
J que s'il est interrogé. Il indique alors sa province d'origine avec
J le lieu de sa naissance. S'il est titré, il donne la date des lettres
patentes, du brevet, de l'ordonnance, sans faire étalage.
Don Prospero Colonna, maire de Rome, dirigeait M. Loubet à travers
la gloire du Capitole. Dans les salles où sont accrochés en espaliers les
portraits des illustres, Colonna s'arrêtait, donnait force détails sur les per-
sonnages et les familles. Le cortège arrive à la salle qu'empKssent les plus
célèbres parmi les Colonna. Le prince presse le pas et, montrant tous les
portraits d'un geste circulaire, dit simplement :
— Quelques personnes de ma famille. Monsieur le Président.
C'est le modèle du bon ton et de la grande manière.
Dans la maison du vrai gentilhomme, les portraits de famille sont hono-
rablement placés dans des cadres sobres, sans cartouches chargés de notices.
169
Les aïeux sont d'époques dîiFérentes, sans armoiries modernes repeintes sur
toiles anciennes. Cependant tout peut arriver : j'ai vu un Lafayette peint en
1785 et paré de la Légion d'honneur. Faux portrait? Non: Au soir de sa
vie, Lafayette donna cette image de sa jeunesse, et fit ajouter sur l'uniforme
de l'ancienne armée le ruban rouge et la décoration en étoile.
A propos d'écussons, une lectrice m'écrit : « Vous indiquez les lieux qui
ne doivent pas être armoriés. Un vrai gentilhomme doit cependant mettre
ses armes sur certains objets? » Oui, Madame. Il doit avoir un cachet et
peut en sceller ses lettres, toutes celles qui ne sont pas adressées aux four-
nisseurs. Le cachet de cire donne meilleur ton à une lettre que les gravures
disposées k l'angle du papier. Les armes se placent encore sur les portières
du carrosse — c'est-à-dire de l'automobile. L'écusson doit être petit mais
peint aux couleiu-s des pièces. L'argenterie de table porte les armes bien
gravées en taille-douce ou (ce qui est mieux) ciselées en rehef. Et c'est tout.
LES LYS
Arme<) d'Oriéand : D'azur à trois fleurs de lys d'or^ au lambel d'argent
en chef (1).
ANNULATION :
TroLé foie la Cour de Rome a refudé d'examiner la nullité du mariage célébré
le 5 novembre 18^6 entre Philippe, duc d'Orléané, et Marie, princeéàe impériale,
àrchiducheéée d'Autriche. Maié voici quun canoniéte habile a trouvé deà motif d de
droit pour obtenir l'annulation,
Leé cauéeé matrimoniales àe plaident pour l'ordinaire devant l' Officiai de l'évêché
oîi a été célébré le mariage, puià en appel
devant le tribunal de la Rote, ci Rome,
Pour leé princes de maison royale, le
pape appelle la cause directement devant
lui, et sous le secret du Saint-Office.
Ainsi sera fait pour le duc d'Orléans, et
Si l'annulation est obtenue, nous ne saurons
jamais pourquoi,
(1) Depuis la mort de Mgr le comte
de Chambord, le ' chef de la branche
Bourbon-Orléans a supprimé le lambel,
malgré les protestations de l'illustre Don
Carlos, chef de la maison de Bourbon.
y— m^\
170
LE BARON LE VAVASSEUR :
Armeé : d'azur au chevron d'or,
accompagné de trois étoiles du même.
Ce nom que répètent led échod deà
tribunaux d'honneur et de juétlce eét parmi
ieé plud honorableé de la bourg eoiéie nor-
mande. L'aïeul, anobli en 17 j 8, était
juge-conéul et premier échei^in de Rouen.
Il eut troid jiU qui firent leur chemin a
trai^eré la Révolution et Ieé récjimeé àuc-
ceééifé.
Benjamin fut baron de l'Empire, avec
majorât, le i/j avril 1810 et vicomte héré-
ditaire de la Reétauration, le 1^ février 182J. Il mourut à Toulouse, général de
brigade et commandeur de Saint- Louié.
Charleé-A niable fut chevalier de l'Empire, donataire dur le Traéiméne et mourut
maréchal de camp en 18^^.
Pierre- Léon ée contenta d'être député a la Lé^iélative et de mourir en 1808, général
de brigade.
Autre T^e Vavaééeur, prénommé Jacqueé, fut créé baron héréditaire, par trans-
mudion du titre et du majorât de don beau-père, le baron Chapaid de Marivaux.
Ce dernier était condeiller a la Cour de Rouen, venu du fond du Dauphiné avec
deé armed récented: d'argent au vaisseau de sable.
Led allianced ded Le V^avaddeur dont encore au-deddud de leur excellent état :
la fille du baron Jacqued épouda Aï. Duchedne de Gillevoidin, duc de Conegliano,
chambellan de Napoléon, petit-fild par da mère du maréchal Moncey. Led autred
parentd dont led Caqueray de Aïontval, led Fontenilliat, led Caroillon de Ven-
dent, led Bargence (ou d'Argence), led Aubourg de Bourg, led Bélard, led Debonne
(oii plud récemment de Bonne), led Rolland de Villarceaux, led de la Bigne, led
Gauthier de Vaucenay, led Dezod de la Roquette, led Donjon de Saint-Martin et
toute cette haute bourg eoidie normande qui aurait paddé dand la nobledde légitime, di
led accidentd de la République n'avaient pad arrêté da marche.
ROTHSCHILD :
Armed : Ecartelé, au 1 d'or, à Taigle de sable ; au 2 d'azur, à xm bras
de carnation mouvant du flanc senestre tenant cinq flèches d'argent, les pointes
en bas; au 3 comme au 2, le bras mouvant du flanc dextre; au 4 d'or, au
lion de gueules. Sur le tout, de gueules à un bouclier ovale d'argent
171
posé en barre ayant un nombril au centre. Supporté: à dextre un lion d'
à senestre une Kcorne d'argent. Den^e : « Concordia, integritas, indust *
Une pièce de théâtre a i^ouLu montrer^ éarià éoucl de l'exactitude, Ué or' '
héraldlqued de la famille Rothéchlld, Voici quelques préclàloné fort honorables
ceux dont elleé duent le paééé. Beaucoup de gentlUhonimed très chrétlené nont n 1
quartiers auàél francs et des états de seriflce aussi ai^ouables.
M. Mayer Anischel Rothschild reçut pour lui et ses descendants la dignité (sic)
de baron, par lettres patentes de S. M. l'empereur d'Autriche, en date du
2CJ septembre 1822; ai^ec règlement d'armoiries. Motif : « A^olr sauvé d'an
désastre les finances de l'empire »,
Le 16 juin 18^8, Llonel-Natham Mayer- Rothschild fut autorisé par licence
royale à porter en Angleterre son titre autrichien.
Sir Antony Mayer- Rothschild fut créé baronet, ai>ec son frère Lionel, par décret
du roi d'Angleterre, le i2Jani^ler 18^ j.
Enfin, sir Nathan Mayer de Rothschild fut créé baron-lord le 2g juin 1885.
Les nobiliaires anciens mentionnent un premier anoblissement autrichien du
25 mars 1817, ai>ec des armes un peu différentes : aux 1 et 4, une demi-aigle de
sable mouvante du parti.
^ fj^r nombre d'objet, Jeu le baron Alphonse de Roth.hchild aimait, avec une trc.
héraldique éimpUaU, a remplacer l'écu compliqué par une Ample pièce empruntée aux
armed : leé cinq flèche, d'argent.
BAS-RELIEF
S
IL VOUS plaît de prendre la vie de haut, de contempler
les choses à vol d'oiseau, ce dont je vous félicite en m'ap-
phquant le plus possible à faire comme vous, il vous faudra
cependant en rabattre, et déposer vos petites ailes pour un
temps : celui de vous amuser à suivre vos contemporains
dans un dédale de f... fantaisies (j'allais
écrire folies), où ne
les entraîne point
au fond du laby-
rinthe le désir de
sauver sept de leurs
compagnes . . . mon
Dieu non. Leur mo-
tif est plus simple
et moins noble : elles
s'amusent, et leur
nouvel amusement
est, depuis peu, de
. ^75
prendre le costume par en bas, sans trop
de souci de ce qui se passe par en haut.
Quel clioc subit le cerveau féminin en
ces deux dernières années? Ce n'est pas
à ma précaire philosophie de sonder les
profondeurs du mystère. Je ne suis là
que pour observer, et
vous dire qu'en Tété
1914, que nous sou-
haitons tous lumineux
et tiède, les petites
..^ filles d'Eve seront tout aux bas de jupes
^ — ?
....
— Ne vous frappez pas, et écoutez-moi.
Tandis que votre fine encolure se
détachera parfois sur la feuille impalpable
et translucide d'un col dit Médicis, vos
petits pieds s'agiteront ner-
veusement, parce que leur
cheville enfoncée dans le
pantalon de nansouk fes-
tonné de Sophie Fishini.
Un autre jour, très Louis
le quinzième dans votre
grand habit, ample et flot-
tant, alors que vous rêverez bergères et
houlettes, ou jeux de cache-cache sous les
charmilles ombreuses, vos chevilles prises
dans un étroit tuyau de soie vous rappeHeront
que ce Louis XV despote ne fut rien auprès
du régime de notre temps !
174
Vous aurez des moitiés de corps de dames grecques se
promenant, riantes, sur les ciels embrasés, alors que vos
hanches et votre buste se draperont dans un modernisme
sans intérêt.
Certain soir, demi-nues, dessinées comme par un potier
grec, vos jambes apparaîtront sans autre voile que les
volants de tulle superposés d une jupe de bal.
Culottes d'aimée, de spahi ou de touareg, enroulement
de jambes des sultanes aux longs cils, ou simple ejffet de
pantalon large et court sur les souliers à boucles de Tiné-
narrable Diafoirus, que ne verrez-vous pas? Rapportés des
pays saxons ou asiatiques, vous retrouverez tous les cos-
tumes ! Vous verrez mieux, ô surprise, sur deux joHes
jambes qui ne rappelleront en rien celle de Maritorne, le
même retroussé de sa jupe, quand, le long du cours d'eau,
à Tombre du grand saule, elle va laver son linge.
Jeanne R. Fernandez.
E AU THEATRE
Mlle RAYMOND
dans
IjU Petite Bouche
Mlle
DORZIAT
dans l'Èpeivier
Mlle LAVALLIERE
dans
jfïa tante d'HonJTeur
«s
I* r
6 "l
Mlle Ariette
DORGÈRE
dans jUa tante
d'Honneur
Une toilette
dans
Le JUanneqaiii
Mlle DORZIAT
dans L'Epenner
Mlle POLAIRE
à La Cigale
Mlle RAYMOND
dans La Petite Bouche
jG
INTERIEURS MODERNES
H I la révolution ne s'est point accomplie sans peine I Depuis
plus de quinze ans, qu'il a fallu de luttes I Que d'incertitudes
et d'erreurs de la part des artistes et des fabricants I Que
d'entêtement du côté du public] Mais voici qu'enfin les
femmes, avec une sorte de frénésie, veulent renouveler le
cadre familier. Je dis : les femmes, car lorsqu'il s'agit de
leur intérieur, elles sont arbitres suprêmes et rien ne pouvait se faire tant
que l'on n'était sûr de leur complicité. Autant nous les avons vues volon-
tairement rétrogrades, obstinées, autant elles s'affichent audacieuses aujour-
d'hui. La passion qu'elles mettaient à défendre le passé, elles l'apportent
à servir les tentatives les plus osées. Il n'est bizarrerie de forme, étrangeté
de couleur qui ne les séduise. Ohl mon amie, lorsque vous vous mettez à
être révolutionnaire !..
^77
Ainsi donc la faiUite partielle du
moderii-élyley qui nous valut tant de
réactions, n'a point compromis l'avè-
nement d'un style moderne. Gardons-
nous cependant d'être injustes envers
les précieux efforts de l'école de 1900.
S'ils n'ont su vaincre tout à fait l'ironie
ou l'indifférence, c'est qu'ils étaient
sans doute prématurés et que les
résultats ne satisfaisaient pas toujours
cette logique sans laquelle avorte tout
essai d'art appliqué. Le défaut rési-
dait dans l'improvisation et le manque
d'adaptation de l'objet à sa fin propre.
Ici l'absence de stabilité, ailleurs le
choix des motifs ou des matières,
l'enchevêtrement et la complication des lignes rendaient agressives à l'œil,
ou au corps inhospitahères, des tentatives souvent riches de promesses.
N'était-ce pas, d'autre part, rompre trop violemment avec des traditions
séculaires ? Loin de notre pensée de déplorer les excès nécessaires à l'avène-
ment d'un progrès 1 Les hauts cris, longtemps poussés dans le silence, contre
la copie servile de nos styles ont enfin réveillé l'imagination découragée des
artistes. Mais c'était surtout la torpeur du public qu'il importait de secouer.
Avouez, mon amie, qu'il vous était un peu facile de commander une fois pour
toutes, sans songer que vous alhez être condamnée à y vivre ei k y vieillir,
une chambre Louis XVI ou bien un salon Empire! Lamentable paresse,
triste horreur des responsabilités I
Comment, si longtemps, fîtes-vous
abstraction de vos goûts person-
nels et de votre initiative, allé-
guant des préférences qu'en vé-
rité vous n'aviez plus depuis
longtemps ? Pour mettre votre
ingéniosité au service de la bonne
cause, que faUait-il? Simplement
exiger de vous-même que vous
vainquiez votre indolence native,
et vous appeler avec confiance
au rôle de conaboratrice.
178
Aussi c'est par les chiffons que, tout naturellement, la révolution s'est
faite. Les hardiesses de la mode moderne, les innovations de couleur et de
forme, — n'est-ce pas la toute-puissante intervention de la couleur qui
caractérisera nos préférences d'aujourd'hui? — les ballets russes, les
cubistes, que sais-je encore, dessillèrent les yeux féminins embarrassés de
vieux souvenirs, de tendres obsessions, de reliques surannées. Peu à peu,
en plein salon, s'aventura — avec quelle timidité et quelle inquiétude —
un coussin aux tons violents. Et bientôt cet intrus a clamé partout la
révolte. Soudain le décor traditionnel a vieilli de plusieurs siècles, les
tentures ont paru mornes, les tapis fanés, les murs indifférents. Comme
dans un Knceul, le tapissier emporta dans sa bâche les rehques du passé,
et les coups de marteau de ce mangeur de clous ont annoncé à l'ébéniste
qu'il fallait abattre à son tour les vieux meubles démodés.
Ce n est point cependant que nous applaudissions sans réserve aux
étranges fantaisies de certains qui s'improvisèrent décorateurs : tout ce qui a
pour but d'étonner est voué à ToubH, et l'ignorance absolue des techniques
condamne ces bruyants efforts. Il y aurait, n'en doutez pas, quelque
snobisme, après tant d années de réaction, à se lancer à corps perdu dans
ces séduisantes foKes, et à imiter le byzantinisme qu'affichent certains
dilettantes. Tout cela datera vite et date déjà. C'est d'une manière plus
insinuante que les progrès se font, et l'heure semble enfin venue d'atteindre à
un juste équilibre. Mais, plutôt que d'affirmer nos préférences, retenons ici,
en dehors des questions d'écoles, la victoire d'un style nouveau. Les exposi-
179
tions du Salon d'Automne et des Arts décoratits nous ont permis de suivre
avec joie, pêle-mêle, les recherches d'un Gaillard, d un Dufrêne, d'un Jallot,
d'un Iribe, d'un Martine, d'un Groult, d'un Jaulmes, d'un Mare, d'un SUe
ou d'un Francis Jourdain; nous avons vu des tapissiers et aussi de grands
fabricants qui, jusque là, ne s'étaient consacrés qu'à l'art ancien, comme les
Dumas, mettre leur outillage au service du style moderne. Mais pour que ce
style soit viable, il convient qu'il interroge les leçons du passé; il faudrait
— et c'est là la condition essentielle de leur succès et de leur diffusion —
que les meubles modernes pussent fraterniser avec des meubles anciens,
sans qu'ils eussent les uns ou les autres à souffrir de ce voisinage. Ne
serait-ce pas la meilleure preuve que nos meubles modernes renouent avec
notre tradition, en la renouvelant, et perpétuent ces dons d'équilibre et de
grâce qu'entre toutes notre race reçut en partage ?
Claude Roger-Marx,
Documents communiqués par MM. P. -A. Dumas
RUBANS AUX CHAPEAUX
[^ ^%,
^^^ i UE vous semble de ma petite oye? disait-on au xvm'' siè-
J^ V^ - cle pour parler des rubans du chapeau, du nœud
3^"^^^^^ de Tépée, de tout cet ornement qui enrubannait
les habillements dun bout à l'autre, à cette époque.
Si nous n'avons plus de bonnet que le matin,
du moins le ruban se retrouve-t-il sur nos om-
brelles, nos robes et nos chapeaux. Nous n'a-
vons plus le Joiitange, mais nous avons le cornet,
le panier et la corbeille; tous faits en ruban, ou
retenus aux boucles de nos cheveux par ces liens
immenses de soie ou de velours, qui font de nous
autant d'Arianes... après le labyrinthe.
Si nos robes miroitent au moindre effet de
lumière et de soleil, c'est que la plus grande partie en est
faite de rubans, larges ou étroits suivant l'heure; si au-
dessus de nos têtes planent de grands
oiseaux vainqueurs, c'est encore au ru-
ban, diaboliquement noué, qu'en revient
l'élégance. Tout est rubanné, n'est que
ruban, ce long et souple enroulement
de soie, symbole des sentiments infinis
et changeants du cœur féminin !
18:
LA MODE ET LE BON TON
mxmK^
L
S:
^^^
:^
ORSQUE une femme,
aujourd'hui, se campe
un minuscule chapeau
sur l'œil, qu'elle se
maquille à l'excès, et
qu'elle marche le ventre
en avant, un petit chien
sous le bras, elle donne l'impression d'avoir
atteint le summum de l'élégance. Dégagée
des choses de la terre, un regard compa-
tissant promené sur le reste des humains,
c*est tout un poème que ce petit morceau
de femme, qui ignore tout des traditions de
beauté et d'harmonie.
JgVIDEMMENT elle nous paraîtra tou-
jours charmante puisque en elle chante
tant de jeunesse, d'inconscience et de grâce,
mais elle nous donne un peu l'impression
de l'enfant adorable et bouclé jouant au
général, sous un chapeau de papier gras ;
il est délicieux, mais nous aimerions mieux
le voir autrement.
|7T, ce qui exaspère l'œil artiste et sensi-
tif, c'est que, au milieu de tant de folies
auxquelles les femmes s'attachent tout par-
ticulièrement, il se trouve des merveilles
qu'un trop petit nombre, hélas I de réelles
élégantes, distinguent et se décident à élire.
(QERTAIN effet de cape Junof apparais-
sant aux Courses a été réussi et ad-
miré plus que je ne saurais dire. Cette cape
accompagnait une robe à tunique ample,
en soie souple, qui, extrêmement courte,
laissait voir une petite jupe aussi étroite
qu'un tuyau.
Quel chic dans l'enveloppement de
cette cape, rappelant avec son grand col
le vêtement des maréchaux de l'Empire.
Une autre jolie chose, c'est les plis em-
ployés en tous sens, très fins ou très larges
mais s'éventaillant avec une grâce exquise
à la cadence de la marche.
gEAUCOUP trop de femmes portent
des bouillonnes en forme de crevés
autour des hanches ; avec certain justau-
corps lacé dans le dos, cela vous a un air
de costume de Page, plus drôle que joli.
I
'APPLAUDIS à la jupe du soir faite de
volants de tulle posés
sur un fond plus court
que les volants. C'est,
évidemment, la transpa-
rence absolue, l'efiPet de
jambes obligatoire, mais
lorsque on les a jolies...
qu'importe!
IgGALEMENT heu-
reuse, la combinaison
des jupes de dessus très
amples, en soie souple, sur
lesquelles de grands biais
en ruban d'un autre tissu
dessinent de larges rayures
en travers. L'utilisation du
ruban est jolie, très jolie,
de quelque façon que ce
soit : les robes, les man-
teaux en sont hérissés,
rayés, et, sous l'effet mat
du velours comme sous
8:
le brillant du satin, c'est
une parure féminine s'il
en fut.
T^ OUS portons des cha-
peaux minuscules,
mais nous en voulons de
très grands, et nous les
porterons d'ici peu plats
et immenses, contrastant
avec ce que nous avons
à présent. Les aigrettes
seront remplacées par des
fleurs, et le tulle alternera
avec les transparences des
plumes d'autruche dé-
frisées.
ISJOUS avons mis des
jarretières de toile
cirée à nos chapeaux ; par
contre, nous verrons des
ceintures de paille sur des
costumes tailleur. Des fleurs et encore des
fleurs sur nos robes, des broderies de perles
en tubes, alourdiront nos toilettes du soir
et feront des draperies à nos chapeaux.
Nous revoyons et reverrons des brides
tout l'été, en soie, en ruban ou en tulle,
quelques-unes redescendant sur le devant
du corsage, échelonnées de petites roses
roses, délicates et fragiles comme la rose
prise sur le pied de la fleur.
1 ES couronnes de fleurs laissant appa-
raître le chignon sont seyantes au
possible lorsqu'elles sont très coifî'antes ;
quelques-unes apparaissent faites de baies
prin tanières ou de petits fruits, toujours fleu-
ries, en avant, d'un camélia ou d'une rose.
OS chaussures vont toujours s 'inspirant
des plus folles fantaisies, mais cepen-
dant il faut remarquer que les souliers de
velours noir à boucles de strass tiennent bon
comme souliers de rue; quelques femmes
de goût ont compris que rien ne pouvait
mieux faire valoir une jambe et un pied que
l'efîet mat. Comme elles ont eu raison !
pOUR le soir, toutes les incohérences
sont permises ; les talons ignorent ce
que les tiges des souliers racontent à la
robe dont ils difî'èrent, et, de toute cette
mésentente dans l'ensemble d'une toilette,
il naît pourtant, chose curieuse, pas tou-
jours mais parfois, une harmonie.
La musique moderne n'est-eUe pas faite
de dissonances savantes?
NADA.
EXPLICATION DES PLANCHES
PL 42. — La première de ces robes d'été, en commençant par la gauche, est en soie sim-
ple à fleurs, garnie d'un col et d'une ceinture en toile à pois. La robe Jaune est en crêpe de Velours;
un Isolant de linon plissé entoure le décolleté et le bas des manches. Vient ensuite une robe en
deux parties composée d'un haut en linon à rayures, tandis que le bas est en linon à fleurs. Dans
la quatrième, également en deux parties, le haut est en piqué rose et le bas en Hours
anglais; l'écharpe est en crêpe de Chine, Enfin la dernière, à droite de la page, est une robe en
mie à fleurs ornée de isolants plissés en linon blanc.
3^
PL 43. — Scène des Jardins « d' Aphrodite », pièce de Pierre Vrondaie d'après le roman
de Pierre Louys, représentée au théâtre de la Renaissance, dans les décors de IZonsin et a))ec les
costumes de Paul Poiret.
PL 44. — Yoici, pour l'été, un costume en soie blanche à raies couleur de rose, recouifert
d'une double Jupe de gaze. Le chapeau de paille est garni de boules de corail.
PL 45. — Cette cape de Doue et est faite d'un taffetas glacé bleu ancien. Elle est composée
de deux isolants, et trois larges boutons la ferment. Le col est de skunks et la grosse rose, de
mousseline framboise.
PL 46. — Tailleurs de Jeanne Lambin. L'un est composé d'une cape en gabardine et d'une
jupe plissée en tissu rayé Le tailleur de fillette est un i)êtement en duSfetyn sur une jupe plissée.
«|«
PL 47. — Cape du soir de Paul Poiret en i)elours.
PL 48. — Robe d'été de Redfern. La jupe plissée est en cachemire ainsi que le i)olanl
Le corsage, en i>oile Ninon, est orné d'un col et de parements en taffetas.
PL 49. Cette robe du soir de yS^orth se compose d'une longue tunique en mousseline de
soie sur une jupe en crêpe de Chine.
PL 5o. De Chéruit, i)oici une robe d'été en organdi blanc brodé argent. La bordure
est en zibeline et la grande ceinture en taffetas blond.
PL 5i . — Robe d'après-midi de Dœuillet en crêpe de Chine bleu. Les tuniques sonf bor-
dées de crêpe de Chine fantaisie. Le corsage est ouifert sur un intérieur de broderie ambre.
Imp. G. Kadar. ^^^..^,^ y^^^^j^ Directeur-Géranl
Robes SI
Gazdh' du Bon 7 on. — N' <
DE MAI
s pour l'éfé
^
Mai 1914. — PI- 4^
Gazftfc du Bon Ton. — TV"
iMai iqi4. ~ PI. 4^
.APHtOITE.
Dans les ]J ^^ ^a Dé
L
(^/^ cB.o«.cR 3fln.B>tf\
L'ETOURDISSANT PETIT POISS
Rolje d'été
Gazelle du Bon Ton. — A^' 5
Mai 1914. — PL 44
ELLE S'APPELLE MAI
Oape au soir de Ooucef-
^i^A
M
Ma^o^^^^^^
SAIS -TU TA LEÇON?
Oostumes tailleur de fantaisie de leanne Lanvm
Gazefk du Bon Ton, — yV^ 5
Mai 1914. — PJ. 46
"DANAE"
Oape du soir de Paul Poiret
GazeUe du Bon Ton. — N'' 5 ( ^ ^
Mai 1914. — PI. 47
CiOR6E :BPi«lt»l£i«L
LA SAISON DES PRUNES MIRABELLES
Rote d'après'-îriiaî de Redrern
Gazeth du Bon Ton, — T^ s
Mai 1914. — PI, 48
LA COMMODE EN LAQUE
Robe au soir de W^ortli
ÉÉ
fli
TIENS^TOI BIEN
Robe A'éié Je Ckéruit
Gazdk du Bon Ton. — ^** 5
Mai 1914. — Pi 50
LE SOLEIL DANS LE JARDl
Rote daprès-miJi de Dœuillet
Gn'T.nr^ riu nnn
Tnri — vV'' <
Mal 1914. — PI' 51
LA GAZETTE DU BON T
"^^ "^^ ^^i^
Juin 1914 SOMMAIRE 2« Année — N'» 6
LA TABLE EST MISE DANS LE JARDIN. . . . Jean-Louls VAUDOYER.
Dessins de A,-E. MARTY.
COTÉ JARDIN Emile SEDEYN.
Dessins de Georges LEPAPE.
LE CERF- VOLANT (Hors-texte) par Georges LEPAPE.
LE BON TON DES MERLETTES : LE CHAPITRE DES CARROSSES,
Dessins de Ch. MARTIN. jean de BONNEFON.
CARROSSE AUTOMOBILE DE GRAND GALA (Hors-texte), par Ch. MARTIN.
VOYAGE EN CHINE Francis de MIOM AND RE.
Dessins de ZAMORA.
ÉPHÉMÉRIDES Emile HENRIOT.
Dessin de Bernard BOUTET DE MONVEL.
LA MODE ET LE BON TON NADA.
Dessins de l'Auteur.
LA FEMME ET LE CHIEN .... : Charles MÉRÉ.
Dessins d'Elisabeth BRANLY.
CEINTURES EN RUBAN Marcel ASTRUC.
Dessins de VAN BROGK.
LA ROBE AU THEATRE par José ZAMORA.
L'AMOUR EN CAGE (Hors-texte) par VAN BROCK.
DU CHOIX D'UN PAPIER PEINT Claude-Roger MARX.
Dessins de F. de MARLIAVE.
AU HASARD T. de OSA.
LES MALLES Nicolas BONNECHOSE.
Dessins de Maurice TAQUOY.
PLANCHES HORS^TEXTE
AU PRÉ CATELAN. — Rohes et tailleurs de Jeanne Lanvin, par Pierre BRISSAUD.
ROBES DE PAUL POIRET SELON BOUSSINGAULT, par BOUSSINGAULT.
*' ISOLA BELLA ". — Robe du soir de Redfern par George BARBIER.
LES JEUX INNOCENTS. — Robes d'après-midi de Worth,
par Bernard BOUTET DE MONVEL.
LTNDISCRÈTE. — Robes de garden-party de Chéruit . . par Pierre BRISSAUD.
RENTRONS, LA FRAICHEUR TOMBE... — Robes du soir de Dœuillet.
par A.-E. MARTY.
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IV
EPIGRAMME
Parlant de da pièce, un poète
S'en alLalt déclarant partout
Que c était une centre parfaite,
Un joyau pur, un ^rai bijou.
IL demandait quon le conseille.
A cjui porter cette men^eille.
De Gémier, Réjane ou Cora ?
« JkLon cher, lui répondit Diéterle,
Puisque ta pièce e^t une perle.
Porte-la donc à Alaocima »,
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E VOUS écris, ma très chère Lucienne, de cette maison
de campagne où je suis si triste d'être séparé de vous.
An ! pourquoi mes charmants hôtes ne vous connaissent-ils
pas ! Nous serions si bien, ici, tous deux ensemble ! Dans
cette pièce, dont les murs sont peints d'un blanc un peu
verdâtre, très pareil à la couleur fraîche et appétissante du
fromage de chèvre nommé brousse de Corse, comme vous
seriez jolie à regarder, portant un déshabillé de lingerie,
dun blanc un peu rosé, un peu doré — et si blonde!
Vous êtes à mes yeux, Lucienne, l'image même du printemps.
Quel dommage que Berthe Morizot ne soit plus de ce
monde ! Ce n'est pas un autre peintre qu'elle que j'eusse
choisi pour vous représenter, vêtue d'une de ces claires
robes au goût de 1880 qui reviennent en ce moment à
85
Copi/rûjht June igij^ by Lucien Vcnjel. Parlé
la mode. Et, comme fond, mieux encore que les boiseries
du salon, j'imagine à ce tableau la « salle de verdure », si
intime et si protégée, où Ton se réunit ici, chaque matin,
pour le petit déjeuner.
C'est une salle de lilas et de faux-ébéniers, jeune, par-
fumée et brillante. Les fleurs en thyrses et en grappes
pavoisent le feuillage encore tendre, et les pétales les plus
mûrs tombent parfois sur la table, comme des mouches et
des papillons de féerie. Sur cette table, une très gentille
petite bonne, presque aussi gentille et aussi petite que le
célèbre modèle de Liotard, apporte, sur un luisant plateau
de laque, les succulentes bonnes choses. Le thé, le chocolat
et le café au lait mélangent leurs odeurs. Les confitures
luisent à travers le cristal des pots conlme de grasses escar-
boucles; les rôties, grillées à la façon de Saint-Laurent, sont
rangées dans des appareils spéciaux, pareilles aux tomes
86
croustillants d'une bibliothèque comestible. Il y a aussi des
fruits, et d'onctueuses, larges médailles de beurre frais, pour
lesquelles un Pisanello rustique a modelé un moule repré-
sentant une vache tranquille et rebondie.
Nos hôtes, qui sont avisés, s'arrangent pour que les
journaux de Paris ne soient distribués qu'après ce petit
déjeuner du matin. La plupart du temps, on prend son
thé, à Paris, en lisant « les dernières nouvelles du monde
entier ». C'est une grave erreur. Je me jure bien, désormais,
de condamner ma porte aux journaux, tant que je n'aurai
pas dégusté ma dernière tartine. Mais où seront les lilas
dans la lumière?..
A cinq heures, ce n'est pas dans cette salle de verdure
que l'on goûte, parce que le soleil en est maître; mais on
s installe alors sous une longue pergola un peu ruinée, qui
donne, non sur la route de la ville, mais sur la route des
187
champs. C'est
une pergola
où l'aristoloche,
la vigne vierge
et la clématite
abondent. On
a, de là, une
belle vue. Des
tables rusées,
auxquelles sont
accrochées
mille petites ta-
blettes, plates-formes et impériales, sont chargées de nou-
velles bonnes choses. Ah! les légères pâtisseries salées
que la cuisinière normande compose ! Je ne vous les décrirai
pas, Lucienne, car cela vous ferait trop de peine de n'en
point goûter. Je ne vous parlerai pas non plus d'un certain
sorbet au cassis, qui a la couleur des robes que teignirent,
pour vêtir des déesses, Giorgione et Bonifazio.
Mais je vous parlerai de la cour intérieure où, dans ce
château, quand la nuit est douce, on dîne aux flambeaux.
Le sol est couvert de larges dalles sur lesquelles on jette
d'épaisses nattes de maïs, fabriquées en Béarn, et qui sont
hérissées comme le paysan du Danube. Les murs de cette
cour sont « de pur style Louis XIV » et des mascarons
joyeux, sculptés au-dessus des portes-fenêtres, rient aux
convives. Il y a, sur la très grande table, beaucoup de
porcelaines, beaucoup de cristaux, des haies de fleurs, des
barricades de fruits et, pour éclairer des plats pour lesquels
un lord vendrait son droit d'aînesse, des cohortes de flam-
beaux portant des bougies sans nombre. On a au-dessus de
^«AiVT.
88
soi, quand on lève les yeux, le ciel profond et ses étoiles;
et, l'autre soir, notre hôtesse avait eu l'idée d'habiller en
Nègre-à-la- Bérain le frère de lait de sa lingère, fort beau
garçon et qui faisait loucher plus d'une. On avait placé ce
nègre artificiel dans la baie d'une porte ouverte donnant
sur le jardin, au fond duquel, pendant les silences, on
entendait le chant du rossignol qui encensait la nuit.
Deddtid de A,-E, JUarty.
J.-L. Vaudoyer.
COTE JARDIN
I
'ai oubKé le titre de cette comédie où Ton me conduisit vers ma dixième
année, un lundi de Pâques ; et je crois bien n'avoir jamais su le nom de
l'auteur. Mais je me souviens très bien que les trois actes déroulaient
leurs péripéties dans trois salons, peut-être dans le même. Il n'en fallut pas
plus pour me désenchanter. Je m'ennuyai, comme à une visite, et pendant
des années je montrai autant de répugnance à retourner au théâtre qu'à
aller rendre mes devoirs à la tante Bénédicte, de Saint-Mandé. Le souvenir
de cette soirée difficile, entretenu et confirmé par des expériences ultérieures,
devait exercer une influence décisive sur ma conception de l'art scénique.
Une action qu'emprisonnent quatre murs n'a jamais su m'émouvoir.
La vie au logis ne saurait être théâ-
trale. Chez soi ou chez les autres, on ne
vit que des aventures trop simples, des
joies trop attendues et des douleurs sans
^^^— *^^ >l^ nouveauté. La nature seule prête un cadre
propice à l'emphase, à la déclamation. En
face de l'océan, sous des arbres, en mon-
tagne, les artifices de la conversation, de la
passion, de Famour et du marivaudage, rape-
tisses à l'extrême, paraissent sincères. C'est
que, partout, même dans la douceur, la
nature est véhémente et déclamatoire.
Chaque paysage a son ténor, dont la voix
s'harmonise aux proportions du site : ici
un torrent, là-bas un rossignol. Aussi ne
sauriez-vous mettre le pied aux champs sans
devenir comédien à l'instant, et à votre
insu. Les vrais paysans eux-mêmes, dans
190
les contrées où Ton en rencontre encore, ne sont
que d'obsciu*s acteurs de composition, qui jouent
nature.
A ces particularités, la vie estivale emprunte
tout son charme. De mai à novembre se joue la
vraie comédie humaine, sur un vrai théâtre. Non
plus la comédie prudente, hésitante, sournoise
et sans rehef des salons et des boutiques, où
l'attitude et les propos d'un homme l'engagent
toujours quelque peu devant les autres; une
comédie, au contraire, où chacun y va, comme Ton
dit^ de son voyage, parce que c'est un voyage
sans conséquences.
Certes les conversations d'un dîner au jardin,
le soir, aux lumières, ne ressemblent en rien,
avec les mêmes convives, à celles d'un dîner d'hiver. Le flirt sous les cerisiers
en fleurs, et l'adieu au bas du perron balayé de feuilles mortes ne sont
en rien comparables à des événements analogues surpris dans im logis
parisien. A la campagne, à la mer, dans tous les décors d'été, l'afi'ection,
l'amitié, l'indifférence même s'expriment sans gêne avec des accents dont
le naïf et lyrique laisser-aUer ferait sourire dans la vie ordinaire, sous le
ciel des villes, sous le toit des
maisons.
D'ailleurs, la preuve que
la nature est essentiellement
théâtrale, c'est que nous ne
l'abordons guère sans nous
costumer. Afin de marquer
avec force qu'à partir d'un
jour déterminé leurs discours seront sans
portée, leurs serments sans valeur et leurs
attachements de pure forme, les gens les
plus raisonnables, lorsqu'ils ont laissé der-
rière eux les fumées des villes, revêtent des
costumes contraires à toute gravité. Enche-
misé de zéphyr ou de cellular, pantalonné de
gabardine ou de coutil, le sexe fort cesse
d'encourir aux yeux du sexe tout court ce
reproche d'uniformité qui, tant de fois,
191
au fond des garçonnières, découragea Tesprit d'aventure. Voilée de crépon
d'organdi, de mousseline, Eve, aux propos du tentateur, prête une oreille
oublieuse des scrupules. Il suffit d'un décor bien planté pour que recom-
mence rhistoire du Paradis Terrestre. Et ce n'est qu'un peu plus tard
lorsque les rampes du ciel seront éteintes, lorsque le bleu des frises aura
fini par tourner au gris, que les personnages, revenus de leur lyrisme, et
confus de se surprendre ainsi vêtus, s'avoueront, en rebouclant leurs vaKses,
qu'ils ont joué la comédie.
Emile SEDEYN.
Deééiné de Georges Lepape.
AUX COURSES
¥ A moins noble conquête que le cheval ait jamais faite est
celle de ces fières et peu fougueuses personnes qui parta-
gent avec lui la fatigue de la course et la gloire des journaux.
Ainsi dirait M. de BufFon, s'il revenait en coche
pour décrire notre faune parisienne;
mais il arrêterait au premier point et
virgule sa période fameuse. Les star-
ters de la couture ne donnent plus le
départ aux mannequins.
Il n'y avait rien de plus déplaisant
que ce handicap imposé à des jeunes
femmes ou que des jeunes femmes s'im-
posaient. Dès que Tune d'elles pénétrait
aux tribunes, au pesage, un essaim
de parasites l'entourait de mille sup-
plices. Vingt petites couturières, l'œil
cligné, les lèvres pincées comme pour
retenir encore un cent d'épingles, dissé-
quaient la robe, scalpaient le chapeau.
93
Des dessinatrices se pen-
chaient, avec un sourire, un
air de demander l'aumône
et traîtreusement esquis-
saient une fiche d'anthro-
pométrie, plus exactement
de gynémétrie. Les ciné-
matographistes et les pho-
tographes bousculeurs ti-
raient leur mitrailleuse à
images et bloquaient avec
leurs trépieds ces
Pythies de la
mode qui fai-
saient pitié.
Nous venions à la récréation du champ
de courses pour suivre les lignes parallèles
des chevaux disputant sur l'ellipse verte les
flammes rouges, jaunes et bleues de leurs jockeys^
et nous nous trouvions enfermés dans des petits
ronds, condamnés à subir une illustration de
la fable de La Fontaine: Le ^eai paré ded pliuncé
du paon. Vous récitez?
Un paon muait : un geai prit son plumage
Puis après se l'accommoda,
Puis parmi d'autres paons tout fier se panada
Croyant être un beau personnage.
Les geais vont s'envoler, ce bel été. Il ny
aura que de médiocres aviculteurs pour tenter
encore l'élevage des mannequins. Une heureuse
réaction s'affirme contre l'étalage des fausses
194
élégances, et contre ce défi aux lois du plein
air. Pour jouer à leur gré du soleil et du
vert, nos femmes ont repris la liberté que
donne un costume simple, la sobriété d'un
tailleur, la souplesse d'une robe familière.
Elles savent que pour être personnelles,
garder leur ligne et leur ca-
ractère, elles ne doivent pas
faire de tels efforts d'imagi-
nation, et moins encore se
préparer à des cérémonies.
Leur élégance se précise dans
leur façon de s'adapter au
jour, au soleil, aux arbres.
Nous les retrouvons ainsi
telles que nous les connais-
sons. KUes semblent se fondre toutes dans
ces grands ensembles harmonieux et dis-
crets qui sont réglés par le génie de notre
race, qui sont de la grande discipline de
Versailles; mais chacune garde sa vie, sa
forme, sa couleur.
Madame, donnez -nous votre beauté
quotidienne.
Donc, nos grands couturiers ne lan-
ceront plus les modes aux courses. Départ arrêté. Et ces
reunions élégantes retrouveront leur tradition, leur raison
detre: des réunions. Si des parvenus, des intrus se fau-
nient encore, ils sembleront aussi ridicules, immédiatement
dénonces et isolés, que ces modèles de mauvais goût que
oem vient d'enfermer dans le musée des erreurs de son
95
nouvel album sur Le ^ral et Le faux chic. Dans la campae
entreprise contre l'extravagance des modes, Sem a poussé
une charge qui donne la panique à la vieille garde.
Les mannequins n'iront plus au bois, les patrons sont
coupés. Assez de théâtres leurs restent et les vernissages
sont ouverts. Nous trouverons aux courses des femmes
habillées pour elles-mêmes et pour nous. Elles n'auront
pas des airs de tragédie et le chœur des essayeuses ne les
accompagnera plus. Nous serons entre nous, dans la
liberté du plein air, sans affiches-réclames pour arrêter nos
joies de regarder. Et alors nous regarderons.
Dcà/uu de Godé.
Régis GïGNOUX.
LE BON TON DES MERLETTES
LE CHAPITRE DES CARROSSES
«r E pur ji muoi^e »
'^ UAND le dernier coupé de la dernière douairière traîné par
les deux dernières rosses du Faubourg Saint-Germain aura
fait son dernier pèlerinage devant la grille de la basilique
Sainte-Clotilde;
Quand la dernière Daumont de l'Elysée, mal menée,
attelée de travers, aura conduit le dernier président de la
République au seuil de l'église Notre-Dame pour le su-
prême couronnement;
Quand les temps seront écoulés, faudra-t-il prononcer Toraison funèbre
des voitures et ne plus voir sur les routes de terre que les torpédos-crapaud,
es bmousmes-vitrines d'horreur, les variétés sordides d'automobiles qui, de
1 autobus au camion, sont admirablement utiles et laides?
Ce n'est pas absolument certain, s'il y a un homme de goût, un seul,
qui ait par surcroît l'argent nécessaire pour ne pas compter.
Un progrès s'est déjà timidement avancé : les gens pourvus de quelques
ressources n'ont plus la même automobile pour aller de Paris dans leurs
erres et pour monter l'avenue des Champs-Elysées. L'automobile de ville
es née, mais combien timide, petite, étroite, humble, sombre, comiquement
197
chargée d un mécanicien et d'un valet de pied en chapeau haut- de-forme et
en Kvrée bonne pour les valets d'un tabellion. On fait la voiture de ville
légère, pour économiser... l'essence. Elle devrait être large, profonde
confortable, ouatée, capitonnée, parée de menus objets simples et beaux :
glace, nécessaire, brosses, parfums. Même un en-cas de chocolat et de fruits
s'y pourrait trouver avec un verre d'eau glacée. Un éclairage Intérieur
devrait permettre la lecture. Cela ne veut pas dire qu'il faille illuminer l'in-
térieur de la voiture de ville a giorno, comme fait, hélas] pour les passants!
une fille célèbre qui risque ainsi de montrer ses fissures replâtrées, ses yeux
agrandis et sa bouche laquée. La voiture de ville devrait être un petit bou-
doir roulant intime et sobre. Il s'agit de l'automobile quotidienne, de celle
qui mène Madame au thé, à l'adultère, à l'exposition, aux autres menus
plaisirs de l'après-midi.
Mais une voiture s'impose qui doit être longuement étudiée, dessinée,
parée, même annoncée et triomphalement montrée un beau jour de grand
mariage, de royale réception, d'enterrement glorieux.
Le chef de l'Etat, le financier pourvu de sohde finance, le duc authen-
tique et sauvé de rimpécuniosité se doivent, nous doivent l'automobile de gala.
M. de Dreux- Brézé, gentilhomme en tout, gentil-
homme pour tout, apprend la mort de son auguste
maître Henri V, en exil le comte de Chambord. Sa dou-
leur est suprême, sans limite. Ne croyez pas cependant
qu'il se répande en lamentations. Non, il appelle d'abord
son plqueur et lui dit simplement : « Le roi est mort;
drapez. »
Draper, cela veut dire : mettre toute la livrée en
grand deuil, du fouet aux courtines, de la couverture
d'écurie aux housses des sièges.
S;^ " ^ ^WM Comment ferait aujourd'hui un Dreux-Brézé pour
y^ i; draper une automobile peinte en couleur poussière et
\\% garnie de quelque maroquin sauvage?
L'automobile de gala doit naître et sera vraiment
plus facile à faire qu'un carrosse à chevaux. Ce sera
un peu plus cher. Mais que nous importe? M. de C a-
teaubriand eut le bon goût de se ruiner en harnais, en
carrosses et en livrées pendant son ambassade près
Pape. Les moteurs pour gros poids sont indiqués, car
le carrosse doit être lent et silencieux. La caisse doi
emprunter ses formes aux belles époques, au dlx-sep-
198
tième siècle et au premier Empire. Il faut éviter le
Louis XV et le rococo qui ont je ne sais quoi de contourné
et de lourd dans l'étriqué.
De Torl il en faut, mais sobrement. Si le carrosse
est pour un gentilhomme, il doit être aux couleurs.
Qui sait aujourd'hui ce que furent les couleurs, obli-
gatoires jadis pour les voitures et pour les livrées ? Les
règles très strictes des couleurs tiendraient à peine en
un volume. Mais deux exemples suffisent : une famiUe
connue, celle des Bourbons, porte 3'azur à troié fleuri de
lyé d'or. La caisse des carrosses doit être bleue; le train
et les filets doivent se montrer jaunes ou dorés. Pour
prendre des armes moins chargées d'histoire, choisissons celles-ci : de
gueuUé a une tour de éable éur une terraéée de éinople. Le carrosse sera peint
en rouge-grenat pour la caisse, avec le train noir et les filets verts.
Naturellement les armes complètes avec couronne, supports, devise,
cri, manteau de pairie, bâton de maréchal, collier des Ordres et autres
choses s'il y a heu, seront peintes sur les portières. La mesure est exacte-
ment indiquée : l'écusson et ses accessoires doivent occuper le cinquième du
panneau. Les armes doivent être « aux couleurà ». Mais une légère patine,
un vernis savant, même craquelé évite trop d'éclat. Le duc de Bouillon
avait fait peindre, sur son carrosse bleu, l'écusson en camaïeu avec indica-
tion des couleurs par les traits conventionnels. Le roi lui donna l'ordre de
ne jamais venir à Versailles en tel équipage. Puisque nous parlons armoiries,
signalons le ridicule des gens qui font placer sur une auto-
mobile de voyage, non peinte aux couleurs héraldiques,
leur écusson avec celui de « leur dame », aux couleurs. Cet
étalage est de mauvais goût. Sous l'ancien régime, les
berhnes de voyage portaient un monogramme dont les
lettres joliment enchevêtrées formaient un gracieux dessin,
illisible pour le vulgaire. Une discrète couronne en gri-
saille surmontait le chiifre.
Le devant du grand carrosse automobile devra être
drape, selon les règles héraldiques, avec galons armoriés
et crépines où se mêleront les couleurs de Técu. L'inté-
rieur de la voiture sera tendu de soie mate et très forte,
a la couleur du fond. Les galons seront faits de soie
tissée aux armes répétées. Le mécanicien sera seul au
siège de devant, avec une livrée de drap à la couleur, en
199
culotte, bas de soie et souliers à boucles. Il portera la nermr»,^ i ,
11 T. y -11 1. 1 1.1 A'^^^^q^^ poudrée et
le chapeau en bataille beaucoup plus solide contre le vent que 1 'A' }
haut-de-forme. Les deux laquais, à l'arrière/ auront la même livrée -^ i^
tricorne au lieu du « bataille ». * e
Il conviendra de prier messieurs les fabricants de ne pas mettre 1
marque ou leur nom à l'avant du carrosse, ce qu'on ne devrait pas tolér ^
même pour les automobiles de route, qui ressemblent à ces landaus que7es
Brésiliens du dix-neuvième siècle achetaient à Paris et promenaient à Ri
après avoir coUé à l'avant et à l'arrière un écriteau avec cette inscription^
« Voiture de Binder a Parié ».
Le carrosse automobile devra être monté sur des pneumatiques géants
de couleur blanche immaculée.
Et ce sera beau, à moins que ce ne soit ridicule.
DeMné de Ch. Martin, Jean de BONNEFON.
VOYAGE EN CHINE
L
ES suggestions de la mode
nous viennent aujourd'hui
de toutes parts. Et je trouve
cela à la fois délicieux et
inquiétant. Inquiétant, parce
que, à jouer ainsi notre va-tout, à gas-
piller tant de trésors, nous finirons par
nous trouver démunis, et forcés — affreuse
perspective — de recommencer le cycle.
Délicieux, parce que ce
gaspillage même a quelque
chose d'élégant et de désin-
volte qui n'a pas été donné
à tous les siècles. Nous
nous sentons les maîtres
de 1 espace et du temps. Ce n'est plus une
tradition que nous suivons, c'est mille :
quelques semaines chacune, puis nous passons
a une autre. L'armoire d'une élégante d'au-
jourd'hui n'a rien de commun avec le res-
pectable bahut des aïeules. Je limagine
plutôt comme un coffre magique, sans cesse
reassorti par de subtils gnomes voyageurs,
et d où elle tire, souriante et éternellement
rajeunie, un lot inépuisable de tuniques per-
sanes et de turbans hindous, de pantalons à
la turque et de sandales athéniennes, de
robes alexandrines, de châles afghans, de
201
boléros albanais, de chapeaux enfin
qui, eux, viennent de la lune, tant
ils sont irréels, absurdes et ensor-
celants.
Attention î regardez bien sur
la carte. Tout a été vu, tout a
servi. Les derniers biancd ont été
conquis par T exploration de la mode.
Qu'allons - nous faire maintenant ?
où aller?...
Eh bien ! il reste la Chine, Dieu
merci !... C'est le dernier pays que
les gnomes fournisseurs de l'armoire
magique n'aient
point encore vi-
sité, et son nom
résonne avec douceur et mystère. La
Chine, patrie des dragons, des chimères,
de la sagesse et des petits pieds, qui con-
naîtra enfin, grâce à notre engouement,
un dernier sursaut de vie, une suprême
résurrection de beauté avant son agonie
définitive.
Car je parle, bien entendu, de la vraie
Chine, celle qui est morte le jour sym-
bohque où elle crut se déhvrer en condam-
nant la tresse et le pied brisé, mais pour
adopter, hélas ! l'esclavage autrement
affreux du chapeau melon et de la chaus-
sure américaine. Je parle de la Chine des
porcelaines et des pagodes, des sourires
302
"^0^/*o<ï<^*ï'''
et de la soie, celle de Confucius et de Voltaire. L'autre,
la nouvelle, ceUe dont les Célestes d aujourd'hui se contentent!
nous la leur laisserons puisqu'ils l'ont voulue et nous
prendrons ce qu'ils dédaignent : ces blouses
courtes ou longues, aux échancrures ingénieuses,
superposées de si jolie façon et parfois écus-
sonnées comme Tétole d'un .^léraut d'armes, ces
tuniques d'un si gracieux mouvement (et dont
l'emploi servirait d'heureuse transition avec nos
modes actuelles), ces robes si sobres de Kgnes
mais qu'un semis de fleurs
broche d'un souple et
vivant jardin, ces manches
dont la superbe ampleur
permet au bras des gestes d'une
noblesse et d'une grâce uniques, ces
colliers, ces adorables chapeaux qui
rappellent tout ensemble la coiffure
des bergers siciliens et le toit des
pagodes, ces larges pantalons d'un
efïét si simple et si neuf, et surtout
cet assemblage de couleurs aussi riches et
aussi hardies que celles empruntées à la
palette persane, mais peut-être plus dou-
cement harmonisées, plus subtiles, plus justes
de ton, plus proches enfin de notre goût.
Voilà pour la hgne générale. Car je ne
parle pas de mille trouvailles de détail que
le génie de nos petits gnomes tirera d'ana-
logies autres que celles du costume. La lan-
terne de papier plissé, lumineuse et semée de
2o3
monstres, ne pourrait-elle pas devenir, par
exemple, un amusant motif de manteau
du soir ? Un monde de fantaisie nous est
ouvert.
Plus y y réfléchis, plus je trouve que la
Chine s'impose. D'abord, parce que la
Perse de M. Bakst et l'Egypte hellénique
de M. Poiret commencent à s'épuiser et
que nos belles ne sauront bientôt plus
que se mettre; ensuite, parce que c'est
quasi une tradition française : nous aimons
trop notre cher dix-huitième siècle pour
ne pas l'imiter encore cette fois dans son
amour des chinoiseries. Avec les progrès,
du reste, qu'ont accomplis en érudition
nos collectionneurs, la mine est tellement
plus riche. Les ajustements chinois, traités
par notre goût, seraient tour à tour somp-
tueux et pratiques, propres à Téblouissement des fêtes
comme à la familiarité de la vie champêtre. Enfin, nos
Parisiennes n'ont- elles pas tout ce
qu'il faut pour faire f ^\ des Chinoises ac-
complies : le pied \3 V^ minuscule, naturel-
lement et sans tor- /^ /^k^M ture, la grâce frêle,
la tête petite... et \D ^ jmL l'esprit compliqué?
Alors... J//1 ^\. T- ' ^r^
r rancis de
MiOMANDRE.
Deddnd de Zaniora.
t'àm
EPEEMERIDES
Mai, — S'il y a des années où Ton n'est pas en train, il y a des jours
que la vie est belle. D'abord les dames sont charmantes en ce mois de mai;
elles portent toutes des petits chapeaux blancs qui sont ravissants, et des
robes qui les font ressembler à des papillons. Ensuite, les Ballets russes
sont revenus. — Le moindre de leurs agréments, c'est qu'on s'y retrouve,
comme aux bains de mer. — Nous avons revu, dans la corbeille, à
l'Opéra, cette dame étincelante, qui a les pieds nus et des cheveux
roses; — et le poète que l'on surnomma Joachim du Ballet, à cause
qu'il rend des points à ceux de la Pléiade; — M. Nijinski, dans une
loge, cette fois, et M. Jean Cocteau dans l'autre; Mlle Karsavina sur
la scène, et autour d'elle, mille athlètes bondissants et des ballerines à
foison; — Sert, qui nous vint d'Espagne ; Richard Strauss, de Berhn ;
Léon Bakst, de Moscou, et ce Miassine (Léonide), de Circassie, l'heureux
homme. — Dans la Légende de Joéeph, où Mlle Kousnetzoff le lutine, la petite
folle, qui donc prétendait qu'il avait, en s'agenouillant, l'air de réciter la
Prière d'un vierge? Un mauvais plaisant, à coup sûr. — Mme Puthiphar, à
côte de lui, sur des socques verts, montrait, sous une robe de brocart à la
vémtienne, des jambes grasses et nues d'un effet plaisant : une patricienne
du Titien ou de CaHari, qui s'en irait à la pêche aux moules. — Mais cela
fait penser à un charmant tableau de Bilivert, où Ion voit la pharaonne,
ivre de chair et dévêtue, sortir impétueuse de son ht et tirer par le pan du
manteau, d un air plein de concupiscence, ce Joseph ridicule qui, s'il parlait
latin : Noll me tangere, dirait-il.
*
Nous avons une Académie des gourmets. Quarante raffinés, et point
dyspeptiques, se sont réunis l'autre jour, dans les bosquets de Trianon, pour
2o5
la cuisine française. L'idée était d'un mystérieux chevalier Fata le 1
meurant n a point assisté à ce déjeuner, vu qu'il était empêché na 1
fêter 1
au demeurant
goutte. — Cela est d'un bon augure ; mais s'ils suivent tous son exempir
comment ces messieurs feront-ils pour le dictionnaire? J'entends bien a '*/
en feront un ; le titre est trouvé : ce sera la Gazette du Bon Glouton, On v li
la recette de cette salade de crevettes roses, dont M. M.rc.l B..l.nff r n^n
mourir — et de ces barques de laitance qui firent si plaisir à M. T s oh
G. lt..r., des " Deux plats". Comme on faisait reproche à celui-ci de faire
des traits à sa Ligue: " Bah! dit-il, je suis pour les deux plats... chez
soi — mais pas chez les autres ". Neuf maîtres-queux à la hauteur avaient
donné leurs soins à ces agapes. Des vins appropriés escortaient leurs mets
déhcats dans des flacons de bonne date. M. de P.l.gn.c avait fait porter
quelques magnums (on dit des magna: mais magnums, c'est mieux), des
magnums, dis-je, fort émouvants, de 1904. Une fine impériale de Tan où nous
prîmes Saragosse paracheva ce fin dîner des plus raffinés de nos fines-
gueules qui, le lendemain, l'avaient toute en bois.
Autre festin non moins bon ton. Le mystère y sied. Imaginez le plus
joli jardin de Paris, où une biche de bronze surveille les allées et venues des
unes et des autres. — La table mise sous des arbres — avec des braseros
pour les décolletées ; le couvert rustique, le dîner servi — déhcat — pendant
quoi des détonations : on se serait cru au Figaro. Ce n'était qu'un feu d'ar-
fice, pâle écho de ceux des conversations. Il y avait là tel chroniqueur des
fourberies chantilloises ; et tel historien du blason, ami des papes ; tels cos-
turiiiers des grâces (et des maigres, comme le veut la mode : des maigres piiu
ultra, si j'ose à peine dire) ; tels imagiers de la Révolution et autres brissautins;
et celui-là qu'on nomme, à cause de son nez, fort long, et de ses vers buco-
liques : Cyrano de Bergeries ; vingt autres encore, et des dames ravissantes.
Puis, sous des arbres, éclairées par un globe électrique en forme de lune,
deux demoiselles qui dansaient dans l'herbe avec des jambes isadorables. Ça
fait qu'on s'a encore couché comme les poules, à des heures indues de "bonne
heureté " comme dit Lucienne.
*
Et puis (1)... Mais en voilà suffisamment pour ce mois de mai.
Emile Henriot.
(1) N. D. L. R. Ici prenait place un excellent calembour ; mais il a été supprimé, ni le gérant
responsable, ni M. Emile Henriot ne se souciant, ce printemps, d'aller en prison.
206
©X^X#Xi§X!^X^X!§X!^X#Mi^X#Xi^Xi^M!§
X L
E ET LE BON TON X
^(
X X
©X^X®^©X!§X^X^X!^X#X!§X#X^^©X!r$,
vn^iàÉiÉ
m
J OUS criez tous au scandale
et vous nous trouvez laides. . . ?
M. Albert Hermant nous ac-
"■"'"'«'^ cuse d'aliénation mentale...
QUELLE erreur 1 Comme vous savez
mal regarder ! La laideur a pris une
telle place depuis quelques années, dans
notre société décadente
et viciée, que l'objet de
votre admiration vous
étonne quelque peu aujour-
d'hui, où vous vous ré-
veillez d'un engourdis-
sement prolongé et où
vous demandez enfin de la
vraie, de la pure beauté.
Cette Beauté existe, elle
est là, marchant dans ce
lumineux chemin ensoleillé,
vêtue de linon clair et
coifiFée d'un panier fleuri ;
elle est là encore, sur une
terrasse de Casino^ le soir,
enveloppée d'un manteau
scintillant ; elle est là, ici
et ailleurs, elle est partout,
si vous savez détailler et
voir, car la véritable co-
quette intelligente n'a ja-
mais perdu son goût, le
goût étant une chose inhérente à l'esprit et
non pas un fait acquis, dû à l'étude ou à
l'observation.
(OETTE saison a vu des ailes s'appliquer
aux épaules des femmes, et des plis
onduleux faire vivre les tissus morts ; elle
a vu également les parterres multicolores
fleurir les robes et les
chapeaux. Le tulle et le
linon, comme les ailes des
tourterelles, battent et fris-
sonnent au cou de toutes
les femmes, et la chaussure
aiguë et fine comme la
patte du pigeon, semble
ne poser au sol que pour /
mieux s'élever ensuite vers
des contrées fabuleuses.
N'est-ce point assez que
tout cela ?
J A dentelle revit pour
l'été, mêlée au linon
blanc ou de couleur; nos
robes restent courtes, ce
qui est un enchantement,
et les voiles de nos grand'-
mères, faits de mousse-
line de soie de couleurs,
flotteront sur nos cabriolets
207
1/^
comme si Devéria devait
les immortaliser.
N parle beaucoup de
petits gants courts
célébrés à cette époque.
Mais moi, je ne vois en-
core que gants longs, des
longs, même avec les man-
ches longues des blouses.
OS ombrelles frou-
froutantes auront des
airs de dames en visites,
dames à la rose volumi-
neuse, piquée dans le gon-
flement des volants, tout
cela gai, harmonieux et
seyant.
A plupart de ces vo-
lante seront faits de
rubans plus ou moins
hauts, de même ton parfois, parfois aussi
de deux coloris opposés et tranchant avec
l'ensemble de la robe, mais rappelant le
chapeau presque toujours échafaudé de
rubans. On n'a jamais vu autant de ru-
bans que depuis quelques mois ; que ce
soit en manteau, en robe ou en coiffure,
tout est au ruban, rien n'est qu'au ruban.
IpT vous dîtes que nous vivons à une
époque de laideurs et d'excentricités I
Regardez mieux et vous verrez. Vous
verrez une robe de tajffetas blanc dont la
veste de velours « brun » s'ourle de zibeline;
puis une robe Louis XV, en taffetas à fleurs
avec mantelet pomponné et orné de ruches
tout comme si nous voyions Mme Adélaïde
descendre de sa « chaise » devant la bou-
tique de Aîme Lé'^eque, la marchande de Me.
PARTOUT en som-
me, vous verrez
de jolies choses, mais
il est juste de dire
qu'elles ne courent pas
les rues, où vous ne
pouvez croiser que les
élucubrations folles de
certains magasins à bon
marché, qui dénaturent
les modèles, interprétés
à leur tour par les
femmes qu'Abel Her-
mant taxe d'aliénation
mentale.
^OILA le
écueil de
grand
notre
époque : La mode pour
tous, à trop bon compte!
Si les femmes mettaient
davantage à leur cos-
tume, elles le porte-
raient plus longtemps,
et le portant plus longtemps
doute serait moins à effet,
gnerions tous I
, celui-
Nous
Cl sans
]p N tous cas, la vraie, la réelle femme chic
proteste; aux Courses par exemple,
où elle ne se montre qu'en correct trotteur
venant de chez le tailleur anglais. Nette,
simple, mais l'ensemble rehaussé de perles
merveilleuses, n'est-elle pas le modèle ab-
solu de ce qu'on peut rêver de mieux dans
n'importe quel milieu, si raffiné, si supra-
sensible qu'il soit à l'effet extérieur? Croyez-
moi, c'est encore dans la simplicité que se
reconnaît la femme faite pour le grand
luxe... î Mais c'est si difficile d'être simple.
NADA.
t^ © ©
^ ft.
LA FEMME ET LE CHIEN
TUSQU'A quinze ans elle joue à la poupée. Passion innocente.
/ Elle commence à épeler son rôle de mère... Mais à
partir de vingt ans, ce n'est plus une poupée qu'il lui faut,
c'est un chien. Elle commence à épeler le vocabulaire de
l'amour. Q,ue de mauvaises habitudes de langage elle va
prendre! Et d'abord le ton du com-
mandement — un petit ton impérieux
et câlin tout ensemble — un peu
au-dessus du médium.
— Tiens -toi tranquille, je t'en
prie!... Assieds-toi là, en face de
moi . . . Regarde-moi . . . Qui est-ce
qui est le petit chéri à sa maî-
tresse ? Hein ? Quoi ? . . . Oui . . .
Oh!... naturellement ce que je te
dis t'est bien égal... Tu as vu le
thé qui fume?... Tu veux du lait,
mon chou ?... Un morceau de su-
cre ?. . .
209
Evidemment, c'est au chien qu'elle parle,
mais il est terrible de penser qu'elle nous parle
à peu près de la sorte, à nous.
— Oui... oui... qu'est-ce que tu as fait
encore?... Une bêtise, je parie... quand tu te
glisses ainsi près de moi ! Viens ici sur mes
genoux... Ah! tu as honte... Ah! petite canaille.
Veux-tu venir ici ! Ah ! il faut que je me mette
à genoux, que je te parle à l'oreille, peut-être?
oui, tu aimes ça... qu'on joue tous les deux à
quatre pattes... Eh bien quoi?... tu ne bouges
pas... Ah! mon Dieu! Tu n'es pas malade,
au moins ?. . .
Mais tout cela c'est la lune de miel. Il
y a aussi les sautes de vent de la lune rousse.
— Pan! une tape ! ça t'apprendra!... Ne
m'embête pas!.. Laisse-moi prendre mon café
tranquille... Oui, si tu veux!
Reste derrière ma chaise! Mais
ne te montre pas surtout, gros
idiot... Ah! Monsieur boude!
C est bien dommage ! . . . J'ai bien
autre chose à penser qu'à toi!...
Je n'ai jamais pu entendre
une femme dire ces choses à
son chien sans penser à la façon
dont elle peut se comporter,
dans la monotonie de la vie quo-
tidienne, avec l'homme qui l'aime.
Mais le chien est infiniment
plus patient que l'homme.
310
— Couche-toi là. . . à mes pieds ! ne bouge
pas ! Fais comme moi ! attends !... Ah ! je
sais bien, ce n'est pas drôle!... Tu ne vois
rien, toi qui as de bons yeux ? Mon Dieu !
Mon Dieu î que c'est ennuyeux d'attendre !
Il y a aussi le petit dialogue sur le canapé.
— Comme tu es gentil!... au lieu de venir
sur mes genoux... Hein? quoi?... Oh! oh!...
je vois ce que tu as ! Tu dresses l'oreille ? Tu
es intrigué, petit curieux ! Avoue que tu es
intrigué... Et tout cela parce que tu entends
dans l'antichambre la bonne parler avec quel-
qu'un dont tu ne connais pas la voix... Faut-il
être bête !... Tu ne vois donc pas que c'est
ma robe qu'on apporte de chez le couturier.
Mais toutes ces conversations se terminent
entre Eiie et Lui de la manière la moins im-
prévue. Elle lui prend la tête dans ses
mains, le dévisage d'abord, le sourcil froncé, * ;
l'air bourru; puis avançant la bouche
dans un baiser sonore.
dore !...
Hou!... sale bête! tiens! je t'a
Et c'est tout à
fait
ce
la!
La femme adore le
chien. Pourquoi ? Parce
que les quaUtés du chien
contrastent avec les dé-
21 1
fauts de la femme. Vous connaissez les qualités du chie
Le chien est discret.
Le chien a bon caractère.
Le chien ne ment jamais.
Le chien est obéissant.
Le chien est désintéressé.
Le chien ne coûte pas cher à habiller.
Le chien est fidèle.
... Et vous connaissez les défauts de la femme.
En vérité, la iemme et le chien sont faits pour s'
tendre. Pauvre chien !
. , . Charles Méré.
Dctidind d'EUdabeth Branly.
en-
a.. A,
J. VA/V qRq<.'
CEINTURES EN RUBAN
DÈS qu'il fait beau temps, les femmes
vont au Bois l'après-midi. Elles
mettent des bas de nuances claires, pas de
jupon, et, par là-dessus, une robe en organdi
qui est de la mousseline de communiante.
Car le printemps donne le goût de la pu-
reté. Ensuite de quoi elles se dépêchent de
partir, avec une grande heiu-e de retard,
pour retrouver le monsieur qui les attend
sous les ombrages. Elles sont gaies et gen-
tilles, l'air leur fait du bien au teint; elles
sont heureuses de se sortir du rez-de-chaus-
sée de garçons. On peut leur prendre la
taille comme à des midinettes de luxe, et
elles vous laissent leur chanter et elles
chantonnent elles-mêmes des petites choses
sentimentales, malgré que ce n'est pas à la
mode du tout.
Au fond, elles sont surtout contentes
de leurs belles robes neuves qui ne font
2l3
pas un pli, ou bîen qui en font mille, si
c'est du plissé. Quand elles ont fini de
s'habiller avec toutes sortes de blancheurs
dont les noms seuls évoquent la belle saison
elles mettent encore une petite tunique de
dentelle bordée d'un rien de fourrure, et
nouent le tout ensemble au moyen d'un gros
nœud de ruban dont elles laissent pendre
les bouts. Ainsi l'on voit les blancs œufs
de Pâques parés d'une faveur suave. Le
moindre agrément de cette mode des cein-
tures n'est pas, à nos yeux, de nous rame-
ner la taille que nous avions perdue de vue,
ces derniers temps. Cela va être une occupation aimable pour les jeunes
femmes en vacances que de rechercher leur taille
partout où elle peut être. Par les après-midi lourds,
à la campagne, dans le salon aux volets clos où le
soleil filtre quand même par un petit trou, les
femmes essayeront des ceintures en ruban sur les
quelque quatre-vingts centimètres de leur corps char-
mant où cela peut se faire. Il est exquis de se ceindre
à hauteur des jarrets. C'est puéril et déli-
cieux. Cela demande les boucles blondes,
les joues pleines, je ne sais quelle expression
confiante dans les yeux bleus, et des fos-
settes adorables de chaque côté des genoux.
Je ne doute pas que quelques jeunes mariées
ne puissent offrir cela comme surprise à
leurs maris. Mais, d'une façon générale,
cette tenue n'est permise qu'un temps, et
jugée mauvais genre passé le bel âge de
douze ans et demi. Alors, ceignez-vous.
Madame, à la taille, afin de séparer l'am-
phore de vos hanches de la coupe fleurie de votre
buste. Puis montez encore la ceinture en ruban, placez-la
sous les seins et les bras; c'est Empire, c'est Grec...
c'est d'un classicisme qui fait bien dans les nobles
paysages où vous courez, et où je regrette que le
vieux Corot qui changeait en nymphes les mor-
21^
telles ne puisse plus vous surprendre.
Ayez, Madame, plusieurs ceintures
pour la même robe, et de nombreuses robes
qui vous permettront d'innombrables cein-
tures. Soyez une heure Musulmane comme
Myriam Harry; puis devenez Japonaise et
promenez - vous avec
des pagodes brodées
sur le ventre. Voilà
qui est charmant et
d'un exotisme plaisam-
ment estival. Cela
n'engage à rien et l'on
ne vous obligera pas pour cela à partager votre mari
avec quatre-vingt-dix-neuf autres femmes, et l'on ne
vous forcera pas non plus à coucher dans une lanterne
en papier. Ce qui est important, c'est de varier à
Finfini votre aspect quotidien par l'emploi
ingénieux de vos ceintures en ruban. Cette
jaquette de toile blanche, avec un grand col
Robespierre, que vous portez serrée par un
large ruban dont les deux pans terminés par des glands
d'or retombent ensemble le long de votre côté gauche,
vous fait ressembler à un conventionnel délégué aux
armées, à la différence des pistolets qui ne se portent
plus dans la ceinture, mais dans le manchon; et l'on
jurerait d'une mousmé quand vous aménagez dans votre
dos ces deux belles coques de ruban qu'il ne faut pas
s'asseoir de peur de les abîmer...
Un dernier conseil, un dernier... Pendant les étés,
couvrez-vous. Madame, légèrement, mais, de grâce,
pas de ridicule... La ceinture, sur la robe de toile,
de mousseKne, de linon, de petit cachemire, sur la
robe de l'Eté, enfin, la robe blanche ou très claire, celle de Sylvie, d'Eisa,
d'Hellé ou d'Ophélie, doit être en ruban, et non pas en taffetas, non pas
en soie coupée à même la pièce... Quelle horreur I
Marcel ASTRUC.
Deééiné de J, Fan Brock.
LA ROBE AU THEATRE
wiewm
0>*|^w/H'icu^TRt5 ^AovT^f\n
mi
21
DU CHOIX D'UN PAPIER PEINT
-^^^^Qfj^é ARFOis la pioche des démolisseurs fait tomber la façade
d'une vieille masure. Des papiers peints, en taches inégales,
survivent un instant à la destruction des pièces ; on voit
encore zigzaguer la tenture de Tescalier; ici quelque chambre
à coucher, là le salon. L'atmosphère d'années lointaines
revit une dernière fois.
Si nous voulons nous souvenir de telle époque de notre
existence, lié aux moindres actions, nous revoyons le papier peint sur lequel
rôdèrent nos yeux ; notre pensée reste mêlée aux fleurs qui clairsemaient les
murs et comme colorée par elles. Pierre Nozière, dans le Lli^re de mon ami,
évoque le temps où sa mère lui fit don d'une rose de la tenture. Lorsqu'on
nous conte les adolescences
de Clara d'Ellébeuse ou
d'Almaïde d'Etremont, aus-
sitôt apparaît le papier à
feuillages et à grands oiseaux
romantiques qui tapissait
leur alcôve.
Souvenez-vous des pa-
piers un peu tristes qui cou-
vraient nos chambres d'en-
fant, ils étaient ternes ; un
vert boueux y dominait, des
roses aigres, des bruns sales
que sahssaient encore nos
doigts d'écoliers. Comparés
aux papiers d'aujourd'hui,
comme ils sont mornes I
C'était en un temps où l'on
craignait les bienfaits de la
lumière ; les vitraux de la
salle à manger laissaient à
peine filtrer le jour; les
lambris étaient couleur cho-
colat. Depuis quelques an-
nées le despotisme des pro- Salle de bains
217
priétaires inflige d'autres supplices. La plupart des appartements modem
rappellent uniformément un xviii* siècle de cocotte. Les murs sont à'
gris aveuglant ; des trumeaux lamentables dominent nos glaces ; c'est
profusion de nœuds Louis XVI, de perles, de frises, de rosaces, toute une
pâtisserie d'un beurre douteux. Des panneaux pleins, entourés de moulures
interdisent à notre fantaisie de choisir le ton ou le dessin appropriés à
chaque pièce et aux objets qu'elle est appelée à contenir.
Cependant, l'amour de la couleur réagit heureusement contre ces
blancheurs anonymes ; la prédilection s'affirme aujourd'hui pour les ors
somptueux, les violets brûlants, les bleus foncés, les orangés et les riches
accords empruntés à l'Orient. Trop longtemps, l'impuissance, l'hésitation ou
la modestie des fabricants conseillèrent les lais unis, aux tons pâles ou
styHsés avec méthode; enfin nos décorateurs osent jeter, avec une apparente
irrégularité, sur nos murs ces fleurs indisciplinées, presque irréelles, dont les
pétales resplendissent d'un éclat étrange. Aux calmes rayures succèdent des
stries comphquées, de sorte que, s'harmonisant avec les étofi'es des sièges, la
richesse des tapis, la hardiesse des robes et le fard des visages, et le flam-
boiement des perruques, mille motifs dansent allègrement, comme s'ils
voulaient participer d'un siècle où la volupté, l'amour de la vitesse, et le
besoin d'étonner mènent le monde.
Les occuKstes prétendent que chaque couleur éveille un sentiment, est
propre à favoriser une passion. Elire un papier est un acte grave dont il ne
faut point s'acquitter à la légère ; telle fleurnous narguera durant des années;
telle colère vient d'un papier rouge, telle infortune d'un papier serin, s'il est
vrai qu'ici-bas tout est symbole. Comment certains acceptent-ils de vivre empri-
sonnés par des murailles dont ils n'ont pas eux-mêmes désigné la parure? Le
papier peint, c'est la robe de la maison ; et de même qu'il est une robe pour
le matin, pour l'après-midi et pour le soir, de même il convient que chaque
pièce soit vêtue différemment. Sans doute ce serait folie, lorsqu'il s'agit de
préférences, d'édicter des théories. Celui-là a raison qui prétend, avec
Whistler, que le papier doit rester neutre afin de permettre à tous les tons
de jouer sans concurrence. Et tel autre a raison aussi, lorsqu'il veut que
le papier compte, multipKe la lumière et la vie, par l'enchevêtrement des
couleurs et des Ugnes, comme nous le voyons dans les intérieurs adorables
d'un Vuillard ou d'un Bonnard. Mais ce qu'il importe de respecter, ce sont
certaines exigences commandées par la destination de chaque pièce. Tandis
que la salle à manger s'accommode de telle tenture richement décorée et
218
CABINET DE TRAVAIL DE M. ABEL HERMANT
219
même comme chargée des
promesses du jardin ou des
trésors de la mer, tandis
que le papier du salon peut
bavarder somptueusement,
— c'est là que les esprits
s'aiguisent, et que les récits
s'entremêlent; — le cabinet
de travail, au contraire,
réclame les harmonies cal-
mes, les nuances unies qui
ne distraient pas la pensée.
Si la chambre d'amour per-
met les accords violents et
les chaudes tonahtés qui
font valoir les jeux des
corps, il ne faut point trop
Gubher qu'elle est aussi le
lieu du silence et du sommeil.
Ainsi chaque pièce doit
avoir son atmosphère, son
harmonie, son chmat; prête
à nous accueiUir, il convient
qu'elle favorise certains
états d'âme et certains
gestes. Ces différenciations, le papier peint, entre tous sait les apporter,
lui qui colore la lumière et, sans que nous en ayons conscience, nous baigne
de ses reflets. Faisons donc preuve de courage; et qu'importent les erreurs!
La paresse, ennemie de l'art, veut qu'une fois pour toutes, en changeant de
demeure, nous choisissions les papiers peints. Pauvres chambres condamnées
depuis des années à la même robe ] Ne devrions-nous pas varier plus souvent
cette parure et renouveler le visage de notre maison? L'ingéniosité des
fabricants et la fantaisie des artistes se disputent nos préférences. Donnons-
nous cette volupté. Notre maison, comme nous, de temps en temps est
heureuse de changer d'âme.
Claude ROGER-MARX.
BeJdlfid de F. de J£arUai>e.
Documenta communu]uéd par MM. P-.A. Dumad.
Coin de salle à manger d'été
:'^*il^ ■ ^«^fif JiV^nif Jl^^rit , jmrr0 ^n^nt A^^rW rf^Wf. , ]m)^l^
AU HASARD»,,
. <M»i# *ihtAJf *^tAif '^^ *^^A^ **tAf — **tAJf *^»<^ <V»i# »*tAJf^ ^V>4#
PLUS lentement! L'haleine nous manque; nos impressions se chassent comme
des papillons. Notre cerveau tourne en spirale. Le vertige nous prend.
Entre la jaquette de Gavarni et le costume du temps de Werther et
de son romantisme, on nous montre « La robe de demain ». Pareille tendance
pour les appartements. C'est ainsi que les amis d'une femme d'un goût
extrême prétendent ne pouvoir, à six mois d'intervalle, reconnaître la maison,
tant tout y subit un perpétuel changement.
Et cependant les plus raffinées commencent à comprendre que cela ne
peut durer... Nous n'avons plus le temps de Hre, de penser, d'aimer, de
vivre enfin... Et, en même temps que le passionnant roman de Gide : Leé
Caveà du Vatican qui semble être fait, lui aussi, avec des moyens de cinéma,
elles lisent : A la recherche du tempe perdu. Du côté de chez Swann, de Proust,
qui exige des loisirs pour être bien dégusté.
Déjà quelques femmes, et non les moins élégantes, ne portent plus que
du noir. De cette nuit mystérieuse, elles ne sortent que rarement. Alors,
revêtues de couleurs éclatantes, elles ressemblent à quelque merveilleux feu
d'artifice. Mais elles rentrent aussitôt dans la gravité des nuances assombries.
Certaines, même, et cela pourrait les amener à la vérité, vont jusqu'à
adopter une seule et unique forme de robe. Voyez comme tout ce qui est
habillement de classe, de caste ou de profession devient une chose définitive.
Mais cette perfection est toujours le résultat de lentes évolutions correspon-
dant à des besoins réels et non au caprice du jour. Les quelques femmes qui
s'en tiennent à une seule forme atteindront peut-être cette perfection qui sera
toujours inaccessible à la générahté. Elles conserveront du moins leur per-
sonnaKté et ne rappelleront pas l'artiste de music-haU qui change vingt fois
en cinq minutes de costume, de perruque, de fard, d'expression et de style,
n'ayant d'immuable que son âme falote et incolore.
Nos vêtements devraient être un peu de nous-mêmes, un peu de notre
être intime, et c'est pourquoi j'ai envie d'arrêter ces effrénées dans leur
course et de leur dire, comme Faust à l'instant qui fuit : Verwelle doch du bUt
ào dchoen (Demeure, tu eà éi belle).
Téresita de OSA.
TVi** ^«riyto^.m
LES MALLES
'est agréable, s'en aller. Il y a tant d'endroits où l'on serait bien...
quand on n'y est pas. Tout bonheur que la main n'atteint pas
n'est que rêve... Alors, de loin, du fond d'un divan, déjà l'on
pense au voyage. On pense à Venise, à Constantinople, aux
îles Baléares, ou bien à Houlgate. On voudrait y être. C'est
très excitant. Mais entre ce moment et l'heure du sleeping, il y a la distance
de la coupe aux lèvres. Il faut la remplir. Et pour la remplir, il n'y a encore
qu'à remplir sa maUe, besogne énervante mais qui a des résultats charmants;
un bien pour une malle, comme l'on dit. La maHe nécessaire, quoi!
Il y a mille sortes de malles. Il y a les malles qui ne peuvent aller que
par douze. Dans chacune on met un chapeau. Les dames excellent à ces
remplissages. J'avoue que c'est fort joK qu'une chose déHcate comme une
femme, et si menue qu'eUe tiendrait place, bien enroulée, dans une boîte à
chapeau de forme, ait besoin de tant à' impedimenta, comme disait César. Il
y a aussi des maUes plus mâles. Dans ceUes-là on met tout, jusqu'à son tub,
plié en trois. Elle sera vaste, pour être unique. Et étant unique, elle a cet
avantage que si on la perd, on ne sera pas beaucoup plus dérobé que si
onze autres nous restaient, dont on ne sait pas quoi faire.
Une malle, une seule. De quoi y mettre un pantalon dans sa lon-
gueur, avec tout ce qu'il faut pour fumer. A la rigueur, un double
fond pour les cigares. Ce n'est pas qu'ils soient meiUeurs ici que là:
mais le plaisir de frauder, la petite secousse de passer la douane?
222
Porte-babit et demi-sou
Je rêve d'une malle en peau de vache, s'il vous plaît, avec des fermoirs
brillants et une courroie large, et des initiales imprimées. Cela fait boyard,
et dans les palaces on nous donne tout de suite la chambre très chère. Il
faut être considéré.
Soignez bien vos malles. Il y a des gens qui emportent leur patrie à la
semelle de leurs souliers ; mais je tiens qu'il est plus commode de la mettre
dans sa malle, en raccourci : deux photographies, l'écritoire, un cendrier, trois
hvres, un petit pot à mettre une fleur — l'essentiel, pour tout de même, le
soir d'arrivée, sur la table ou la cheminée, se créer une façon de ''home"
bien à soi, dans le palace ou l'hôtel borgne, ou le hasard vous a mené. — Car
nous sommes des êtres bizarres, qui n'aimons jamais tant aller au bout du
monde que pour nous y retrouver toujours les mêmes, avec autour de nous
les mêmes visages et les mêmes objets. Mais c'est vrai que la couleur du ciel
y change, et c'est cela seul qui vaut le déplacement.
Nicolas BONNECHOSE.
Modelée
de houle Vultton,
7AT.
Vf
Malle secrétaire
EXPLICATION DES PLANCHES
PL 52. — Blouse d'été en lingerie aifec gilel en lussor ci Iran et jupe en linon imprimé
PI. 55. — Carrosse automobile de grand gala.
PI. S 4, — Robe de promenade à isolants en taffetas écossais am- un châle en cachemire
bordé de renard,
PI. 55. — Yoici des robes de promenade et d'après-midi de Jeanne Lanifin, La robe de
la première fillette, à gauche, est faite d'un semis de roses perlées sur du tulle blanc. La seconde
est en mousseline de communiante ai^ec une large ceinture en faille. Les deux Jeunes filles
portent, l'une un costume en serge, et l'autre une robe d'après-midi en mousseline créponnée
brodée de roses en taffetas et nouée d'une ceinture en taffetas.
PL SG. — La Gazette du Bon Ton reste dans son rôle de témoin de la Vie élé^^ante et
artistique de ce temps en publiant cette planche oh M. Boussingault a interprété trois %bes de
mporam,
PL 5/. — Ces trois robes du soir de Redfern sont : l'une un fourreau de crêpe Menda;
l'autre une tunique faite de girandoles de jais sur une robe drapée en météore, ai)ec cape-pépJum]
la troisième une gaine de lamé recoui)erte d'une tunique de tulle ai)ec un col hindou en dentelle ar<fent.
PL 58. — Robes d'après-midi de UiTorth. En commençant par la gauchcy i}oici une grande
tunique de faille souple ai)ec col en tulle. Ensuite, une robe en S)oile de soie pékiné, ceinturée de
moire, et la suii)ante, une robe en S)oile de soie blanc. Tient après, une robe composée d'une tunique
et d'un boléro^ en taffetas pékiné; la jupe et les manches sont en organdi. La dernière robe esl
en tulle plissé blanc ai?ec une ceinture en ruban de moire.
PL 59. — De Chéruit, ces robes de garden-party. En partant de droite, tes trois robes du
premier plan sont : la première en taffetas blanc, petite cape en i>elours noir; la seconde en N)eed
canari; la troisième en organdi ai)ec un petit caraco en i)elours noir. La robe rose est en petit
cachemire, et la bleue en mousseline garnie de dentelles.
PL 60. — Ces robes et ce manteau du soir sont de Dœuillet. La cape, serrée dei)ant par
une cordelière d'argent, est en taffetas souple ai)ec deux bandes brodées argent et perles fines. A
sa droite, une robe tulle et satin brodée de perles et de tubes. Les deux robes du milieu sont,
lune un fourreau de satin, recouS)ert d'une tunique plissée garnie de perles et de jais, l'autre une
jupe drapée en taffetas as>ec effet de tunique et un corsage également en taffetas, largement ouSiert.
La dernière, à gauche, est une robe en crêpe de satin recoui)erte d'une tunique frangée de perles
de cristal.
, . PI- 61. — Z)c Doucet, ces trois robes d'après-midi et de garden-party. La rouge est en
epinglme avec ceinture brodée de perles; la blanche et la rose sont en gaze. La robe du soir est
jaite de liberty noir recouvert de paniers perlés de grosses fieurs.
Imp. G. Kadar. j^^^.j^,^ y ^ Directeur-Gèranh
^
LE CERF-VOLANT
Jolouse a été
CARROSSE AUTOMOBILE DE GRAND GALA
z^:n.
1,,:^ *rx^ A — PI e 3
L'AMOUR EN CAGE
Robe daprès-miai
Gazdk du Bon Ton. — JV" 6
m
Juin 191-4. — P/. 34
AU PRE CATELAN
Rotes de fillettes et tailleurs de Jeanne L.
ROBES DE PAUL POîRCT SELON BOUSSINGAULT
CEoRGE BflRTViE R 1.7/?
-ISOLA BELLA"
oLes du soir àe Redfern
LES JEUX INNOCENTS
Robes d'aprè^-mîrl; Je Wortli
l^Z^l^a^,::!^^^^
L'INDISCRÈTE
.otes de garden-parey Je CLéruit
■ ,}..
/
;^i et -^2. Jenny.
33- Bc
j^. If^orth.
LONGCHAMP (H)
ou
Elle a perdu !
>^eij7. Chéruit.
:8. Premet.
^0. Dœuillet.
jç. Martial et Armant).
ON AURAIT PU NOUS INVITER AUSSI.
. Robes d après-midi et roLe du ,^;^ j^ Doucet
-c% ««s?^
^*.
5 .t\»s* •
LA GAZETTE DU BON TON
<i-i> «IsîP «ia?
JuiUet 1914 SOMMAIRE 2« Année — N» 7
LE DINER DE LA GAZETTE DU BON TON Henry BIDOU
Dessins d'André-E. MARTY. ^
MON CŒUR SOUPIRE... (^//ors-Zcx/e^ . par André-E MARTY
LES PLAISIRS DE L'ÉTÉ r'. .... Edmond TALOUx'
Dessins de Pierre BRISSAUD.
SUIS-JE BELLE CE SOIR ? (Hors-texte) par gOSÉ
LES DERNIÈRES CRÉATIONS DE MADAME KARSAVINA.
Dessins de Valentine GROSS. Jean-Louis VAUDOYER
TAMAR KARSAVINA DANS LE " LE COQ D'OR " (Hors-texte).
par Valentine GROSS.
LE BON TON DES MERLETTES Jean de BONNEFON
Dessins de LORIOUX,
LES PIEDS NUS George BARBIER.
Dessins de l'Auteur.
LE JEU DES MOTS • Charles MULLER.
Dessins de E. AYRES.
EPHÉMÉRIDES. . Emile HENRIOT.
Dessin de GOSE.
LES CLAIRS CHAPEAUX D'ÉTÉ par GOSÉ.
LE GOUT AU THEATRE : Les Ballets Russes Lise Léon-BLUM
Dessins d'André-E. MARTY.
LA LEGENDE DE JOSEPH (Hors-texte) par Ch. MARTIN.
LES POUPONS SYLVIAG.
Dessins de BORELLI-VRANSKA.
LA TENDRE NOURRICE (Hors-texte) par BORELLI-VRANSKA.
DE CONSTANTIN GHYS A LONGHI F. de GANGE.
Dessins de Bernard BOUTET DE MONVEL et de George BARBIER.
AU HASARD Téresita de OSA.
LA MODE ET LE BON TON NADA.
Dessins de l'Auteur.
PLANCHES HORS-TEXTE
LA ROBE BLANCHE. — Robe de Paul Poiret. . . selon BOUSSINGAULT.
LE PAYSAGE ROMANTIQUE. — Costume tailleur de Worth,
par Bernard BOUTET DE MONVEL.
RIEN QU'UN NUAGE. — Robe du soir de Chéruit. . par Pierre BRISSAUD.
LE CYPRÈS ET LA ROSE. — Robe d'été de Dœuillet. par George BARBIER.
QUEL CHAPEAU FAUT-IL METTRE ? — Robe d'après-midi de Doucet,
par MAGNIN.
VIVE SAINT-CYR ! — Robes d'été de Jeanne Lanvin . par Pierre BRISSAUD.
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f coloriées, neul années de modes, de 1778 à >t
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\ irègne de Louis XVI, où les arts du vêtement, \
fde la coiffure et de la parure, encouragés par *'k
la IrivoKté de la jeune cour, ont rivalisé par le |
\ charme et l'abondance de leurs productions. \
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^j^^^ . |(bsg^ jS^^ ^^^5 P^==^
^^^ ^^ 1^
»Huwii>HumMm wij n %\mfmss^ ^
-iSP^TV-
Le Diner de la viazette du Bon 1
on
ÉTAIT dans Tadmirable jardin d'un vieil hôtel
habité aujourd'hui par un des couturiers les
plus célèbres de Paris. Sur trois tables en fer
à cheval courait, selon leur axe, une suite de
légères guirlandes. Les couturiers dont la Gazette
du Bon Ton publie les modèles recevaient à dîner
les artistes et les écrivains, et Ton célébrait dix-huit mois
heureux. Après le dîner, exquis et ordonné avec goût, deux
danseuses vêtues de tuniques, sur la pelouse mollement
éclairée d'une lumière bleue, menèrent leurs pas et leurs
poursuites. Ce n'était point ce bondissement un peu sec que
l'on voit sur le plancher élastique d'un théâtre, mais quelque
chose de léger et de doux, une danse de nymphes. Un grand
arbre élevait ses branches, et dans le fond une statue antique
paraissait comme une forme radieuse. La danse achevée et la
lumière éteinte, des feux d'artifice éclatèrent de toutes parts :
ils étaient bleus et dorés comme les paillettes d'un double
22;
Copyright July 1^14 by Lucien Vogei, Parb
métal. De la façade même de l'hôtel, une nappe embrasée,
éblouissante, mêlée d'acier et d'or commença à ruisseler.
Cette fête, délicatement organisée, avait assemblé dans la
plus simple causerie ces trois éléments de la
Gazette du Bon Ton : les maîtres de la mode, un
choix de jeunes peintres et quelques écrivains
persuadés que l'image d'un temps n'est pas
indifférente et qui se plaisent à trouver dans la
grâce de ces fanfreluches le témoignage que leur
époque laissera à l'avenir.
Cette réunion de ceux qui font la mode
et de ceux qui la représentent est une nou-
veauté. Comme toutes les réunions, elle est
utile. Elle s'est trouvée au surplus agréable à
chacun. Avec la plus extrême liberté dans l'in-
vention, parmi la variété des goûts, cette
réunion a eu l'air cordial que donne un sen-
timent commun.
226
L'effet de cette alliance, les lecteurs le savent: une
revue a été fondée qui, par l'art de ses images et sa perfection
élégante, est Texacte interprète de ces six ou sept couturiers
qui tiennent entre les autres le premier rang,
maîtres du goût et de l'étoffe. Cette revue, en
même temps qu'elle forme la plus précieuse suite
d'aquarelles qui se puisse feuilleter, représente
chaque mois la collection et l'histoire des nou-
veautés du costume.
Toute la mode est là, et vue par les yeux
les plus accoutumés à découvrir la beauté. C'est
ainsi qu'elle doit être peinte et comprise. On
rappelait, dans le premier numéro de cette revue,
les illustres souvenirs de la Mésangère et les
grands noms des dessinateurs du xvm^ siècle. On
se réclamait de ces devanciers célèbres. Le
succès de la Gazette du Bon Ton, non seulement
en France, mais au loin, prouve qu'on a bien
22y
V'" "*■'?;
I
î iPl; :%^'^l
fait de suivre Texemple dun Saint- Aubin et d'un Vernet.
Ce n'est pas une petite chose que de donner figure à son
siècle. Tout le monde a oublié la guerre de succession
d'Autriche, le renversement des alliances, la diplomatie de
Louis XV et le ministère Choiseul. Mais tout le monde se
souvient des robes à paniers. Il faut qu'il y ait à ce choix que
la mémoire publique fait dans les événements quelque raison
profonde. La mode qui change tous les mois est la seule chose
qui restera. On ne se rappelle point M. de Villèle, ni la combi-
naison Dessolles-Decazes,mais nul n'ignore que Mimi Pinson
se coiffait avec des anglaises, chaussait des cothurnes et que
son corsage était à manches à gigot. Ce sont là les faits essen-
tiels, et l'histoire grave sur le bronze des toilettes de mous-
seline. Ne soyons pas plus difficiles qu'elle. Dans le repos de
leur gloire éternelle, Watteau, n'en doutez point, se félicite
d'avoir donné son nom au pfi d'une robe et Nattier au bleu
d'une étoffe.
d'André Marty
Henry BiDOU
sSiS;
LES PLAISIRS DE L'ETE
SllEN que la pluie ruis-
selle, que la grêle
décapite les hortensias
de nos jardins, que
la tempête souffle, que
Paris éclate comme une grenade
ou comme un sol volcanique, bien
que le printemps, en un mot, fasse
rage, il faut croire que le renou-
veau ne durera pas toujours et que
lété finira peut-être par le rem-
229
IMP--
placer. C'est ce que cha-
cun se dit, tout en se de-
mandant où courir, puis-
qu'il est généralement
admis que,dès que les cha-
leurs rendent tout mou-
vement intolérable, il est
obligatoire de se livrer à
une extrême agitation.
Les uns préfèrent une de ces honnêtes maisons de cam-
pagne où Tunique distraction est, chaque matin, de mesurer
les arbres fruitiers pour savoir s'ils ont grandi pendant la
nuit ou de prendre la taille aux poires, comme
à de jolies filles, et de juger si elle arrondit.
Les autres préfèrent la Suisse, et le concert
des vaches, et faire un match avec le soleil,
à qui se lèvera plus tôt que Tautre.
Mais les privilégiés, les malins se pré-
cipitent au bord de la mer. Il est bien
entendu que les gens raisonnables ne songent
qu'à leurs plaisirs : pour les peines, la vie
s'en charge; au Heu que c'est à nous d'in-
venter nos agréments. Il y faut de l'ima-
gination et une sorte de génie. Il est des
êtres, par exemple, qui se réjouissent au
Palais-Bourbon et pour qui voir glisser un
ministère est aussi drôle que la chute d'un
water-toboggan. Ce n'est pas pour eux que
j'écris, mais pour ceux, plus sensés, qui
\Zo
-p.f^' —
n'aiment rien tant que de
se lever tard, vêtir un
complet clair et flou, des-
cendre sur la plage, re-
garder trois vagues qui
font le plongeon et se
tonifier les poumons avec
de l'essence de varechs.
Dans le but de plaire à
ces dilettantes, à ces bons
vivants, les femmes s'habillent de robes légères, pareilles
à des tuHpes renversées ou à des delphiniums qui auraient
la tige en l'air, rassemblent sur leurs gracieuses étoffes
toutes les couleurs du prisme, s'enve-
loppent de capes à plis simples et
droits, se coiffent de bérets ou de
galettes, se font désirer par le vent,
caresser par les flots et détailler à
loisir par tous les connaisseurs du
bord de l'eau. C'est pour eux surtout
qu'elles se déshabillent, jouent à la
sirène ou pèchent les crevettes, char-
mant prétexte à montrer de jolies
jambes longues, qui ont des reflets
de nacre et des puretés de perle,
quand l'eau marine les a touchées.
Monter en auto avec une robe si
étroite qu'elle s'arrête aussitôt au-
dessus du genou, ou croiser ses mollets
2Ô1
dans une jupe fendue
n'apas réussi en effet
à les faire sufifisam-
ment connaître et
admirer.
Mais la plage,
ce n'est pas seule-
ment une lisière de sable jaune où la mer
mousse comme une coupe de Champagne,
c'est aussi le Casino!
Le Casino! Pour bien dépeindre cet
endroit féerique, il faudrait avoir quinze
ans, être un jeune garçon ou une petite
demoiselle et n'y avoir jamais mis les pieds.
Comme on évoquerait alors facilement ce
palais des Mille et une Nuits, aux mu-
railles de cristal irisé, où des orchestres
délirants jouent avec simplicité la musique
même des sphères, où des drames sublimes
sont représentés par des acteurs dont
chacun est supérieur à Irving et à Sarah
Bernhardt, où les fortunes se disséminent
sur les tapis verts, semées au hasard par
des femmes prétentieuses et secrètes comme
une héroïne démodée d'Alexandre Dumas fils, ou par de
nobles messieurs dont les favoris descendent tout droit du
second Empire. C'est un endroit divin, dis-je, que le Casino...
C'est un endroit divin tant qu'on n'y est pas allé ! Mais
vous, Madame, vous y êtes peut-être entrée. Il vaut mieux ne
23:
plus en parler alors, et vous laisser à
vos souvenirs d'enfance, quand Madame
votre mère, en s'habillant pour la soirée,
vous disait d'une voix distraite : « Tu iras
au Casino quand tu seras grande ! » Hélas 1
Madame, depuis que vous êtes grande, on
vous a menée partout, et je gagerais que bien
souvent vous avez regretté qu'une enfant de
quinze ans, mais à l'imagination ardente, n'eût
pas créé le monde — plutôt que Dieu!
Mais le vrai plaisir des plages, c'est Tamourî
L'amour n'est pas un fruit de l'hiver, il
n aime pas
la neige, les
calorifères, la pluie, il lui
faut le plein air, le soleil,
la mer qui soupire la nuit
et se plaint que la lune
soit inconstante. Cela n'a
l'air de rien, on se pro-
mène le plus innocemment
du monde, on voit les
mousselines du crépuscule
se déployer doucement sur
l'horizon, on cause sur
une terrasse en considé-
rant une mouette toute
blanche, pareille à une
lettre qui chercherait
^SS!S2S*
53
son destinataire, on joue à la main chaude en appuyant
le front sur les genoux tièdes et fermes d une jeune femme.
Ici, un couple flirte, couché dans le sable, non loin des
ridicules petites cabanes de bain. Ailleurs, au fond d'un
jardin, un adolescent surpris voit se foncer soudain l'azur
délicat des yeux dune fillette. Alors on se
frôle un peu, on parle plus bas, on s'étonne
de se sentir ému, troublé, on regarde une
nuque pure sortir d'un col blanc comme une
enfant regarde un diamant à la devanture
d'un bijoutier, on respire, où que Ton aille,
une odeur charmante que dégagent pourtant
les mouvements dune seule personne, on
cherche un bras pour s'appuyer sur lui, il
vous vient des pensées neuves, étranges,
souriantes, graves. Quelque chose de mys-
térieux vient du large, on s'arrête tout à coup,
un peu suffoqué, le cœur battant... C'est
l'amour qui commande, qui gronde, et tente,
et caresse tour à tour, et les plaisirs de
>.54
ne
essus
es
Tété s'interrompent et s'eiFacent devant une grande, u
profonde et noble joie : le plaisir fait place à l'amour !
Mais la brise qui éparpille la vapeur d'eau au-d
de la Manche et de l'Atlantique ne porte point aux grand
passions, et Roméo et Juliette, non plus que V^erther et
Charlotte, ne se rencontrent guère à Trou-
ville, ni dans cet Etretat, qui, tout ras et
gris, semble s'aplatir entre les arcs de
triomphe de ses falaises percées. Si l'on se
fait de si solennels serments, c'est qu'il est
plus poli de se dire : ''Pour toujours! " que
Le murmurer :
{ i
our une neure
Le souffle plus rauque de Septembre a
tôt fait de disperser vos sentiments, comme
la brise, les feuilles de la forêt. Les derniers
jours sont déchirants, les pires valses des
tziganes prennent autant d'intensité qu'une
romance de Schumann ou de Borodine, le
vent secoue les manteaux et houspille les
capuchons, on sait qu'on va se quitter, on se
35
r^v
regarde avec les yeux qu'on a
dans les gares, quand le train
emporte un être aimé...
Au printemps prochain,
petite amoureuse, quand la
branche qui pointe te mon-
trera ses bourgeons comme des
seins verdelets, tu rouvriras
Tarmoire où sont tes robes
bien rangées, ces robes qui te
sembleront déjà si comiques que
tu t'étonneras d'avoir pu les
porter, tu te diras : « J'avais
cette jupe verte le jour où il me prit la main... » ou bien :
« C'est contre ce col en mousseline des Indes, tout près de mon
cou, qu'il murmurait ces douces paroles qui font rêver aux
espoirs indéfinis... » Peut-être te sentiras-tu alors la joue un
peu humide, et tu soupireras : « La saison d'amour est finie ! »
(Deddind de Pierre Briddaud.) Edmond Jaloux.
<ii^
LES DERNIÈRES CRÉATIONS
DE MADAME KARSAVINA
I.
DANS LE -COQ D'OR"
u riais parce que le roi Dodôn avait un gros ventre et dormait
sur un lit doré, protégé des mouches par les mouchoirs qu'agi-
taient les servantes; tu riais aussi parce que le général
Polkân, tournant comme une toupie, dérangeant le repos,
venait annoncer l'ennemi; mais tout à coup, tu cessais de rire.
Car apparaissait la reine de Chemâkha, traînée sur un praticable, au fond
de la scène, et mimant, sous les flots électriques, les attitudes de la
séduction.
iu te souviens de sa haute coiffure pareille à un insecte compliqué, de ses
lîîille nattes noires s' effilant des deux côtés du visage gravement souriant.
3/
puis sur les roses glacés et sur les argents
Mais la Reine disparaissait, et Dodôn,
doux de la robe fabuleuse,
sans entrain, partait pour
la guerre.
Sur le champ de
bataille, une tente majes-
tueuse s'élevait. Devant
elle, quelques cadavres
de guerriers gras ressem-
blaient, fichés d'un glaive,
à quelques belles pièces
de charcuterie où tran-
che le coutelas. Au son
d'une musique comme pul-
vérisée, des trésors
vivants s'échappaient de
la tente C'étaient des
odalisques souples, des
jeunes filles déguisées en
jeunes gens, et dont
on voyait luire les
cuisses fermes sous les
franges des justaucorps.
C'étaient des négrillons
pareils à des mouches
tropicales. Et toutes et
tous ils sautaient sur les
planches de la scène,
combinant joyeusement
des dessins de couleurs
semblables à ceux que
tu regardais avec ravis-
sement, quand tu étais
petit, à l'orifice des kaléi-
doscopes mystérieux.
z38
er
au
Enfin, après toute cette troupe féerique, de la tente sortait la Reine
de Chemâkha.
Pourrais-tu oublier sa stature si fragile et si noble? Pourrais-tu oubli
sa grâce si naturellement fière? Il n y a peut-être pas d'autre danseuse i
inonde qui unisse dans sa danse tant de fraîcheur à tant d'art. Souviens-toi
de l'enivrement sentimental que dispensaient ses légers sourires muets; sou-
viens-toi de ces pieds nus si rapides et si adroits; et de ces singuliers
mouvements des épaules qui imitaient la houle de l'eau.
Comme la Reine se moque agréablement bien du pauvre gros Roi!
L'ours court après l'abeille, et l'abeille emporte la fleur. La danseuse
railleuse et tendre marque du talon, parfois, le moment le plus rythmé de
sa danse; puis piaffe sauvagement, et fait courir, courir encore Dodôn,
qui s'essouffle et tombe.
Chaque fois que Mme Karsavina crée un nouveau rôle, il semble que
l'on reconnaisse un rêve, un de ces beaux rêves que l'on aurait voulu avoir,
mais que l'on n'avait pas encore mérité. Hélas! peut-être ne reverrons-nous
plus jamais, à Paris, dans le Coq d'Or, le sourire malicieux et incertain du
visage de la petite reine aux mille nattes noires; ni filer vers la coulisse,
poussé par ta main très habile, le grand tambourin que tu remuais si bien,
ô souveraine de Chemâkha!
IL — DANS "MIDAS"
Sa perruque d'or, qui, de loin, paraissait blonde, la changeait beaucoup;
et, d'abord, quand elle parut, tout le monde ne la reconnut pas. Elle était
vêtue d'une tunique très courte, paiement verte comme le cœur blanc de la
salade, et toute brodée de naïfs petits bouquets bleus. L'Oréade enivrée
agitait, furieusement joyeuse, ses jambes roses et brillantes, qui semblaient
trempées encore de l'eau des étangs.
Vous ont-ils dit qu'elle ressemblait à un bouquet vivant, à une statue
faite, si l'on peut s'exprimer ainsi, de fleurs et d'ailes ? Vous ont-ils dit
qu'elle donnait un entrain extraordinaire et bienvenu à la musique morose,
2^9
et que toute la salle, malgré elle, frissonnait d'allégresse en la voyant si
allègrement sauter? ^
Les satyres et les hamadryades, les faunes agités rôdaient parmi les
rocKes et se roulaient dans l'herbe. Les Muses, vêtues de grandes robes
versicolores, formaient des groupes pleins de noblesse et de gravité. Mais
elle répandait comme une averse les parfums de la jeunesse, et sa danse ressem-
blait aux rires des enfants.
Oréade, fille des sources, sœur des feuilles caressantes et mobiles; toi
dont les bonds n'effarouchent pas les écureuils et les perdrix ; toi pour qui
les baies des branches font couler leur pure hqueur; vole d'un tertre à l'autre
tertre ! Touche à peine de l'orteil cette herbe qui tremble du désir d'être
touchée par toi. L'air veut t'enlacer; mais, plus rapide que l'air, c'est toi
qui l'enlace. Tu étais là. Tu n'es plus là. Où donc es-tu? Hélas I nous t'avons
vue apparaître et disparaître en même temps I
Deééiné de Valentlne Gi
■OdJ.
Jean-Louis VAUDOYER.
^^
v'M.Cw.'t V. .^
LE
TON
MERLETTES
O o o
CONSEILS SUR L'ART DE DÉCOUPER LES TITRES
j^^^^^^^ ETAiT^ l'autre soir, dans une des rares familles qui ont conservé
(Q ; le bel usage de faire annoncer les invités à haute voix, par le
77V~^ premier maître d'hôtel, au seuil des salons.
Cette coutume courtoise se perd là où les maîtresses de
maison n'osent pas avouer en public les noms de tous ceux qu'elles accueillent.
J en sais même — et de bien nées — qui ne connaissent jamais les noms
de leurs convives.
On préfère murmurer tout bas et très vite de vagues présentations où
un descendant de Coffinhal, dit le pourvoyeur de la guillotine, peut être
galamment nommé à une vraie Castelbajac, sous le pseudonyme légal de
M. du Noyer, baron de Noirmont. Rougemont serait mieux!
Bref, on annonçait l'autre soir et le valet donnait à pleine voix : le
marquis de St-L... ! Puis, successivement: Le comte de St-L... I Le vicomte
de St-L... ] Le baron de St-L... I Ainsi furent clamés le père et trois de ses
nls. Le quatrième ne vint pas et je ne saurai jamais s'il porte le titre désuet
de chevalier.
y^^iie dégradation, ce « découpage y> du titre prouvent une fois de plus
que les règles et les règlements se sont brisés en France dans le grand assaut
de la vanité.
2^1
L'unité et l'indivisibilité du titre sont des principes de droit français
inscrits dans le code. La première raison en est la difficulté de donner une
hiérarchie des titres : un baron féodal vaut mieux en noblesse qu'un marquis
à brevet de l'avant-dernier siècle. Historiquement, la couronne est stérile •
elle ne fait pas de petites couronnes.
Je sais bien l'excuse. Elle s'appelle : l'ordonnance du 26 août 1817. Le
roi autorisait, par cette décision, le fils aîné du Pair à porter le titre inférieur
à celui de son ascendant et ses frères puînés à se partager le reste des titres
dans l'ordre conventionnel.
Mais cette faveur était expressément réservée aux membres de la
Chambre des Pairs. Aussitôt toute la noblesse s'empressa de multiplier le
titre de famille, tantôt en adoptant la plaisante dégression, tantôt en prenant
pour tous les membres de la famille le titre qui est la propriété d'un seul.
Et cela fait penser au dédain sublime de Saint-Simon : « Les titres de comte
et de marquis sont tombés dans la poussière par la quantité de gens de rien
qui les usurpent. »
LE DUC DE MORTEMART :
Armes : Fascé, onde d'argent et de gueules de six pièces.
C'edt un haut éeigiieur de éarig, de nom, de ton que le Cercle Agricole a choul
pour prééldent. Un éeul reproche va veré lui et leé /lend : par dégoût des par^eaud et
deégené éortU de la crotte qui ajoutent leô nomd aux nonié, la génération moderne deô
vraie éelgneurd élmpllfie leô choses à l'excès.
^^^AÉ^ ^^ f^^f^ ^^ Rochechouart, qui cét glorieux,
SÊÊÊ^L ^^^^^^ ^^ devrait jamalé être ééparé du Mortemart, qui
]^^^^\^MKp^ ^^^ ^^^«^ ^^'^^ ^^'^^ l'ancien.
y T^^^^^^BTl, Cette famille de chevalerie dort dané conteôie
deà comteé de Limoges, par Alniery, cinquième
enfant de Glraud, vicomte de Llmogeà, a la
fin du X" éiecle.
Le Vieil arbre a formé onze rameaux :
neuf dont aujourd'hui bridée, Landld que deux
fléuriddent éuperbement : celui ded delgneurd
de Fontaine- Baudan, qui forme la branche
aînée, celui ded JKortemart et Vlvonne, qui
forme le rameau ducal, dur lequel eét grefé
le titre princier de Tonnay-Charenle, prld à
la branche morte (1682) ded Rochechouart-
Bonnlvet.
242
é aîné
en
La dclgneurle de Mortemart fut érigée en duché-pairie par lettrée patentée d
décembre 18^0, a^ec le titre de duc de Fii^onne, par brei>et de 1668, pour le fiL
du premier duc.
Une ordonnance du ji août i8ij confirma le titre de duc-pair héréditaire,
faiseur de Victurnien de Rochechouart.
Maié il ny eut ni institution de majorât ni lettrée patentée d'im^eàtiture par
l'indiférence du titulaire.
La même ordonnance du ^1 août i8ij créa le titre de marquu-pair héréditaire
pour Victor de Rochechouart^ oncle du précédent.
Le dernier duc-pair de l'ancien régime eut trois alliances : en ijj^, a^ec
Mlle de Crux-Montaigu; en ij^C}, a^ec Mlle de Roui^roy; en ij^i, a^ec Mlle de
Mannenlle, ce qui donna neuf enfants.
Son fils aîné se maria deux fois-, ai>ec Mlle d'Harcourt-Lillebonne, puis a^ec
Mlle de Cossé-Brissac, d'où neuf enfants encore.
L'aîné du second lit, Victurnien, sentit d'abord l'Empire et, par une singulière
ironie héraldique, fut créé baron le 8 ai^ril 181;^, au temps oîi il était officier d'ordon-
nance de l'Aigle. Il n'eut que quatre filles et un fils; ce dernier mourut sans postérité.
Les titres passèrent alors au fils du marquis de Rochechouart et de Mlle de Nagu.
Le fils était comte de l'Empire, depuis 1810. Il épousa Mlle de Montmorency. Leur
fils aîné, marié à une Borghese-Aldobrandini, eut un fils, le duc Victurnien, grand
d'Espagne, qui laissa six enfants de son union ai^ec Mlle de Sainte-Aldegonde. Le
fils aîné, marié a Mlle d'Hunolstein, eut un
fils, né en 1881.
Citer les alliances de la maison de Roche-
chouart-Mortemart, ce serait épeler les lettres
des plus beaux noms de France. Il suffit de
rappeler que la duchesse douairière d'Uzès, dont
la grâce est mêlée à toute l'actii^ité intelligente
ou charitable de ce temps, est une Mortemart
par la naissance. Elle montre aux filles des
races anciennes comment une dame peut, sans
descendre m déroger, être superbement moderne.
MAILLY- NESLES, PRINCE DO
RANGE :
Armes : d'or à trois maillets de sinople,
posés 2 et 1.
Cette année, les fiançailles se portent très
tangues, ai^ec beaucoup de cérémonie. Les gens
245
bien néô la'uéent aux ^eiié d' affairée leé marlageé a la vapeur, préméditée et accomnllé
en quelques éeniaineé.
La fille de M. Chabot de Rohan, comte de Jarnac, eét donc fiancée au niarauié
de Mailly-Neéled, prince d'Orange.
Les Mailly ont eu toutes led gloires, celleà de la guerre et celUé de l'amour
depuié Anéelme de Mailly, en lo^o, judquà Marie- Anne, créée ducheéée de Châ-
teauroux en ijjcf.
La ducheéée et <ied quatre illuétres éœuré furent leé derniéreô fleuré de la branche
Neéleé et Montcai^rel. Cette branche portait auééi par autoriéation du Conéell
d'Etat (ijo6) leé titrée de princeé d'Orange et de l' léle-éoué-Montréal.
Deé quatorze rameaux que le bel arbre a donnée, un éeul reéte vert : celui deà
éeigneuré d'Haucourt paré maintenant de toué leé titrée et de touteé leé éubétitutioiié.
A ce rameau appartenait le maréchal de Mailly qui, avant d'être décapité a
Arraé, le 25 mare ij^/f, é' était marié troié foie à Meédemoiéelleé de Colbert-Torcy,
de Séricourt et de Narbonne-Pelet.
Depuié la révolution, leé Mailly ont dédoublé le titre de prince d'Orange et de
l'Iéle-Montréal pour appliquer la première partie aux Mailly-Neélcé et la deuxième
aux Mailly-Châlon.
Le fiancé actuel, chef de la maiéon, eét le filé aîné de feu le marquié de Mailly-
Neéleé et de Mademoiéeile de Cholier de Cibeiiié.
Leé allianceé deé Mailly éont faiteé de tout l'armoriai françaié. Leé plué réceiûeé
éont conciliée avec leé Keréaint, leé La Rochefoucauld, leé Goulaine, leé du Hazey,
leé Lucinge-Faucigny, leé Bourbon- Lignièreé, leé Puyéégur, leé Gontaiit, leé Tardieu
de Jialeyééie, leé Maupeou.
BIDAULT DE LISLE :
Armeé : d'azur à trois épis d'argent, 1, 2.
Cette famille d'honorable magiétrature appartient a la meilleure et a la pliié
honnête bourgeoiéie. On ne lui connaît aucun principe d'anobliééement, malgré leé
armeé enregiétréeé, pour vingt livrée dix éolé, aprèé i6ç6. Le titre le plué authentique
eét indiqué par Molière, en l'honneur de éon ami Pierre Bidault de l'Iéle, procureur.
« Je sais un paysan qu'on appelait Gros-Pierre,
Qui n'ajant pour tout bien qu'un quartier de terre
Y fit tout à l'entour faire un fossé bourbeux
Et de Monsieur de l'Isle prit le nom pompeux. »
Un parchemin éigné Molière vaut un certificat éigné d'Hozier ou Chérin.
Dcééiné de F. Lorioux. Jean de BONNEFON.
244
&.%
LES PIEDS NU
QU êtes-vous, pantoufle de menu vair, mule de Madame
Parangon et vous qu'Aubrey Beardsley présente à la
reine Vénus pour chausser ses pieds charmants, « souHers de
peau de Suède grise et noire et brune, en soie blanche et en
satin rose, en velours et en Florence... talons d'argent,
d'ivoire et d'or, semelles en cuirs délicats parfumés de
maréchale et doublures d'étoffes douces odorant l'essence
de giroflée... » ?
Les poètes et les amoureux vous ont
trop célébrés, geôliers qui gardez en
prison les pieds des belles, ces pieds
menus dont la blancheur s'avive d'une
veine azurée et d'un talon fardé, et dont
les ongles peints brillent avec recon-
naissance sous les pâtes et les parfums.
Dans les vitrines de Cluny, brodés,
gaufrés, dorés, les souliers font penser
à des bouquets flétris ; on se rappelle
le conte de Restif « le petit pié de
245
Fanchette ou le soulier couleur rose», on rêve
de la pantoufle que perdit Cendrillon et de
la sandale que le roi Psammetichus trouva dans
son jardin.
Il était charmant de découvrir sous le panier
une mule microscopique, ou sous la crinoline
une bottine mordorée ; maintenant il faut désirer
le retour du cothurne lacé autour des jambes
nues. Aux premières sensationnelles, nous
avons déjà admiré les sandales portées
par des élégantes audacieuses. Rien ne
sied mieux à la plastique d'aujourd'hui.
Pourquoi scrupuleusement ha-
biller le pied quand on dénude
généreusement les gorges et
les hanches dans des robes
molles et flottantes ?
Dans les intérieurs mo-
dernes, le pied nu est charmant;
le talon éclate comme une pomme d'orange
sur les sombres tapis semés de coussins en
avalanche, le pied nu seulement habillé
d'un cercle d'or ou d'un anneau de jade
vert comme une tige ou rose comme un fard.
L'été, j'aimerais voir sur la plage,
sous quelque légère robe fleurie, des
cothurnes de cuir rouge ou vert serrés
haut sur la jambe par un ruban et, à
l'heure du bain, des sandales fauves.
Avec les robes d'apparat, je voudrais
des chaussures féeriques : un maroquin doré
246
au petit fer comme une précieuse reliure, un cuir rose piqué
de turquoises ou de graines de corail, du galuchat avec
des fils de perles et des glands d'or et de soie.
J'aimerais encore, sur le pied le plus pâle, un simple
cordon cramoisi retenant une boucle qui serait un bijou.
On remplacerait les talons par de hautes semelles d'ébène
ou d'ivoire incrustées d'écaillé ou de nacre, dont la pointe
recourbée avancerait comme une proue de galère, et serait à la
fois un ornement et une protection.
Ainsi, sous leurs aigrettes, balançant leurs robes paradi-
siaques sur des chaussures de Sicyone ou de Sardes, nos
dames pour- ^— ..^ ^^^^^* ^'^™^-
giner les ^ [TT^w contempo-
raines et les y/^ M \\i\ rivales de
Cléopâtre / \ mN^ ou de la rei-
ne de Saba _ . , _
George
Dcd/uw [^ V^-^-Ov / ^ VI Barbier.
^e L'auteur
o
i (Xh
LE JEU DES MOTS
E mardi-là, les abonnées de la Comédie-Française ne purent
retenir un cri scandalisé lorsque la ravissante Mlle Trombinne
apparut sur la scène. Quelle extraordinaire
lubie avait inspiré à la jolie actrice une
telle excentricité? Je vous le donne en
mille: Mlle Trombinne portait des rouflaquettes] Et
notez qu'elle jouait précisément un aristocratique per-
sonnage d'archiduchesse dans une pièce du mieux pensant
de nos académiciens.
S'il ne se produisit qu'un léger
murmure de chuchotements désappro-
bateurs, il faut en reporter le mérite à
la courtoisie d'une assistance recrutée
dans les milieux où se conservent les
dernières traditions de la politesse fran-
çaise. Partout ailleurs, l'imprudente
aurait été sifflée. Toutefois, la bonne douairière de Tem-
poris-Acti, qui pourtant ne manque pas d'indulgence, ne
put s'empêcher de déplorer avec mélancolie l'encanaillement
248
ces
des mœurs présentes. Et la petite vicomtesse de
Douzieux, qui partageait avec elle le devant de
la loge, hocha la tète de manière approbative.
Or, quelle ne fut pas la consternation de
Texcellente douairière, lorsque à quelques
semaines de là, présidant chez elle une
séance des «Amis du bon vieux temps»,
elle vit entrer sa jeune amie ornée de deux
superbes accroche-cœur qui
venaient se recourber jusque
sous ses yeux 1
— Ahl fi, ma chère petite, s'écria-t-elle,
choses-là... chez moi!... Quelle horreur!
Mais la chère petite ne fut pas déconcertée.
— Vous savez, répondit-elle, que tout le monde en
porte à présent.
Et comme Mme de Temporis-Acti protestait non
sans mélancohe :
— D'abord, poursuivit la vicomtesse, vous ignorez
que Mlle Trombinne avait ses raisons pour se pré-
senter ainsi ajustée. La pauvre fille avait été brûlée
à la tempe par le fer à friser de son coiffeur. Il lui
fallait bien dissimuler le dommage. Vous voyez donc que tout
à I ceci procède d'un motif fort avouable. Mais le mieux, ma bonne
J I amie, c'est qu'elle ne faisait que reprendre les coutumes de
^ î ces arrière-grand'mères que vous admirez tant. Avez-vous
g J jamais trouvé à redire sur ce qu'elles por-
J I talent des mouches? Non, n'est-ce pas, et
• J vous imitez volontiers leur exemple . Eh bien !
à F si elles se collaient de petits ronds de taffetas
l j sur les joues et au coin des lèvres, c'était
• F PO^r masquer les vilains dégâts occasionnés
%©l^ par les bestioles piquantes qui pullulaient
dans les pièces d'eau de Versailles. Nous
avons trouvé, pour désigner ce que vous nommez sévère-
ment "rouflaquettes" de petits vocables charmants: elles
sont àes^uicheé ou des tanguinetted. Les "mouches " de nos an-
cêtres auraient tout aussi bien pu s'appeler des moustiques.
Dcééiné de E. Ayreé,
Charles MULLER.
ea.
Juin. — ■ Ballets russes — ballets grecs — bals costumés, bal égyptien,
bal des crinolines... La danse renaît, madame; et l'on nous dit le tango dans
les choux, morte la maxixe, enterré le lulu-fado... A d'autres I on nous varie
nos plaisirs, voilà tout. — Ainsi l'autre soir, à Reims, ils furent renouvelés
des Grecs, comme le jeu de l'oie. Dans un beau jardin, sur un stade, des
jeunes messieurs fort beaux, m'a-t-on dit, de jeunes dames non moins belles,
des enfants qui le deviendront, mêlèrent agréablement la gymnastique à la
danse, ce qui est tout un. Ils étaient nus, ou peu s'en faut. La lutte et la
course, les chants et les pas alternèrent. Dethomas avait fait le peu de cos-
tumes que la température rendait nécessaire — car tout de même, on n'est
pas en Grèce, à quelques Saphos près ; — la musique était de M. Debussy,
Jaulmes avait peint un vague décor; mais Dieu avait fait le reste, avec
M. de Polignac : une belle nuit, lune et nuages, horizon de bois et riche
nature. — Nous, cependant, affligé d'un rhume, buvions, mélancolique et
omnubilé, loin de ces jeux, d'amères tisanes. — Ce double événement méritait
d'être consigné ici avec d'autres choses éphémères.
Des choses éphémères... ce sera, si vous le voulez bien, cette mode où
l'on nous veut contraindre de nous promener le col nu. — ■ On voit, l'été sur
les plages, des messieurs qui vont la gorge à tous vents. Foin! — Je tiens
pour le col, vrai ou faux. ^- Que, si l'on nous dénude, ce soit tout entier. —
Mais là. Monsieur V.rn. — avez-vous pour ça le ventre qu'il faut, en
forme de lyre?
— Beaux- Arts. Juin nous comble. Avez-vous lu le Séducteur? — un Hvre
adorable. — Avez-vous vu au Louvre les collections de M. de Camondo -—
25o
au a mon doé?., comme disait cette jeune ballerine, qui n'avait point
d'orthographe, mais beaucoup mieux? — Avez-vous entendu UOrfeo catala
dont Gabriele d'Annunzio prétend que ce qui lui nuit, c'est oune aboué dé
iiouaiiceé? — ■ Nous avons eu aussi les concours du Conservatoire, l'expé-
dition Scott au cinématographe, qui rempKt de monde le théâtre Réjane, et
Mme Réjane d'étonnement de voir son théâtre plein; nous avons eu la
soirée Antoine ; une exposition d'insectes qui donnera de très bonnes idées
aux modistes pour orner les chapeaux de nos belles de nuit ; nous avons eu
le Derby, le grand steeple, le grand prix..., une exposition de Toulouse-
Lautrec, — La Goulue, la Macarona, Miss May Bedford et son petit chat,
Yvette Guilbert aux gants noirs, qu'êtes-vous devenues?
Et puis, surtout, nous avons eu le match, le grand match — au
Vel'd'Hiv' — Johnson et Moran. Fort beau spectacle, mais décevant, que
le combat d'un blanc mal construit, et qui n'osait pas, contre une statue de
bronze, un peu grasse. De temps en temps, la statue noire encaissait, ouvrait
un large et bon sourire tout doré, et, si elle était bien touchée, elle applau-
dissait. Irritation des Américaines emperlées.
— Kiil hlm, Frank!
A quoi les amis du nègre répondaient :
— Go on y Jack!
Et Jack go onait mollement. Mais fort beau spectacle tout de même,
dis-je, à cause de la lumière crue et verte qui tombait sur le ring^ les boxeurs
ruisselants, les épaules mates des femmes; à cause du public, faubourg et
gratin, qui se trouvait là; à cause des dames toutes perles dehors, et quasi
nues, "sous des déguisements fantasques"; à cause aussi de cet air cruel
qu'elles ont toutes, et de leur satisfaction quand, d'un uppercut, le nègre
ébranlait le blanc, ou de son gauche répété — miééy repetda placent! — il lui
ouvrait l'œil. Byzance. . . ^
— Byzance. . . Maurice Rostand est à Paris.
Eâhl
Emile HENRIOT.
^^^
202
LE
GOUT
"Ç=^ V.
FHEATRE
LES BALLETS RUSSES
ES Russes sont revenus et ils ne nous lassent pas encore.
C'est peut-être qu'ils font beaucoup déraisonner. Des
admirateurs indiscrets n ont-ils pas prétendu qu en même
temps qu'ils nous révélaient des musiques et des visions
surprenantes, ils nous rapportaient l'art perdu des fêtes
classiques ? Quelle folie ! Ou quelle imprudence ! Le ballet
russe n'offre guère qu'une ressemblance avec les ballets
français du temps de LuUi et de Rameau, c'est l'unité d'intention, la
coopération étroite et mutuelle de la danse, du décor et de la musique,
la création, avec chaque œuvre nouvelle, d'un appareil fait pour elle et
inventé à nouveaux frais. Mais, avec cette analogie de méthode, quelle
différence criante dans la matière et le travail.
Rien n'est plus parfaitement étranger à notre tradition que ces éclats
violents, ces danses frénétiques et intenses, cette candeur instinctive, cette
rantaisie démesurée. La discordance est même si brutale qu'on s'étonnerait
de la faveur tenace qu'obtiennent chez nous les gens de là-bas, si le sens de
tradition était notre seule inclination vive. La vérité simple est que les Russes
nous charment parce qu'ils nous troublent. Ils sont le peuple jeune accueilli
dans la vieille cité, la belle étrangère tombée dans la vie familiale. Et çeuST ^:"T
d'entre nous qui les préfèrent sont les plus raffinés et les plus las. y^J^l^ %
253
iri -èmi.
C'est à l'Opéra qu'ils donnaient audience cette année, et M. Fokine a plu,
après M. Nijinsky, par des moyens dramatiques d'un ordre plus élevé. Mais
pourquoi nous donner chaque année un Fétrouchka semblable à lui-même et
une Schéhérazade moins réussie ?
Quant aux œuvres nouvelles qui ont suscité tant de controverses, il faut
les distinguer grandement des ballets d'autrefois. Je ne veux parler ni du
charmant Papillon où M. Fokine a continué la tradition du Carnaval, ni de
jfîldad, dont les costumes moins heureux que les créations ordinaires de
M. Bakst rappellent les enluminures de Saint-Sulpice ou les tableaux de
Bœcklin. Je pense au Kodslgnol et à l'étonnant Coq d'or.
Il s'agit cette fois d'opéras-baUets
d'une espèce particulière où tous les per-
sonnages sont doublement incarnés par des
mimes muets et par des chanteurs immo-
biles. Que ces chanteurs massés de chaque
côté de la scène — comme deux rameaux
issus de l'orchestre dont ils sont eux aussi
des instruments — prêtent la beauté de
leur voix et l'expression de leur chant au
réprésentant plastique du personnage, il
y a là un procédé qui déconcerte sans
doute, mais un complément certain de sa-
tisfaction.
M. Alexandre Benois a dessiné, pour
le Rodàlgnol, des décors et des costumes
qui font sentir finement la différence de
l'art japonais et de l'art chinois. Pour le
264
Coq d'or, Mlle Nathalie Gontcharova, futuriste russe pleine d'humour, a
composé des images populaires russes brutalement coloriées et animées par
l'imagination la plus inventive et la plus cocasse. La mise en scène
abonde en trouvailles comiques : les hommes qui courent comme des
jouets mécaniques, le cheval du roi, si haut que, pour y monter, on doit se
servir d'une échelle, le grand lion rieur du rideau de scène. .. Vous le voyez bien,
les Russes sont des enfants qui jouent et leurs jeux ne sont pas les nôtres.
Quant à la Légende de Joéeph, s'il faut vanter l'art véhément et généreux
de M. Richard Strauss, qui fut le musicien, et l'ingéniosité somptueuse de
M. J.-M. Sert, qui fut le décorateur, je
suis moins tranquille sur la tendance que
dénonce ce ballet philosophique. Car il
n'est pas vrai que la chorégraphie exprime
tout et suiBse à tout. Joseph et sa danse
pure représentent l'ingénuité et la foi, les
courtisanes et la femme de Putiphar, avec
leurs costumes lourds et coloriés, expri-
ment la sensualité lourde et impure, je
le veux bien.
N'allons pas plus loin et n'imagi-
nons pas que chacun des pas de Joseph
puisse traduire un des moments de son
évolution, et que la moindre nuance de
mysticisme puisse être exprimée par un
saut ou par un mouvement de bras.
L'Allemagne, avec MM. Hofmanstahl et
Kessler, aurait ioi fait de perdre le ballet
255
russe. Un excès d'intentions abstraites et la lourdeur alambiquée d'un
symbolisme confus étoufferaient bien vite cet art raffiné, mais avant tout
ingénu et candide. Ils ont gàié jusqu'à leur interprète. M. Miassine, le beau
pâtre élu de Dieu, reste un peu empêtré dans sa mystique et aucun de ses
bonds, pleins de pensée il est vrai, ne vaut l'immatérialité paradoxale et
profane du saut de M. Nijinsky... Et quand nous sortirons de ces fêtes
asiatiques, pour que la transition ne soit pas trop rude, un tout petit café,
l'Orientai, nous permettra de nous rafraîchir sans sacrilège. Entourés par des
murs doucement dorés, éclairés par de délicats abat-jour jaunes à glands
noirs qui dispersent une lumière apaisante, nous nous assiérons sur des
chaises de bois rouge à coussins violets, devant des tables rouges; et nous
rêverons en regardant, fixé à la fresque du mur, le « Baiser de la Sultane »,
de Schéhérazade peut-être... Tout cela grâce à M. Marty et à M. Guénot
qui ont, pour ménager nos nerfs et prolonger notre émotion, peint,
meublé, éclairé ce petit salon des Mille et une Nuits.
Deééliià d'André E.- Marty.
Lise-Léon BLUM.
LES POUPON
C:24: LS redeviennent à la mode.
^ Ne haussez pas l'épaule,
ils ne l'ont pas toujours
^-j^A été. Au théâtre, l'héroïne
^ >^^ n'avait qu'un enfant quand
elle en avait, et un roman
qui a fait date s'intitulait : <^ Mon/œur,
Madame et Bébé. » Pendant une longue
période, le poupon est resté dans la cou-
lisse , il ne se portait plus, si j'ose
m'exprimer ainsi. Les ménages n'en désiraient qu'un afin
de le voir plus heureux, déclaraient-ils, et trop de femmes
n'en désiraient pas du tout. Calcul d'égoïsme et de fausse
élégance auquel la réahté donne le plus éclatant démenti,
comme du reste à presque tous les calculs humains, le trop
prévoir apportant souvent plus de mécomptes
que le pas prévoir du tout. Ainsi l'enfant
unique, trop gâté, trop isolé, devient rare-
ment l'être unique que l'on rêvait, et celle qui
n'en voulait point ne garde pas l'éter-
nelle jeunesse, bien au contraire. Le
Dieu d'Israël, qui malgré ses exagé-
rations était presque toujours dans
le vrai, faisait bien ce qu'il faisait
en infligeant la stérilité comme une
pénitence; il savait qu'en en frappant
la femme, il la séchait jusque dans son
caractère, qu'il rendait sa maison
^y.
167
triste et sa vie sans but. Le Dieu des
chrétiens est, en termes moins virulents,
exactement du même avis ; il nous Ta fait
connaître par la bouche d'un de ses élus :
Victor Hugo, sur ce sujet, a chanté un
de ses plus beaux poèmes. La maison
sans enfants, quelle tristesse ! Ce n'est
pas que les chers petits ne la remplissent
que de joyeux gazouillis, ainsi que le dit
le poète; le plus souvent ils n'y font
entendre que des cris de colère ou
de violentes protestations; mais ils
y mettent surtout ce quelque chose d'ad-
mirable qui s'appelle la vie, que les
femmes sont faites pour continuer, et
auquel pas une n'a le droit de se sous-
traire. La maternité équivaut au devoir
mihtaire, et il y a autant d'inélégance
à déserter l'une que l'autre. Vous devez
donc, Mesdames, faire votre service dans
l'active, quelquefois dans la réserve, et, quand le
malheur veut que vous soyez réformées, n en pas être plus
fières que ne le sont en pareil cas ces Mes-
sieurs. D'ailleurs, vous êtes privilégiées, un
bébé donnant infiniment plus d'agrément
que la théorie ou le maniement d'armes. C'est
une si adorable chose qu'un tout petit enfant!
ses mains se tendent vers vous avec tant de
confiance, ses yeux ingénus vous con-
templent avec tant d'amour! Vous êtes tout
pour lui: la divinité redoutable qui rend la
iS8
//
(^Jff
y
>\
justice immédiate et sans appel, l'être
surhumain qui apaise la faim avec la
bonne soupe, les pleurs avec le beau
joujou, ce qui câline, ce qui apaise...
Que celles qui ont soif d'amour soient
des mères fécondes, elles ne seront
jamais tant chéries que par un tout petit
enfant. Qu'elles profitent de lui et en
jouissent comme on doit profiter de l'heure heureuse
qui passe trop vite. Ce n'est que tout petit que
l'enfant est à elles exclusivement; plus tard il sera
à des obhgations, à des plaisirs, à d'autres êtres... Ce
n'est que plus tard aussi qu'il
montrera son vrai caractère,
que peut-être vous retrou-
verez en lui ce grand-père
si avare, cette arrière
tante célèbre par
sa coquetterie, la
mère de votre mari
dont l'autorité était redoutable... La
mère s apercevra alors avec stupeur
qu'elle n'a été qu'un bon terrain
dans lequel a germé une graine mys-
térieuse, et que les enfants de son
corps ne sont pas toujours ceux de son cœur. Mais,
quand ils sont tout petits, elle ne sait pas encore, elle se
penche sur le berceau qui, avec le léger sommeil, abrite
tous les rêves et toutes les illusions. L'avenir, l'espoir,
cest ce que représente ce tout mignon bambin trottinant
maladroitement dans le vaste appartement qu'il anime d'une
i^
y
269
autre vie que les animaux qu'il a été de bon goût d'y avoir
Pour une fois, la mode n'est pas paradoxale; chose inusitée
elle est même d'accord avec les graves sociologues qui, en vous
demandant un devoir, vous aident à être au ton. Indice cer-
tain, ce sont les enfants qui, cet hiver, ont fait florès au théâtre.
« Mon Bébé » y a connu le maximum; les petits bonshommes
des Folies-Bergère faisaient un tort considérable aux belles
filles qui les entouraient, et je ne voudrais pas inquiéter
Monsieur Guitry, mais entre nous, Mlle Carlia a eu beau-
coup plus de succès que lui.
Vous voyez donc. Mesdames, ce qui vous reste à faire :
vous mettre au niveau de la loi de trois ans ; en restant dans
les chilfres inférieurs vous manquez de déhcatesse. Et puis,
dites-vous que les cerisiers n'en sont pas moins beaux parce
qu'ils portent beaucoup de cerises, et que les rosiers ne
s'enlaidissent pas à être chargés de fleurs, bien au contraire.
Vous vous apercevrez bien vite que s'occuper d'un poupon
est plus amusant que s'intéresser à un toutou, et que la
Mère Gigogne est, à tout prendre, un personnage infiniment
moins ridicule et beau- coup plus sym-
pathique que celui de ^^^-^ la Mère Michel.
Deddind de ..(j
BoreUi- Vraïuka.
Sylviac.
Ue. Oonsianim viiiys à JLongiii
E carnaval n'est plus, comme jadis, la saison des travestis-
sements, des bals parés et masqués. Le monde ne se décide
à organiser des fêtes de ce genre qu'après avoir épuisé,
semble-t-il, la somme de ses autres passe-temps favoris. La
première de ces réunions qui émaillent une saison et lui
laissent même leur nom par la suite, fut celle donnée par la
duchesse de Gramont, et à laquelle les dames étaient priées
de se rendre en costume à crinoline.
Deux générations, à peine, nous séparent de celle qui vit les femmes
avancer avec ces amples jupes, ces hanches ballonnées, drapées, garnies,
comme le ciel d un lit et, pourtant, lorsque nous feuilletons les lavis de
Constantin Ghys, les gravures de modes de cette époque, déjà si jaunies,
eUes nous paraissent d'un temps plus ancien que celui des justaucorps, de la
fraise ou du vertugadin 1 Nos juvéniles contemporains ont peine à se figurer
que leurs grand'mères aient pu paraître ainsi affublées. Mais, lorsque des
créatures animées revêtent les atours d'autrefois, leur prêtent la jeunesse,
a grâce, la vivacité et les dons qui sont leur apanage, nous nous aper-
cevons que la proportion des garnitures et l'ampleur des jupes, peuvent
donner le change sur le physique d'une femme, mais ne lui enlèvent rien de
sa séduction.
2bi
Si
Mme de Gramont n'avait pas voulu im-
poser aux hommes l'ennui de se costumer*
l'habit de couleur et même l'habit noir leur
étaient permis, à défaut de costumes allant
de i83o à 1870.
Les dames de la cour des Tuileries
qu'Eugène Lami et Ghys ont silhouettées,
celles des fêtes de Compiègne eussent certai-
nement souri de bien des accoutrements que
nous supposions des plus purs au bal de la
duchesse de Gramont. La coiffure est parti-
culièrement impossible à rendre. Il faut des
postiches, que les coiffeurs ne savent plus exé-
cuter comme leurs grands-pères les exécutaient;
les ingrédients en apparence les moins néces-
saires ne sont plus les mêmes et l'ensemble
de ces riens compose des erreurs totales.
La crinoline ne devait point faciliter les rapprochements dans la vie
intime, ni d'ailleurs aucun des mouvements de la femme dans l'existence. Les
dames du bal Gramont semblaient un peu gênées, mais, avec l'admirable
aisance de la femme, elles s'y acclimatèrent bientôt et rien ne serait moins
étonnant que de les voir avant peu quitter les robes entravées pour de plus
vastes juponnages.
Le quadrille qui ouvrit le bal, avec S.A.R.
l'Infante Eulahe, la comtesse Jean de Castellane,
la princesse Murât, la marquise de Ganay,
accompagnées du grand-duc Dimitri, du prince
Antoine d'Orléans-Bragance, du comte de Cas-
tellane et du comte Louis René de Gramont,
par sa pompe surannée, la politesse oubliée de
ses courbettes, saints, révérences, etc.. nous
reportait fort loin du tango et de la trémoutarde.
Amsi, moins de cinquante années ont suffi pour
transfigurer complètement les mœurs dans une
société qui cependant se pique — et parfois assez
justement — de demeurer fidèle à ses habitudes.
Ce bal, par tout ce qu'il évoquait d'irré-
médiable, de révolu, de tout près de nous encore
et de déjà loin, infiniment, ce bal avait sa mé-
lancoHe. Le visage des jeunes femmes semblait se montrer
et sourire au milieu d'un ovale découpé dans un portrait
de leur grand'mère... On pensait au bal de robed entravées
que la petite-fille de Mme de Gramont offrira peut-être
à ses amiçs, vers 1964...
La comtesse de Chabrillan, qui remit à la mode ces
grands bals costumés, avec celui des Mille et une Nuits
qu'elle donna en 1912, a voulu, cette année, offrir
un spectacle tout différent de celui de Tannée der-
nière, qui était blanc et noir — pour obéir ou plutôt
pour donner l'essor à un penchant pour le noir et
le blanc dont on a bien abusé depuis. — Elle
choisit dans l'œuvre de Musset la moins connue
de ses œuvres de jeunesse, la Nuit {vénitienne, qui
permettait de faire voisiner le domaine de la littérature
avec ceux du chant et de la danse, grâce aux intermèdes
que, suivant pour ainsi dire l'indication de Musset dans
le ie:Kie, elle put y intercaler. Sur un décor dont M. Maxime Dethomas
avait exécuté la maquette et surveillé l'exécution : une perspective de canal
s'enfonçant sous l'arche d'un pont de briques fauves, décor éclairé savamment
d'une fluide lumière bleue de nuit lunaire, puis dans le cadre d'une terrasse
fleurie de lauriers-roses, de rosiers et illuminée de lanternes, la comédie
amoureuse et dramatique de
versée de dominos aux masques
Musset se joua, tra-
blancs surmontés du
tricorne noir, et de
personnages qui pa-
raissaient détachés des
toiles de Longhi.
La comédie ita-
lienne, représentée par la du-
chesse de Gramont et le baron
A. d'Etchegoyen : colombine
et arlequin; les danses de
l'époque, interprétées par la
comtesse des Isnards, le comte
Guy de Gontaut et M. André
de Fouquières; la fantaisie,
représentée par une danse
de la comtesse de Lubersac
63
figurant une danseuse de verre de Venise, pas et groupes réglés par le
maître de ballet Staats et Mme Cernusco, composèrent un ensemble digne du
salon où il fut donné et de l'assemblée qui l'applaudit.
Le comte Henri de Mun, dans le rôle de Razetta, pour lequel il s'était
fait, avec une surprenante exactitude, la ièie du poète des Nuité, le baron
Despatys, le baron Karl Reille, le vicomte de la Tour du Pin, le prince de
Croy, M. Albert Flament, qui avait réglé et organisé cette représentation,
composèrent une troupe d'amateurs dont l'inexpérience et le talent se balan-
çaient heureusement et au miKeu de laquelle brilla Mlle Falconetti, jeune
étoile du Conservatoire.
Tous les plaisirs du monde ne sont pas exclusivement vains et dansants;
on y peut danser en collaborant à un spectacle délicieux et rare. Les ama-
teurs sont arrivés à un point de perfection tout à fait curieux : Mme de Cha-
brillan, dont l'originalité consiste, semble-t-il, à réussir chaque année une
fête qui ne ressemble jamais à ce qu'elle put offrir précédemment, et qui est
aussitôt imitée, d'ailleurs, Mme de Chabrillan et la duchesse de Gramont
doivent sourire en pensant aux nombreuses crinolines et à toutes les véni-
tienneries que nous allons voir surgir jusqu'à... juin prochain 1
Deéàinà de Bernard Boulet de jfIoni>eL
et de George Barbier.
F. DE Cange.
AU HASARD...
jr A musique est, en ce moment, une très curieuse chose à suivre. Il s'y
Lj mêle tant d'éléments jadis plus éloignés d'elle, que l'idée me vient qu'il
n'est guère nécessaire aujourd'hui d'être tellement musicien pour la
comprendre sinon ouvert à la pensée et aux impressions artistiques.
Dans le Chemller à la Roée, soirée de fantasmagorie, Strauss peint
autour d'anciennes valses tout un arc-en-ciel de couleurs : histoire de vieille
femme qui aime un jeune homme. Le page cependant préfère la cousine de
son âge. Puis cette rêvasserie se termine par le petit nègre qui vient, corps
de melon, jambes menues, chercher sur la scène délaissée et sombre un
mouchoir perdu. Est-ce la musique, luisante comme une bulle de savon, ou
cette fin rappelant une estampe japonaise qui nous charme davantage?
Dans Y Ariane a Naxod, différentes pièces et différents genres de musique
en un seul cadre rappeUent ces jeux d'enfants multipHables, faits néanmoins
pour tenir l'un dans l'autre.
La nouvelle Feét Ouverture du même maître donne, en dehors de ses
quahtés musicales, une inoubhable, une immense impression architecturale.
Oui, tout cela n'est possible qu'à un génie musical. Pourtant c'est
quelque chose de plus que des harmonies ou même des désharmonies Dans
le Sacre du Prlntempé, de Stravinsky, c'est la nature qui nous parle son langage
à elle, les thèmes sont en partie copiés avec une fidélité d'appareil photo-
graphique sur ce que chacun de nous pourrait entendre si nous y prêtions un
peu d'attention. Et cela nous étonne, nous déroute, pauvres citadins égarés
dans la nature : des sons, d'abord discordants et incertains, annoncent le
printemps qui revient. Lentement il se dégage des bras puissants d'un hiver
de Russie. Une lutte d'abord peureuse et irrésolue, puis il prend conscience
de sa force de soleil et de joie, et l'orchestre se rassemble vers une
subHme beauté.
Ce n'est pas uniquement un problème musical, je le répète, c'est toute
une philosophie. Cela touche au plus profond de notre être, à des secrets
peut-être inexprimables par des mots. Le Sacre du Prlntempé est une œuvre
de foi. Allons-nous y croire?
Téresita de OSA.
^Xf$X©X©X©X©X@Xi§M!|^X!©X!§X©M©X©'
X LA MODE ET LE BON TON X
#X©^©Xf$X@X#X®X©X®X!§X©^@Ki
ATTANT de toutes ses
ailes dans un efiFort su-
prême, comme pour en
appeler aux Divinités
qui ont fixé son arrêt
de mort, la cape ago-
nise. Le mal qui l'em-
porte est de ceux qui
durent puisqu'il est le mal de la vulga-
rité ! . . . Aussi sommes-nous menacés de
voir errer pendant des temps infinis, sur
des épaules misérables ou trop plantu-
reuses, cette parure exquise qui fut celle
des preux chevaliers, et que nous reprîmes
avec tant de grâce par ce printemps
de 1914.
TAILLEE dans un ancien manteau, ce
n est qu'un spectre de cape que promène,
étriquée, la petite ouvrière en mal de Mode ;
c'est la cape encore, poussée au paroxysme
de l'ampleur et de la couleur, que la trop
grosse sous-préfète de Fouilly-sur-Y.. ar-
bore au Bois, en peluche rouge, comme les
rideaux de Mme Prudence.
JE vous le dis, quelque amour que nous
ayons pour la cape et quoique en un coin
de la garde-robe nous gardions tendrement
l'une d'elles, pour quelle occasion? nous
n'en savons rien, malgré cet amour et la
commodité que nous lui reconnaissons.
nous ne pourrons plus, d'ici peu, porter la
cape (si nous sommes une femme chic).
l%TOUS la remplacerons parle saute-en-
barque de i855, ample, court et
flottant, fichant le camp des épaules,
où le retient à grand'peine une cravate de
taffetas noir à pans brodés enserrant le cou.
En toutes cou-
leurs, de serge ou
de grosse soie sui-
vant les circons-
tances, doublé ou
non, le saute-en-
barque sera le der-
nier mot du chic.
]Q)ES volants,
nous en au-
rons jusque par-
dessus les yeux,
petits et grands,
plissés ou déplis-
sés, évasant la jupe
du bas ou, au con-
traire, la bridant
comme une culotte
plissée, jamais nous
ne choisirons mieux
le moment de porter
des volants, si nous
i66
les aimons. Par les riants jours d'été, en
linon blanc ou rose, voyez-vous rien de
plus vaporeux et frais qu'une robe de
mousseline à trois volants festonnés avec
corsage à fichu ?
T
OUT l'été et tout l'automne nous revi-
vrons l'époque simple et candide des
héroïnes de Balzac ; il n'est pas jusqu'au
cabriolet que nous leur
reprendrons avec le
châle que, pour con-
tenter notre goût d'ori-
ginalité, nous porterons
en soie noire brodée
d'une guirlande de lau-
riers ou de chêne d'ar-
gent. Par les rubans,
encore, que nous re-
trouvons sur tout et
partout et qui sont cette
année en plein triom-
phe nous revivons
cette jolie époque.
T ES petits costumes
Norfolk k ceinture
de paille ou de spar-
terie seront en toile
ou en flanelle rayées
de couleurs vives sur
fond blanc, mais dès
a présent ces costumes auront leur jupe
faite d'un seul grand plissé très court,
car c est là le signe le plus caractéristique
de l'année, nos jupes devront être, pour
être chic, extrêmement courtes.
^^USSI, combien jolies les robes très
habillées qui ont des jupes de tulle
superposées et bordées d'une petite ruche,
posée sur un fond de soie étroit comme un
tuyau et court, bien
au-dessus de la che-
ville... Il semble, en
les voyant, que telle,
ainsi vêtue n'attend
plus que le maître
à danser!
T E chapeau aux
grandes ailes
plates ondule poé-
tiquement sur la
plupart des visages,
si simple, si peu
chargé, à peine pi-
qué d'une fleur, sym-
bole reposant de la
fatigue imaginative
de la dernière sai-
son... sans doute.
I E plus en plus lâ-
ches, les gants
restent longs même avec les manches très
longues; de plus en plus petits, les souliers
se renouvellent avec chaque heure du jour,
et ils sont tous plus nouveaux, plus char-
mants, plus prétentieux les uns que les au-
tres. Plus spirituels aussi pour certaines,
ils peuvent être une revanche, et dans les
petits pieds agités nons retrouverons ce
qu'en vain nous cherchions dans leur physio-
nomie !
Du maquillage ? Toujours, plus que ja-
mais.
Des voilettes? Seulement les jours de
soleil, longues et flottantes, en gaze de
couleurs violentes, ce qui avec le saute-
en-barque sera d'une évocation a faire
tressaillir l'âme de Barbey d'Aurevilly.
NADA.
Deéélnd de U Auteur
^#^
EXPLICATION DES PLANCHES
PI. 62 . — Cdk robe, pour k jardin, se compose d'un fourreau drapé de crêpe de Chine et
d'une crinoline ïaiîonnée à ifolanls de tuUe.
PL 6Z. — Hobe pour le casino. La lunique, en tulle, est bordée de fourrure; la jupe,
drapée, est en charmeuse et la cuirasse, formant corsage, en jais.
PI. 64. — Madame Tamar Karsai)ina dans ''le Coq d'Or" de lZimsky-Horsako%
costumes et décors de Nathalie GontcbaroiDa, qui -Oient d'être donné, par la troupe russe, à l' Opéra,
PL 65. — Scène de la Légende de Joseph, ballet donné à l'Opéra par la troupe russe,
sur la musique de Richard Strauss, a-Oec les costumes de Bakst et dans les décors de J.-M. Serf.
4-
PL 66. — Ce costume de nourrice est tiré des habillements des paysans dalmates. La robe
est en bure bordée et garnie d'un galon de laine, et la chemise en toile écrue.
PI. 67. — tZobe de Paul Poire t interprétée par le peintre Boussmgault.
4-
PL 68. — La jupe et le grand ifolant de ce costume tailleur de "Worth sont en serge bleue.
La tunique est en taffetas; l'effet de gilet et le col .sont en piqué blanc.
4*
PL 69. — De Chéruit cette robe du soir en tulle noir bordée et garnie de smge.
PL 70. — Robe d'été de Dœuillet. Le fond est en tulle noir recoui^ert par deux isolants
de tulle incrustés de broderie. Le corsage, en tulle et broderie, est retenu dans une ceinture rose
de Chine.
4*
PI- 71 • — ^<'ll<^ robe d'après-midi de Douce t se compose d'une double Jupe à empiècement
formant redingote, en taffetas bleu et d'une haute collerette froncée, également en taffetas bleu.
Le corsage et la jupe sont en tiberty blanc.
4-
PL 72 — Yoici deux robes d'été de Jeanne Lanifin. La robe de jeune fille est en linon
blanc brodé de soutaches, ai)ec une ceinture perlée sur taffetas. La robe de fillette est en crêpe de
Chine bleu et en serge blanche, aHec une petite broderie bleue.
tmp. G. Kadar. Lucien Yogeh Directeur-Gérant.
PIRE..
Robe de parc
SUÎS4E BELLE CE SOIR?
.ote pour le casino
n
n7 /:.
LA LEGENDE DE JOSEPH
ocèîie dlu II acte
Jc^Z^tn-^IE:
LA TENDRE NOURRICE
!~
a
f
jis
LA ROBE BLANCHE
.obe Je Paul Poîreé selon BoussingaTLilé
LE PAYSAGE ROMANTIQL^E
l^ostume tailleur de Wortli
RIEN QU'U
âGE
.obe du soir de Oliéruit
il
Tuille^Q^^^^^P
LE CYPRES ET LA ROSE
Rote d'été de Dœuillet
/
GM H„ D,.„ ^^■■■ y.
fuaiet ifii4. - PI- 70
L CHAPEAU FAUT-IL METTRE?
jK.oi3e a après'=^23iiaî de Doucet •
VIVE SAINT-CYRÎ
.olbes a été de Teaniie Lanvin
jl^f^ du Bon Ton. — r^- y
Juillet 1914- — ^'' 72
I3fc.
•-Ji:2«fc
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la vj-azette du Bon
et la Cruerre
on
A huitième livraison de la deuxième année de
la " Gazette du Bon Ton " était sous presse
quand éclata la grande Guerre. Ce fut un
vide soudain, un arrêt complet de toutes les
activités. Nous dûmes subir le sort commun.
n quelques heures, la plupart de nos collaborateurs avaient
'•ejomt leurs postes.
Copyright June jpij by Lucien Vogel, Farté.
Depuis cette époque, nous ne songeâmes point à
reprendre la publication de notre Gazette. Pendant quelques
mois, personne n'eut d'autre souci que celui du front. Et
cela n'était certes point sans grandeur.
Mais lorsqu'il fut avéré que la France, échappant au
plus grand des périls, marchait vers la victoire certaine
alors renaquirent quelques-unes des préoccupations qui nous
étaient les plus familières. La coquetterie des femmes
ébaucha son délicieux sourire. La '' Gazette du Bon Ton"
n'était point sans observer cette résurrection déhcate. Pour
reprendre son cours interrompu, seule, une occasion lui
manquait, mais qui se présenta bientôt sous la forme la
plus heureuse : la participation officielle des grands couturiers
parisiens à l'Exposition Internationale de San Francisco.
Du moment que les maîtres de la Mode affirmaient
ainsi leur intention de ne point abdiquer, du moment qu'il
leur paraissait opportun de manifester auprès de nos amis
d'Outre- Atlantique la persistance de notre bon goût, nous
n'avions plus à hésiter nous-mêmes. Et ce double numéro,
qui leur est consacré, a également pour but de montrer ce
que la France a fait et ce qu'elle peut faire dans ce sens,
malgré l'inopportunité apparente des circonstances.
Ce n est pas une des moindres curiosités de ces temps
extraordinaires que de voir une capitale (dont les armées
ennemies avaient si prétentieusement décrété l'investissement
et la rume), continuer à dicter de par le monde, en pleine
effervescence guerrière, les pacifiques décrets de l'élégance.
C est en cela que consiste, à notre avis, la signification
de l'effort accompH par nos couturiers à l'Exposition de
San Francisco.
On pourra, en feuilletant ces pages, se rendre compte
de ce qu'à pu réaliser le goût français pendant la guerre
de 1914-191^- Ceux qui ont encore dans les yeux les
silhouettes à la mode le printemps et Tété dernier seront
surpris de la difiérence. Ce je ne sais quoi d'agressif, de
criard, que nous laissions passer par une sorte d'indulgence
indifférente, a enfin disparu. Et nous nous retrouvons dans
une atmosphère plus discrète, et tout à fait française.
Mais cette différence, pour nette qu'elle soit, ne signifie
pas une rupture complète de notre tradition de la mode.
Comme on s'en rendra compte au contraire en feuilletant ce
numéro, il s'agit surtout d'une réforme dans l'accessoire. Nous
avons élagué tout ce qui, en se surajoutant à la ligne pri-
mitive, en altérait le contour délicat. Mais cette ligne
sacrée persiste. Ainsi nous avons sauvé ce qui méritait
d'être sauvé, c'est-à-dire la pureté du galbe, dogme primor-
dial de l'élégance.
Nos abonnés s'apercevront que ce numéro diffère légè-
rement des précédents. Mais ils se rendront compte des
difficultés que nous avons eues à surmonter en pensant aux
vides creusés par la mobilisation dans un journal dont tous
les collaborateurs, tant rédacteurs qu'artistes, sont de jeunes
nommes. Cette sobriété, ce n'est point seulement la
nécessite qui nous y a contraint, le bon goût nous en aurait
tait un devoir. Après avoir été le miroir complaisant de la
frivolité de naguères, il convenait que notre Gazette fût
rexpression de la gravité actuelle.
Ce fascicule, numéroté 8 et 9 (été 1916) viendra se relier
a la suite du numéro 7 de l'année 1914 et sera complété par
es numéros 10, 11 et 12 pour former un volume 1914-1916.
La Rédaction.
CEPENDANT qu une partie du sol fran-
çais est encore occupée par len-
vanisseur^ Jraris reste toujours le Paris
au Jjon (jroût et Je la JVLoae.
JVjLalgré les glorieuses épreuves oe la
(aruerre;, afin quil conserve sa place
accoutumée dans toutes les Expositions,
les grandes maisons de couture suivantes
ont envoyé à oan xrancisco leurs créations
les plus nouvelles.
Béer ♦ Callot * Ckeruit ^ Dœuillet
Uoucet ^ Jenny ^ Jeanne Lanvin
Martial & Armand ^ Paquin ♦ Premet
Wortk
Lâd moBèUà deé Couturierà dont groupée à L'Exposition éoué leô tilreà:
Vichy - Longchamp - La Côte d'Azur.
Nouà Leé avoné reproduite danà noé planches horà-texte éoué la
même dééig nation,
^ '^ ' I ■■ u ^MM.J s :i 1. 1,1,, Ml. PI,,,., , ï \
r^^:sp!^
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iJ COUTUME DE PARIS
^ j)rintempd de ic^ij^ comme chaque années^, la mode
edt apparue en FranccJ), malgré Led hadardd de
La ^uerrej?.
De ijg2 à 181 j, jyendaiit la série ded Immen^ed
confllU sudcltéd j)ar l'esprit de^ encyclopédldteéU,
j)ar l'exemple de Franklltu, de W^a^hln^to/Lj, de LafayettcJ), j)ar
l'audace de la Résolution et l'élan de sed armées, Parld na-t-ll
J)a^j de memtJ, eu sed raffinementd et sed modcèu ? Il en subdldte
tant de ^ramrcd amudante^^ Indplratrlce^, hier encore^ ^ de nod coutu-
neréu, un siècle apréd Valmy, JV^a^ram et W^aterloo.
i^n efeu^, la mode cedt l'art d'é^oquer^ sur un corpd de
miple créaturcjy, touted led rlcheddcd de la planetcJ, led j)lerrerled
oc sed mincéu^ led lalned de sed troupeaux^ ^ led tfourrured de sed
o-auH(b, led soled de sed chenilles, led llnd et led cotond de ses
Jtante^^ led jyluma^cd de sed oldeaux^^ led j)erled de sed mer^j. Sur
^ne belle Jemme heureudement j)aréej>y toute la terre se rédumej?.
l^lJnwerd et Vénud sépoudenUj. Ild brillent endemblcJ). Selon
^^pnt d'une jendée su^^edtwes>, chaque année le ^out de Parld
*^
se j)rononceJ>, comme il se j)rononçalt aux xvw et xviii^ slecleé
déjà, cjuand Led marchander de « ^randr habltd » s'en furent à
jjiodcou derrière le retour de Pierre le Grand j)our étonner Ué
épouded de boyards, j)Our led com^ertir à L'esprit qui rendit Catherine II
amie de Diderot^, de FalconneUj, de jKiranda, de la jyenM un'wer-
dellei:>, de l'art finj, de l'action mondiale qu'engendra l'encyclopédics>,
Ai>ec leurd bonnetd de tulle, nod Paméla ont coiffé ler têted et lu
intelligences ded nations. Notre midinette ne saurait Jaillir à la
tradition de ses aïeulcéU,
Bien à tort l'on pendaiuj, amnt la ^uerrcj), que la m
socialej?, tout à coup, s'arrêterait au j>remier son du tambour
coni^oquant led grandes nations de l'Europe pour la trafique épreuve
du xxe siecles>. A Paris mêmcj?, l'erreur, quelque tempéu, j)rédo-
mtna. Les banques jyrétendirent surseoir au crédita. On tarda
beaucoup trop à remplacer j)ar les hommes mùr^u, j)ar les réformée,
j)ar les J^emmes, ceux que leur jeunesse robuste vouait à l'honneur
de combattre:). Bientôt on s'aperçut de la Jaute commises. Lcé
banques ont repris leurs initiatii^e^. Les ateliers, les uslne^u, lu
manufactures se sont remplis afin de poun^oir les armées de muni-
tions, de mres et de {Vêtements. Le tier^u, la moitié, les trois
quarts des industries ont recommencé d'agir.
Et voLci qucj>, j)our le j)rintemps, la renaissance de la m
sociale apparaîu.. Trop d'héroïsme a donné l'exemple:), sous lu
étendards de tous les j)euples. Il seyait vraiment qu'à l'intérieur du
^jyatnes, les non-combattants fissent jyreuve d'énergies, à leur tour.
Il en Jut ainsi Partout on s'est remis au tramil. Le goût juge:>.
De la cwdisation créatrices, de ses raffinements subtils, quel
^)5>^^M>^^M»^^^
en
ère
témoignage j)liié efectlf que La modej)? Son rôle n'e^t j)aiu,
notre tempiu, de signaler la beauté corporelle.?, comme dand U.^
antû/u^, maû j)lutot d'enseigner le genre d'esprit élu j>ar le ^oàt
ded aridtocratieiu. La mode est spirituelles», narquoises), IronlqueJ.
Elle déformes). Elle travestit^. Elle allonges). Elle taises. Elle
chlfoiincs». Elle masques. Elle unit l'être à l'amblances. Elle le
sépare de l'univereu. Elle est synthétlstes. Elle est Individualistes.
Elle j>rône tantôt la vigueur saine?, tantôt la fragilité délicates.
Elle conseille la joie ou la réi>erUs>, ou l'ofenslves, ou l'efface-
ment^, ou la parades. La mode c'est le signe de l'esprit que se
mit l'élltes, durant une saison^.
Cette élite j)ouvalt-elle manquer de caractère en ce momeni^ ?
Points. La mode ^féminine qui se Jorme à Paris i)lent d'y naître
comme chaque j)rlntempiO.
En boléros courts ou longues redingotes de drap sombrer, tombant
à jIls netio, les élégantes ont surgi. La guêtre claire étrelnt la
cambrure du jjled, la finesse de la chenlles, à moins qu'une botte
de j)eau lacée ne les enveloppe haui^, sous la jupe courtes. Toque
ou bomiei^, la colfure s'enfonce pour résister au vent de la cam-
pagne?. Quelque chose de j?ratlque et de crânes, de favorable à
la marche que gênent j)eu l'ampleur des étofes sur les hanches,
'Tur le buste?, et cette échancrure du large col libérant la serges.
Cela, et qui se nuance?, et qui se diversifie de mille façomu, c'est la
mode neuve de i^ij. Paris a créé dans l'héroïsmes, son élégance
^ M guerres, une élégance allègre et sportives?, dégagées, permettant
«« geste toutes les alscio, dùt-ll relever de malheureux blesséth,
ou menu brandir une armes.
Et cette modejf, jfar chanccj>, semble esthétique autant que
splrltueLicJ>. Les plumed roided de tel chapeau en forme de cadque
lui font un cimier gaulouu. La dame incline à paraître guerriercj).
Du moin^, si elle écarte le ridicule de l'être^, elle suggère l'élan de
la force saine et prêter. La i^oici.
Ne coni^enait4l paéu, en effei^, que Parid s exprimât comme de
coutumeJ>. PariiU, centre de réunion permanent pour cette aristocratie
que composent la diplomatie de tous les empirer, les familles histo-
riques, les intellectuels ^lorieux^, les beautés célebrau, les artistes
illustrciu, les ministres éloquentiu, nés sur tous les points de la
planète, et contents de mre ensembles, malgré la dis^ersitéde leurs
origines, afin d'échanger leurs espoirs, de confronter leurs préfé-
rences? Paru s est exprimé, comme tous les ans, par ses élégances
spirituelles et opportunes, jyrestige extérieur des élites qui les
adoptenu., Paris démit au monde cette jyreu^^e de son incorruptible
vitalité égale dans la guerre comme dans la paix^. Puisque le
^out des Latins combat la barbarie tudesquej>, il était bien que
Paris proposât la mode ce printemps, comme d'habitudes ; nest-.
pas "
ce
?
Paul Adam.
EN SUIVANT LES OPÉRATIONS
VICHY
^. iCHY s'est placée au cœur de la France pour y
accueillir les nations. Elle offre à ses hôtes de
l'univers le joli sourire de ses paysages extraor-
dinairement aimables. C'est la plaine ondulée
que bordent ici des collinettes avenantes et
obstinément printanières, qui s'appellent le plus gentiment
du monde les monts de la Madeleine. Et pas très loin, des
montagnes qui forment fièrement le Massif Central et qui
sont aussi hautes qu'elles peuvent, mais qui se
baissent pour vous recevoir... Paysage sans violence ;
de la modération, de la douceur. Et c'est charmant
ainsi et cela attire et cela retient. Et la ville
prospère, gaie, toujours brillante de jeunesse,
s étend aux bords d'une rivière ample, et
^ qui voudrait bien s'attarder avec noncha- ^^
^^ lance. Le soleil radieux illumine cette
nature heureuse...
1 1
Nature heureuse, vie enchantée. Dans cette
fête des palais, des jardins et des fleurs, celui même
qui souffre espère. Tout lui dit d'espérer... Il y
a trop de joie autour de lui pour que il n'y en ait
pas bientôt en lui. La terre et le ciel ont prodigué
leurs séductions irrésistibles. Voici que la vie
mondaine multiplie ses attraits incessamment renou-
velés. La nature n'est qu'un décor où la pièce se
joue. Le beau décor, la ravissante pièce! Toute
d'élégance et de finesse. Si ingénieusement ornée,
parée avec un goût adroit et sûr! Ici triomphe la
femme et elle n'a nul besoin de s'y exercer; car la
nature déjà s'est mise en frais de coquetterie pour
que la femme plaise, et il suffit que la femme soit
elle-même et qu'elle révèle tout le luxe harmonieux
et qui sait même être si délicieusement simple ! . . .
«
1» »
On dit : Vichy : ah! l'époque facile, légère,
frivole du second Empire, l'époque de
l'opulence universelle et du faste innocem-
ment étalé partout, l'époque où les plaisirs
se croyaient effrénés parce qu'ils étaient
infatigables. Napoléon III, l'Impéra-
trice Eugénie, les Dames de la Cour
qui par une merveilleuse rencontre des
circonstances étaient toutes jolies
les sémillants cavaliers de parade
qui étaient aussi des officiers vaillants et n'avaient
point souci du lendemain tant le jour qu'ils vivaient
étaient agréable à vivre; l'époque où des boulever-
sements se préparaient en Europe, mais où chez
nous le couturier détrônait la couturière, où les
ombrelles étaient toutes petites, minuscules les
chapeaux féminins, mais où, par une juste compen-
sation, les jupes étaient démesurées, l'époque où
la crinoline elle-même était belle, l'époque où les
femmes étaient ravissantes en dépit de la crinoline
elle-même... voilà la grande époque de Vichy, de
Vichy voilà la splendeur incomparable!
Non pas. Et je vous dis que tout le passé de
la sociabilité française se rassemble à Vichy. Sans
doute Napoléon III y séjourna souvent parmi des
fêtes étincelantes ; mais proche de Vichy est le
château royal de Randan. Il appartenait naguère
aux tantes de Louis XVI, mesdames Adélaïde et
Victoire. Mesdames venaient à Vichy et n'y venaient
point seules. Elles étaient moroses; on ne l'était
point près d'elles. Déjà l'on riait à Vichy
en bonne compagnie de seigneurs insouciants
et, d'aventure, folâtres ; de tous temps on
y guérissait. Vichy était en vogue sous
Henri IV. A Vichy, Madame de
Sévigné avait beaucoup d'esprit. La
Société s'y faisait « distinguée », un peu
vaine de sa distinction même. A
Vichy on devisait galamment
d'amour et de tout ce qui se rapporte à ramour, c'est-
à-dire de toutes les choses imaginables. A Vichy se
formaient des cercles aristocrates et mondains et déjà
s y empressait l'Europe. Napoléon P"^ s'occupait de
Vichy comme du reste de la terre Et l'œuvre
d'autrefois se continuait et nous la couronnions.
Vichy avait tous les prestiges. Il lui manquait le prestige
du sacrifice. Il la. Vichy est le grand centre où les blessés
de la guerre recouvrent la santé. Transformation totale
réalisée avec cette méthode française qui a la supériorité
de n'être pas indiscrète ! Les âmes se transforment aussi.
Les triomphatrices de la vie mondaine se sont faites les
héroïnes du dévouement. Elles soignent, elles réconfortent;
et leurs paroles sont consolatrices. Demain, nouvelle méta-
morphose, et prodige nouveau. La sensibilité a rajeuni la
grâce et le rayonnement de la bonté se prolonge encore.
Dans la quiétude de la paix reconquise par la victoire, les
femmes reprennent le droit d'être d'abord charmantes ; les
modes de Paris leur prêtent un concours à nul autre pareil.
Aux beaux jardins de Vichy le monde savoure l'amicale
douceur française... J. Ernest-Charles.
ATOUR
IMPLES
E serait une erreur de croire que Thorrible temps
de guerre ait paralysé la création de la Mode
française. Si, comme il est naturel de le cons-
tater, Paris eût à interrompre sa vie élégante
pour une existence de retraite et de dévoue-
ment, du moins pour l'étrangère la France a guidé et décidé
de la forme et du goût pour tout ce qui concerne
sa toilette.
En Amérique, en Angleterre, en Espagne
^t en Italie, nous n'avons jamais cessé de faire
entendre notre parole, et comme il était facile de
le prévoir, l'Exposition de San Francisco a été
1 occasion d'un nouvel élan, d'une réalisation
aamirable, à laquelle tous les succès répondront,
i^a formule de la Mode est renouvelée, il
semble que le désir de paraître femme et rien que
Botte de Greco
i5
femme soit Tobsession de toutes celles qui
consentirent, un temps trop long, à figurer
Sémiramis, un éphèbe, ou... César, indistinc-
tement. "JVLais, où sont les neiges d'an tan" SouUer de Ducerj
et il serait difficile de rencontrer, à Theure de tant de
douleurs vivantes et environnantes, autre chose que décence
retenue et goût parfaits.
La personne la plus frivole représentera 1 ame de
notre pays, âme instinctive mais senti-
mentale et recueillie, dont tous les actes
de la vie sont réglés par la marche des
événements, et qui, si elle a pu, un temps,
nous figurer la femme d'amnù la catadrophe,
; a repris désormais le véritable sens de sa
/' vie d'intelligence et de dévouement.
Telle femme, dont l'hiver aura été
surmené par les soins quotidiens à l'hôpital,
recherchera dans une simplicité de
mousseline angéhque et écourtée, la
représentation de son état-d'esprit ;
limpide dénuée de toute attirance
frivole. Dans la moindre de ses coquet-
teries, on trouvera la femme âîapred
la guerre et ce sera pour notre Société,
au double point de vue éthique et
esthétique, un retour à la pureté et au
goût essentiellement français . Car ce
fut, de tous temps, l'apanage de notre
race, que cette élégance faite de rien,
Robcd. ^^^ P^s d'une forme de robe plus
Martial et Amtand Qu moius compHquéc ui chargée, mais
>-'-
de cette grâce souple ou hautaine, suivant le
moment, émanant beaucoup plus de Tâme de
la française que de son corps, qui ne fut ni
Soutier de Ducerj Jgg plus bcau, ui dcs plus parfait, comme au
contraire on le reconnait si nettement dans d'autres races.
La femme et le couturier, dans une entente parfaite,
ont de nouveau identifié la femme et son
vêtement, et c'est ce qui charmera nos
heures de détente rêveuse, lorsque cet
été nous verrons défiler les jolies femmes
de France, dans ces robes faites de
soie unie, à peine froncée aux hanches
et spirituellement dégagées des
chevilles; on sentira qu'elles sont
prêtes à courir, à porter ici et là la
bonne parole; que leur taille est
souple, sans emprise, afin de pouvoir
se pencher sur celui qui souffre et le
consoler. On sentira aussi qu'elles
nont rien omis pour être jolies, parce
que leur sillage doit être lumineux et
riant, afin de laisser une image de beauté
partout où elles passent.
Le cover-coat et la gabardine à
jupe courte, avec petite veste de fantaisie
ou redingote s'envolant, légère, au mou-
vement de la marche, voilà ce que por-
teront, pour le matin, les femmes les
plus élégantes. La taille se maintiendra
longue et sans courbe, car nous aurons
gardé des modes orientales de ces der-
Robe ()e
g! m
Callol
17
nières années, le goût des enroulements lâches,
laissant au corps la liberté de ses mouvements.
On nous propose les cols très hauts,
la plupart montant vers la nuque, d'autres
entourant le cou dans un instrument de
supplice; cela devait arriver après les décol-
letés outrés de Tan dernier, mais je ne
crois pas encore au retour du " carcan " ; la
femme est trop soucieuse de ce qui la dégage
en Tembellissant, voilà pourquoi longtemps
encore, nous ne verrons les cols très hauts, que
disposés derrière la nuque — heureusement.
Dans la série des robes simples du matin
j ai vu une robe de taffetas argenté bleu clair cbapeau 9e Canuiu Roger
toute unie, qui donnera une impression inoubliable. Avec
son col "Franz Halls'' indépendant de la robe
ouverte aux épaules, qu'il vient auMrider si le
mot peut mieux faire comprendre ma pensée...
Je vois aussi un tussor "lin" brodé d'écru,
dont les cotés de jupe pHssés semblent battre
«Pavillon d'Elégance».
Et cette légèreté de mousseline blanche aux
broderies de fils d'argent et de soie blan-
che, mièvres et recherchées, dont le col
« Prud'homme » semble venir
rappeler que le bon sens est
la marque de fabrique du
génie français !
Blanche encore, une
mousseline brodée dont les
ganses disposées en rayures
SANS SA VOITURE
IL PLEUT ENCORE...
Tailleurs Je Paqum. Lanvm, Dœxiillet, Manteau de Faquin
et
font un second tissu plus ferme, le tout ,^^3^^
enserré à la taille par un large ruban v.
pékiné. Dans chacune de ces robes ' ^ '.
nous trouvons un parfum nouveau • \ ^S-^
cette robe de crêpe français « tilleul » inégale- ^A
ment taillée du bas et chastement voilée de N^
deux draperies se croisant sur la poitrine,
rappelle quelque immense parachute en papier léger et
opaque.
Les fleurs de métal que je retrouve un peu partout;
les boléros de taffetas sombre couvrant à peine le buste;
,^ l^s chapeaux souples et généralement
# faits de deux sortes: paille et crêpe
, ;^^ tout est modeste, élégant, sans effets,
j^C^ Y . caractérisant cet arrêt dans Teffort,
V^/ lA V<^'' funeste à toute conception de mode.
Il y aura toujours une recherche
X V ^^^^ ^^^ détails, blouses et garnitures,
mais cela nous le voulons puisque c'est
Tindice du raffinement et de l'élégance
véritables, de même que pour nos
dessous plus visibles encore avec les
robes courtes. Ils seront de mousseline
! de soie d'un seul ton, s'assortissant avec
1 1 W\ \ \ 1^^ chaussures et les bas, et le jeu en
\\\y\ sera aussi varié que le nombre de nos
robes, afin d'en harmoniser les valeurs
y '- avec l'heure et la circonstance.
La voiture ayant été supprimée
^ de la vie de bien des femmes depuis
^ de Faquin la gucrrc, il était à prévoir que le
m^
,.,^,
costume trotteur allait bénéficier d'une
vogue et d'un succès particuliers, aussi
a-t-on créé mille fantaisies, impirées des
uniformes et de ce qui est du domaine de
la simplicité pratique : cow-boys, chasseurs,
coureurs, etc., etc. Il y a dans tout cela
à prendre et à laisser, et j'ai vu quelques
vestes copiées sur les dolmans des officiers
français, en campagne, qui, de même cou-
leur et de même coupe, étaient de ce
joli bleu, infiniment pratiques.
Il suffit d'une jupe plissée et d'une
veste de la sorte avec col et parements
de mousseline ancienne, pour donner
le plus joli costume du matin.
Quant au costume kaki : on
ne l'a que trop porté, place à
d'autres, maintenant.
Jusqu'aux journées très enso-
leillées de Juillet, nos chapeaux
resteront extrêmement petits, et
les fleurs y joueront un grand
rôle; mais, floraison très nou-
velle, beaucoup seront en por- ^1
celaine, d'autres en perles.
Nous ne verrons plus d'ai- ^
grettes ni de plumes insolentes,
marquant, tel un billet de ban-
que, la valeur du couvre-chef ;
m '^mu
cell
es-ci nous apparaîtront
encore, mais comme rongées, Robe de Béer
■y
G.B.
I
Robe de Paquiii et cbapeaii de Lew'u
Chapeau
de Çeorgette
brûlées, que sais-je, éclopées
enfin, comme pour être dans
la note !
La paille de copeaux vernis en
toutes couleurs, va répandre sur la ville
une nuée de bonnets très simples, carrés
du haut et bordés d'un galon de perles
rondes assorties à la paille. Les formes
seront la plupart du temps imprévues
quant aux tricornes pour lesquels on se
passionne, mais qui n'ont plus rien du
tricorne après que le caprice de
chacune y a passé.... c'est un cornet, un sifflet, dont
les pointes ressortent aux endroits les plus inattendus.
Nos cheveux seront enroulés et drapés comme la
soie, la plus souple des étofies, afin d'y poser sans
effort le plus petit comme le plus onduleux des
chapeaux; pas de voilette en général; seul le voile du
maquillage nous laissera croire à une confiance et une
espérance constantes... c'est mieux ainsi, de même que
la botte fine et souple à talons modérés, nous
donnera l'impression réconfortante que la femme
trotte sans fatigue, et non plus perchée sur des
talons, hauts comme des «pâli».
Le sac de soie ou de chevreau, chiffré de bril-
lants trouve un rival dans la grande bourse algé-
gerienne, faite de tissu exotique et suspendue au
bras par l'anneau de Jade que les femmes
portaient en bracelet depuis plusieurs saisons.
Le gant souple des Cadetd da Gascogne, et
1 en-cas à manche précieux, compléteront
«4
ATTENDAIT PLUS OUE VOUS!
Robes àe midi de Cliérult. Martial et Armand. Wortli, Jenn;
réquiqement matinal de la femme qui, en ce printemps de
1916, conserve avec une enveloppe de suprême élégance, le
frisson angoissant de l'attente.. .
Pour tromper cette attente, elle s'occupera plus que
jamais de ses enfants, ce peuple de Primitifs adorables,
aux sentiments dénués d'artifices auxquels nous devons de
répondre à leur état d'âme, par des simplicités analogues.
Par exemple, cette aube de mousseline et tulle brodés
sur fond de taffetas bleu passé, d'une allure si candide...
et ce fourreau de marceline « chair » brodée d'argent, véri-
table chemise givrée de l'Enfant-Roi.
Nada.
Deddi/ij de Georgeé Barbier.
Robeé de Preniel tt Paqu'in
LONGCHAMP
I r Ouest de Paris la rive gauche de la Seine
est une plaine verte. Là s'élevait jadis une
abbaye où il était de mode de venir le Ven-
dredi Saint. Cette pieuse promenade mit
d'abord Longchamp à la mode. Il ne reste
plus aujourd'hui rien de l'abbaye. Un moulin enveloppé
de lierre n'est plus qu'un ornement dans le décor. Mais
au cours du xix« siècle, un champ de courses fut établi
dans la plaine. Et les Parisiens, dont les pères étaient
venus à Longchamp par pénitence, y vinrent à leur tour
voir courir le Grand Prix.
11 faut se représenter par un beau jour de printemps,
un champ de courses à une des grandes réunions de
1 année. On entre et on a d'abord l'impression
dune garden party. On voit des pelouses, des
arbres, des chemins qui serpentent, des gens
a^ssis et d'autres qui se promènent. On M^
27
r\
est à la fin de mai ou au commencement de juin. Le
feuillage et le gazon ont des couleurs vertes et vives.
La lumière et le ciel ont un air de jeunesse. C'est ici
qu'on vient essayer les modes nouvelles. Les étoffes
légères, les dentelles, les couleurs claires se dispo-
sent en aspects changeants. Une année, tbut est blanc
et noir. Une autre année, toute la gamme des bleus sera
comme un champ de fleurs sur la verdure. Nous avons
vu des robes étroites, et d'autres qui retombaient
droits comme des dalmatiques, et d'autres qui se
gonflaient en bouillonnes; des robes longues, des robes
courtes, des robes fendues. Cela change d'aspect non
seulement de mois en mois, mais presque de semaine en
semaine. Une fantaisie inépuisable renouvelle à chaque
instant les formes, les parures, les inventions, les
caprices. On est assis, on regarde, et toujours la figure
humaine apparaît, arrangée à nouveau. Alors un essaim
de dessinatrices jalouses prennent sournoisement des
croquis. Des photographes tournent autour des groupes.
Il n'y a presque personne, homme ou femme dont le
nom ne soit célèbre et qu'on ne puisse citer. Le talent,
la beauté, une race illustre, un grand état de monde
ou de fortune composent ici une sorte de gloire.
Cependant, on voit devant soi une file de hauts
bâtiments interrompus par places; on passe entre eux,
et on aperçoit un spectacle nouveau. Une immense plaine
s ouvre devant vous. Une pente douce conduit
BOUQUET TRICOLORE
aux barrières qui la ferment. Cette pente est couverte
de chaises, lesquelles ont ce caractère particulier qu'on
sy assied et qu'on monte dessus tour à tour. Les gens
ont des lorgnettes et regardent vers la plaine. Les
grands bâtiments que vous avez vus tout à Theure de
revers et que vous voyez maintenant de face, sont
remplis de gradins, qui sont couverts de monde. A
rhorizon au bout de la plaine vous voyez une autre
foule encore ; ce sont les spectateurs des moindres
places, les gens de la pelouse. Au loin sur le ciel s'élè-
vent des collines bleuissantes.
Tout à coup, sur la plaine verte, vous voyez
arriver à toute allure une ligne de chevaux et de
jockeys. Une cloche sonne; une grande rumeur s'élève;
le galop finit en ralentissant et les dernières foulées
s achèvent devant vous. Mais aussitôt tout le monde
tourne le dos à la piste. On descend des chaises, on
met les lorgnettes dans les étuis, on se précipite vers
les baraques où se font les paris, ou va se promener.
Cela lait un brouhaha, au milieu duquel on voit len-
tement passer les chevaux.
J'ai revu cet été Longchamp pendant la guerre.
IJ immenses troupeaux de bœufs roux paissaient sur
les pelouses. Mais la piste est intacte. Ces bœufs
eux-mêmes ont à l'automne émigré vers les hauteurs
voisines.
Aujourd'hui le champ de courses célèbre
•i
01
est désert. Les jockeys, les uns dans les dépôts dres-
sent les chevaux de cavalerie; les autres sont au front.
Au front aussi, les jeunes hommes qui suivaient les
courses.
Les femmes sont devenues infirmières. Et la France,
Taimable France, comme la nommaient les étrangers, prouve
chaque jour ses vieilles vertus.
Il y a deux siècles, nous avons fait sur les champs de
bataille ce qu'on a nommé la guerre en dentelles. Aujour-
d'hui la France en dentelles s'est retrouvée prête aux
héroïsmes de la guerre.
Henry BiDOU.
>"-'<>^ÛQ9ûD,,
J
-•^OCbCOO CO^^-'^"""^ v^cocp
VOLANTS
PANIERS
^^
^ji^^fe OUS, approuveront Tidée, qui fit, pour mieux
l| synthétiser Télégance française, apposer
le mot « Longchamp » à Tune des vitrines
de l'Exposition de San Fancisco, élégances
d'après-midi, Ipour lesquelles la fantaisie reprend
ses droits.
Que n'évoque-t-il pas pour tous, ce Longchamp
d'éblouissante mémoire, qui revivra plus intensément
encore après la victoire, quand nous céderons à nos
esprits et à nos cœurs, allégés du poids de l'angoisse. Il
ne nous déplait pas de songer dès à présent, comme si les
choses allaient se passer demain, à toutes les coquetteries
que notre ingénieux Paris créerait de suite, à l'annonce d'un
Grand Prix décrété.
Notre état d'âme n'est pas encore celui du triomphe,
"^ais de même que nous avons pansé
d horribles blessures, parce qu'il le fallait,
de même nous nous devons, de pousser à
ia reprise de toutes les élégances et de
paraître frivoles, même quand nous ne
^vons jamais moins été
Ov^»
Pour une fois, l'on finira de rire et de critiquer celles
qui peuvent ne pas compter et qui se meuvent dans une
atmosphère entièrement fabriquée, puisque tout ce factice
alimente le plus fort de notre industrie.
Il nous plait, en conséquence, de célé-
brer tous les renouvellements de la
parure. Empreintes d'une modération
notoire, c'est-à-dire s'harmonisant avec -*^ yj u^i,'
la pensée intime de chacune de nous, ( / #^
les modes de ce printemps de 1916, seront
comme un jardin abondamment fleuri, mais fleuri de simples
fleurs, puisque les mousselines, les organdis et les tulles
brodés adopteront des formes candides, réminiscences fré-
quentes de 1840. Parfois aussi, nous retrouverons les
ballonnements et les transparences, chères aux élégances
des Tuileries, mais du moins, sans leurs exa:gérations, adap-
tées au genre de vie que nous menons; et c'est beaucoup
plus dans les détails encore que le rappro-
chement devra se faire, plutôt que dans
la ligne d'ensemble.
Des mouvements d'encolure, de bas
de manches ; dans les formes de vestes-
boléros sombres, jetées sur des simpli-
cités de mousseline blanche le parallèle
sera inévitable, de même que dans l'exi-
guïté du chapeau fleuri, qui accompagnera
toute robe habillée de garden-party ou
de courses.
Pour ce genre de robes les tissus
légers seront brodés et rebrodés, tels que
nous ne les avons jamais vus. Ne
54
pouvant, pour un temps, laisser un
libre-cours à leurs besoins i du « Pa^^
encore m », les femmes se rattrappent
sur la rareté des étoffes et des dentelles.
Sur une mousseline rose, des motifs
de dentelle de Malines auront été bro-
dés, absolument comme si la dentelle
elle-même y était appliquée... précio-
sité, ayant coûté un travail fou et dont
la robe retirera une valeur relative.
Des dessins d'or
copiés de TKtrusque tisseront entièrement de
simples tulles ocrées, de même qu'une mous-
seline brodée à l'ancienne, verra le dessin de
cette broderie s'éclairer au contact de fils
d'argent se mêlant à ses fils de soie.
Sur des redingotes de tulle uni, nous
verrons des applications de filet en bandes
transversales, ces bandes et les devants de
la redingote frissonnants de glands d'argent.
La dentelle blanche, ancienne de pré-
férence, viendra tomber en voile sur une
robe de satin bleu sombre; sur la ceinture,
également en soie bleue, des petites roses seront brodées,
a moins que s'incrustant dans une jupe
de tulle de soie noire, le Chantilly ne s'éche-
lonne en étages égaux, légers et transpa-
rents. Une jolie trouvaille, que les volants
de Chantilly, très fins, s'espaçant sur de
la soie blanche, un de ces volants plus
petit, courant en basque plate autour des souiur de Gênera
Botle de Greco
35
hanches et suspendu à un boléro
de gros de Londres noir.
Ce genre de robe conviendra
parfaitement aux concerts que dans
beaucoup d'hôpitaux, Ton organise
ce printemps.
« Il faut nous montrer aux
malades, aussi belle que nous
pouvons Têtre », disent les femmes,
et elles n'ont pas tort, car
de même que nous appor-
tons des fleurs au chevet
de leurs lits de souffran-
ces, de même notre pré-
sence doit contraster avec
la rigidité et la tristesse
des salles d'hôpital.
Les perles, les bijoux, sont
dans ce cas, admis, et quoique
en temps de guerre, les joail-
liers ont créé des préciosités
nouvelles : la dernière, est Tambre noir marié
au cristal ancien. Des chaînes de cou en perles
de cristal alternent avec des boules d'ambre
noir, et comme pendeloque, un Bouddah de
cristal ancien. Avec quelle toilette ne
s'harmoniserait pas cette miroitante
parure? Même le soir, à l'heure du
dîner, car toutes les femmes continuent
de s'habiller, fût-ce pour le tête à tête
conjugal, ce coUier sera idéal, détaché n^ue 3e Gênera
Dod d'une robe de Béer
Chapeau De Lemà
56
SA LETTRE
RoU de DœuHlei, Béer, Martial et ArmanJ, Béer, Ctéruit
sur une mousseline de sole ou un crêpe
rose ou blanc.
La Mode veut, en ce moment, le
bijou exotique mais rare : l'Indien ou le
Japonais, la jade et le cristal, quand
ce n'est pas la note agressive... un peu,
de la malachite. C'est même ce détail
qui ne manque pas de piquant à l'heure
actuelle, dans l'ensemble calme et ré-
servé de la toilette, c'est par éclat,
comme le scintillement d'une paillette,
que la note d'une chaussure ou d'un
bijou vient rappeler que la fantaisie, si
elle est apaisée, n'est du moins pas
morte... heureusement. Ne vous plaît-il
pas ce soulier de velours noir, dont la guêtre est taillée
dans une étoffe lophophorée... ô bien petite, l'espace minus-
cule d'un joli pied féminin ?
Kt cette bottine souple, noire, qui pique son talon
d'une tache bleu marine ou verte ? Tout cela indique assez
la tendance à la recherche, et à la coquetterie indomptable
chez la femme, inhérente à sa nature
même !
Non seulement elle s'occupe de
bijoux nouveaux, mais la femme de ce
printemps songe aussi à embellir la
maison pour le retour de son preux
chevalier ; elle n'abandonne pas les
antiquaires où l'on fait, paraît-il, de
bonnes affaires par ce temps de guerre.
Les grès anciens, les boiseries authen-
38
AVENUE DU BOIS
An,*
^
t'^itt
tiques, et les bibelots de toutes sortes, sont
prétexte à des courses quotidiennes dans les
quartiers les plus reculés de Paris.
Chez Fun des grands bibeloteurs parisiens,
j'ai rencontré il y a peu de jours, une femme
très connue, dont la toilette, par une après-midi
ensoleillée, prenait une élégance particulière : faite
de mousseline de soie blanche, boutonnée le long
des devants par des grelots de passementerie, elle
s augmentait d'un col très haut devant et derrière,
resserré par une cravate à la Thle/y. Avec un
chapeau noir assez haut, et une écharpe
de soie souple, vert d'eau, retombant de
côté, c'était une robe idéale, non moins
idéale que cette autre toilette de pékin noir
et blanc irrégulier, marié à de la faille
unie blanche, incrustée de Chantilly.
En rentrant des courses de l'après-
midi ou des séances à l'hôpital, la femme élégante est
toujours certaine de trouver chez elle quelques amis qui se
joignent à elle pour prendre le thé, thé frugal étant donné
ies circonstances, composé uniquement de pain grillé et de
conhtures. On cause, on fume, jusqu'à une heure avancée,
et 1 intimité, oubliée ces dernières années, renaît plus intense,
plus recherchée qu'elle ne le fut jamais.
Celle qui reçoit n'a guère le temps de changer de toilette ;
à peine si, en rentrant, elle retire son
chapeau et sa veste pour passer un
sweater, ce sweater nouveau, en maillot
de soie, de ton vif, à ceinture de même
Soulier de Gênera tissu, uouéc uéghgcmmeut à \q. Rdigicudc.
41
Le raHinement veut qu a ce sweater, la /^
grande coquette assortisse le collier et les §
anneaux des bras, ces anneaux de jade, de |
quartz rose ou de lapiz-lazuli dont toutes |
les femmes sont folles, et qu'elles portent le
jour seulement. Il est, parfois, jusqu'aux
fleurs, de la table à thé, que de grandes
coquettes assortissent à la couleur qu'elles
portent, c'est dire que même en temps
de guerre, la Parisienne ne veut rien
céder de sa part de goût et de raffi-
nement ; inconsciemment, l'on pour-
rait dire, elle crée autour d'elle
une ambiance de volupté.
Même au saut du lit, ses pei-
gnoirs varient suivant l'heure,
le temps et sa disposition
d'esprit... elle chausse des mu-
les ou des pantoufles, elle s'en-
veloppe de mousseline ou de
chaud molleton, comme elle
porte un voile qui la dérobe
aux yeux de tous, ou bien, un
tulle si léger qu'il met son
visage à nu. Caprice, caprice
et encore caprice. . . mais si jolis ?
Où que je me tourne je retrouve
l'élégance, qui reste vivace au
cœur de Paris, vivace non seule-
ment pour les Parisiennes, mais
Doé d'une robe de jTorib vîvaçc par ce qu'ellç crée aussi
4a
FAIS ATTENTION A LA MARCHE
-oLes de Premet, Lanviii, Lanvin, Martial et Armand
pour les Etrangères, dont elle devine les inclinations, dirige
le goût en tenant compte du climat dans lequel elles vivent.
Le Vicomte de Launay disait que les modes étaient
semblables aux costumes nationaux : « Ils n'ont toute leur
grâce que dans leur pays ; et il faut pour les faire valoir
les mœurs et le climat qui les ont pour ainsi dire inspirées ».
A cela je répondrai, que seule, la mode française, est
le costume de toutes les nations.
Princesse DE Clève.
Deddiiu de Georged Le pape.
LA COTE D'AZUR
HIER
jELUi qui venait pour la première fois sur la Côte
"^f^lÏÏÀ^i^ d'Azur, s'il était sincère, devait reconnaître qu'il
1^ JP jfl ^'^^^^* jamais vu un lieu semblable dans 1 uni-
3J^_^^ *y vers entier. C'est un décor de théâtre, le plus
fastueux et le plus singulier, et l'on y représente
une comédie, toujours la même, mais dont on
ne se lasserait jamais, parce qu'elle a trois cent-soixante-
cinq actes par an et que c'est la plus charmante, la plus
délicate de toutes celles que l'on puisse imaginer : la comédie
de Télégance.
Uans d'autres capitales, dans d'autres lieux de plaisir,
la femme règne, mais sur des sujets moins attentifs et moins
soumis. Lorsqu'elle passe, dans une toilette réussie, certes,
on 1 admire, mais on vient de penser à autre chose, et l'on va
s occuper d'autre chose. Et elle le sait bien, et c'est pourquoi
nous lui voyons à elle aussi, malgré la perfection de sa parure,
cet air distrait, tendu, fiévreux qui attriste déjà nos visages.
45
La Corniche toute entière est comme le pla-
teau d'une scène idéale sur lequel elle vient évoluer^
sous nos yeux ravis, sans autre arrière-pensée.
Il faut avoir vu, au moins une fois dans sa
vie, passer autour des tables de jeux, trôner dans
les loges or et pourpre, errer légèrement sur les
terrasses éblouies de soleil ou baignées de la douce
et bleue clarté des nuits, ces êtres fabuleux, au
sourire un peu froid, les yeux vers l'au-delà, tout
pétris de Torgueil souverain de leur fonction. Nulle
part ces idoles ne s'enroulent de plus larges four-
rures, ne laissent traîner manteaux plus chatoyants,
ne portent perles plus chaudes, pierreries plus
éclatantes, coiffures plus impériales, nulle part
elles n'apparaissent dans des robes plus étince-
lantes, plus irréprochables, plus belles.
Chez nous, dans nos tristes climats et dans
nos cités utilitaires, les toilettes féminines ne sont
réussies que si elles s'adaptent à ce que doit
faire la femme qui les porte : c'est ainsi qu'il y a
de parfaites toilettes du matin, de visite, de che-
val, de dîner prié. Mais sur la Côte d'Azur, dans
ce printemps éternel et dans ce coin du monde
affranchi, la robe a cette supériorité incomparable
d'être à elle-même son propre but.... Et c'est
46
lumaine, presque magique, des femmes
1^ assez heureuses pour habiter cet Elysée. Elles
passent, elles repassent, harmonieuses silhouettes
de la beauté moderne, et chacun de leurs mou-
vements est comme un nouvel accord dans ce
concert de couleurs, de parfums, d'attitudes.
AUJOURD'HUI
Mais tout cela, n'est-ce point déjà un peu
du passé? Il y a quelque chose de changé sur la
Côte d'Azur. L'élégance y demeure à peu près
pareille, mais avec une atténuation comme recueil-
lie, comme craintive d'un excès d'éclat qui frois-
serait une douleur à ses côtés muette. C'est que
la Riviera est revenue (et à un degré qu'elle
n avait jamais connu) à ce qui est en quelque sorte
sa tradition sacrée, son rôle naturel : guérir et
consoler les malades.
S il y avait encore des moralistes mal infor-
més pour accuser de frivolité les hôtes de ces
lieux bénis, qu'ils viennent voir ce qu'est devenue
cette frivolité tant décriée. Ils seront surpris de
constater combien elle a su s'effacer devant la dou-
leur et se subordonner à la bienfaisance. Il n'est
pas une seule des manifestations de la vie
W :âî
47
^^ garder), n'ait apporté son aide aux infortunes ^^
de la guerre. Et ce n'est pas une des moindres curiosités
de cette époque si féconde en contrastes admirables que,
si je puis dire, cette entente cordiale entre la charité et le
plaisir. Non seulement la Côte d'Azur ne souffre pas de les
voir s'épanouir ensemble sur son sol privilégié, mais encore
elle prouve qu'il n'y avait point contradition entre eux.
Rien au monde ne peut arracher du cœur d'une femme
le plaisir qu'elle éprouve à être belle, mais la femme d'aujour-
d'hui sait oublier ce plaisir à l'exercice des plus nobles
devoirs. Telle que nous voyons, ravissante et parfaite en
ses atours, errer au bord de la mer, comme une oisive qui
ne saurait avoir dans la vie d'autre but, eh bien ! tout
à l'heure elle apportait l'aumône de son sourire et de ses
soins aux défenseurs blessés de la patrie. Et il en reste,
n'est-ce pas? sur toute sa personne je ne sais quelle gravité
qui ennoblit et transforme jusqu'à sa parure elle-même
Francis DE MiOM ANDRE.
LA MARSEILLAISE
yt« s-'5%"
!^' is it^*"^-
« GRAND^HABITS
-><^^
I EAN Lorrain dans sa nouvelle de ''L'homme aux
poupées'' décrit avec un art charmant, une
visite qu'il fit à une poupée de cire. '' Debout
dans sa guérite de verre, dit-il, la poupée
des Valois avait l'air d'une petite Prin-
cesse de la cour d'Amboise, captive dans un
bloc de glace. C'est une Infante aux cheveux de soie pâle,
presque argentés, toute raide dans un corps baleiné de
velours cramoisi".
^^ est un peu de cette même admiration étonnée, que
nous éprouvons devant les poupées merveilleuses qui,
sous la rubrique '' Côte d'Azur" figurent à l'Exposition
de San-Francisco. Elles évoquent |si bien pour
i^ous les magnificences du soir, que récla
ment Monte-Carlo et les villes de la
<-ote! Peu d'endroits forcent autant
Coiffure de Lanvin
Télégance, il est vrai, et ces poupées
représentent toutes les étranges créatures
vues, là-bas, belles comme des anges et
parées comme des divinités. Elles se renou-
vellent sans cesse sur les terrasses et la
Place du Casino, chacune destinée, sem-
ble-t-il, à ce site unique, avec lequel
elle s'identifiait étroitement.
Ici, toutes les audaces sont
permises, et le convenu,
le traditionnel, ne sont
point indispensables.
Pour les passionnés d'excentricités, quelle
belle perspective que d'harmoniser sa parure
au ciel, toujours si sûr de lui, à la mer
changeante et sans cesse renouvelée comme
le car^^ctère des femmes : douce et volup-
tueuse un jour; cruelle et sombre quelques
heures après?
La toilette de promenade en auto ou en
voiture, la toilette de concert, de
r\ tir aux pigeons ou de dîner à l'hôtel
U yf''\ ^^ra des trouvailles heureuses dans
&»•: ^^ balancement de ses jupes super-
posées, où, tout-à-coup, au bas d'un
tissu opaque, un voile de mousseline de soie ou de
gros tulle, viendra former un « loup » sur les chevilles
mêmes. Une voilette à la jambe !... Où le mystère
va-t-il se nicher, et n'est-ce pas là le comble de
l'impertinence?... Impertinence exquise qui naît de
la fantaisie, seule prêtresse de la mode, cette |mode
I
Coiffure de JF'odb.
UI VIENT DERRIÈRE NOUS ?
anteaux de soie de Béer, Wortli, Ctéruié
Coiffure de DœuUlet
qui ne peut surgir qu'en France
et à Paris, au contact des ondes
favorables de notre grande
Cité ! Même sous la pluie gla-
ciale de Décembre, dans l'atmo-
sphère surchauffée des ateliers,
à la lumière artificielle et mal-
saine, même là, se composent
les plus tentantes parures des-
tinées à la vie de soleil et de
grand air de la côte miracuLeude,
comme si les artistes et les ou-
vrières qui élaborent ces légère-
tés, vivaient eux-mêmes sous ce
ciel pur, subissant cette dispo-
sition indéfinissable où nous met le pays baigné de tous
les bleus.
Dans le mouvement incessant de marée humaine gagnant
le soir les salles de Restaurant et du Casino, il est passionnant
de déchiffrer, en rapport avec leur état d'âme,
les enroulements de voiles, les audaces et les
langueurs de parures de toutes les femmes. La
grâce et la jeunesse de quelques-unes n'ont cher-
ché que blancheur immaculée, et sur leur robe
de neige, ont fait tisser des étages de perles blan-
ches, stables et miroitantes comme des horizons
d'eau, avec, pour réchauffer tant de neige, de
la fourrure cernant leur ceinture. Une autre en
quête d'idéal, cherche à s'évader de la robe pour
se vêtir en fleur?... Mais oui, une faille rose
découpée dans le bas de la jupe en pétales de
54
Col^ure de Wodh
grande dimension, semble nous
offrir, vivante, une fleur, que,
sur ce rivage béni, le soleil ac-
croît intensément, jusqu'à la
rendre femme. Et c'est un en-
chantement qui se prolonge,
lorsque rappelant les plus belles
fuites des nuages dans un ciel
d'orage, nous apparaît telle
blonde jeune femme vêtue de
tous les blancs-gris : sa traîne
forme un éperon de satin, de
grands voiles transparents et
souples, volent autour de ses
bras, alors que sur sa poitrine,
une étoile de l'Océan rayonne de perles blanches, irisées à la
caresse des lumières.
Blanche encore cette splendeur d'argent telle la cuirasse de
Lohengrin : les argents différents s'y mêlent aux roses capri-
cieuses qui escaladent la hanche après avoir
fleuri le corsage. Et comme pour retenir à la
Terre cette parure digne de l'Olympe, la traîne
s'alourdit d'un gland pesant qui roule sur le sol :
forme savante voilant l'âme d'une coquette, atti-
rante comme les nuits Méditerranéennes et
contrastant délicieusement avec cette '' Ca-
margo" de soie rose vif. Quel écourté char-
mant, quelle grâce mutine dans ce ballonnement
de jupe, qui nous laisse attentif au moindre pas de
celle qui le porte... Va-t-eUe d'une pirouette su-
blime, faire revivre la Terpsichore du XVlir siècle ?
S^
'ïTorlb"
De quel nom baptiser cette
étoffe. . . ? un satin mat tissé des plus
beaux ornements japonais, en fil
d'or, qu'une grande et blonde jeune
femme porte aux lumières de la salle
de feu comme une mousseline sans
prix...
Plus loin, c'est une jeune indé-
pendante qui veut prouver qu'en
rien, elle ne consent à suivre les
chemins battus; elle se montre le
soir, sous les plafonniers illuminés,
dans une robe bleu sombre qui pour-
rait être aussi bien une robe du matin, si, au corsage, auda-
cieusement échancré, ne jaillissaient ses épaules, que voudrait
voiler sans y parvenir, un tulle rose extra-léger, simulant la
manche. . . . ô bien petite !
Fantaisie royale, que ce manteau de cour
ramené à des proportions plus intimes, taillé dans
un tissu si rare qu'il fut retissé trois fois avant
d'être réalisé : un plumage merveilleux de fleurs
beau Lophophore que vous ayez jamais vu et si
souple, si inattendu, que vous vous demandez
comment celle qui s'en pare, peut aussi doci-
lement le replier sur son bras !
Les voiles de tulle, variés suivant le coloris
de la robe n'ont jamais été abandonnés pour le
soir, même pour dîner au restau-
rant, ils accompa-
gnent le s gran ds cha-
peaux ouïes coiffures
Robeé de IForlb
(Détail)
NOUS PARTONS
Robes du soir de PremeÉ, Dœuillet, Faquin, Premet, Callot, Jenny
spéciales du soir. Celles-là sont faits de ban-
deaux de soie ou de couronnes de fleurs, roses
et camélias.
Peu de gants reviennent en faveur ; on
leur préfère quelques gemmes aussi impor-
tantes qu'on les peut porter, et assorties
aux autres bijoux disposés autour du cou
et sur le corsage.
Les rubans de perles sont une folie,
aidant à suspendre des pendantifs d'une pré-
ciosité artistique, plutôt que d'une valeur intrinsèque.
Le grand mouchoir ancien, fait de den-
telles rares, revient à la mode, chassant
bien loin le mouchoir de gant de récente
mémoire; quelques originales le suspendent par
un fil d'or attenant à une bague, c'est là june
réminiscence des modes de i855, et le bijou lui-
même n est amusant à reporter que s'il est réelle-
ment ancien. Mais il suffit que cette mode soit
reprise pour que le grand joaillier s'ingénie à la
rendre encore plus jolie.
C'est à Monte-Carlo, que la fantaisie du reste, peut se
donner le plus libre cours toujours. De cette côte
Méditerranéenne, on pourrait dire ce que Barrés
dit de Venise : " Q^u'elle a des caprices, mais n'a
point de saison". Aussi est-il compréhensible que
les femmes l'aiment autant. Elles peuvent y pro-
mener leur vertige, leur gaieté ou leur mélancolie,
car à tous ces états d'âme, le pays oppose la ten-
dresse de son climat et la douceur de son ciel.
Aucun autre lieu ne se prête plus aux expansions
58
LE COMMUNIQUÉ
d'une vie extérieure en même temps qu'à la rêverie isolée et
tour à tour, l'œil y perçoit tant et tant de renouvellements
et tant de beautés qu'il ne sait quoifpréférer.
Coiffures, chaussures, tissus nouveaux, visages savam-
ment embellis par le Kohi et le rouge vif, tout à contempler
nous est un plaisir, tout nous est une leçon, depuis la prome-
nade matinale jusqu'à l'heure tardive, où gHssant une à une
des salons trop éclairés, chaque iemme se replie dans les
grandes ailes de son manteau du soir. Anges ou elfes, qu'im-
porte, créatures de Beauté en tous cas, dont nous suivons la
forme imprécise et dansante au cœur de la nuit bleue.
Jeanne Ramon Fernandez.
DeMin<)
de F^alentine Groéà
Codlume de Daucet
Chez MERCIER Frères
Tapissiers - Décorateurs
DESCRIPTION DES ROBES
exposées à la
X anama x aciiic International X/xposition
1. — Robe de bébé en tulle blanc, i)esle de taffetas bleu, — Costume de Paquin.]
2. — Batiste jaune disposée en bouillonnes, des épaules au bas des hanches. Les pans de la
redingote sont incrustés de dentelle blanche et dégagent une jupe plissée très finement. — Cos-
tume de Douce t. - Chapeau de Georgette.
5. — Robe de linon blanc, très ample, incrustée de fonds de bonnets au point de Beaui>ais,
Boléro de soie grasse bleu marine à rei}ers de -Pelours bleu. — Costume de Béer. - Chapeau de
Lewis. - Bottes de Greco.
4. — Redingote en satin mire à godets exagérés sur les côtés, une ceinture en pareil. Col
de petit gris. — Costume de Chéruit.
5. — Taffetas bleu ciel très ample, am plis cerceaux sur les Icôlés seulement. Le corsage
s'échancre en rond sous un col Franz Hais en linon brodé à jours. — Costume de Martial et
Armand. - Chapeau de Camille Roger. - Bottes de Ducerf .
6. —Aube de tulle et mousseline, brodés et plissés sur un fond de taffetas bleu passé -
Costume de Chéruit.
7. — Chemise de jyTarcelme chair brodée d'argent. — Costume de Chéruit.
8. - Robe de lingerie blanche en mousseline brodée à la mam ; la jupe est à deux étages
rayés de ganses blanches. Ceinture en ruban pékmé de trois tons. - Costume de Premet. - Cha-
peau de Maria Guy. , , . t r t
9. - Robe de Ungcrw blanche sur fond de sahn bleu. Les deux volants de la ,upe sont faits
d'appheahons sur tulle et le corsage de tulle uni. — Costume de Callot. , n n .
Robe.cbemtse en tussor rose wcrusté de broderies blanches. - Chapeau de Callot.
10.
65
11. — Robe de mousseline de soie bîane gris sur fourreau gris. Deux i^olanh de denfe/le
forment funique. Ceinture de moire noire. — Costume de Callot. - Chapeau de Georgette.
12. — Linon rose brodé de mohfs de fine denkîJe. Ceinture de peau de daim btancbe. —
Costume de Jenny. - Chapeau de Georgette. - Bottes de Généra.
i3. — IZobe en tulle et faille rose ancien, col bordé d'hermine. — Costume de Paquin.
14. — Soie et T^oile '"canari " alternés à la jupe et au corsage, fine broderie au corsage. —
Costume de Martial et Armand. - Chapeau de Camille Roger.
1 5. — Douillette pour bébé en broderie et soie blanche. — Costume de Callot.
1 6. — IZobe en crêpe satin noir recoui>erte de tulle-dentelle blanc. Ceinture de poult de soie
bleu ancien, bordé de petites roses roses. — Costume de Dœuillet. - Chapeau de Magdeleine.
17. — Robe de bébé, en forme de gandourah de soie blanche traversée de deux bandes
de cachemire or sur rouge. — Costume et chapeau de Lanvin. - Souliers de Couquet.
18. — Robe de crépon de soie blanche bordée de bleu sombre. Des manières de poches en
broderie bleu Delf de chaque côté de la ceinture. — Costume et chapeau de Lanvin. - Souliers
de Couquet.
19. — Jupe de crêpe français "tilleul" inégalement arrondie au bas et ornée de plis " reli-
gieuse ". Boléro de pékm bleu et Hert sombre sur corsage de crêpe. — Costume de Paquin. -
Chapeau de Camille Roger.
20. — Etamme rose découpée en dents carrées brodées de soutaches blanches. — Costume
et chapeau de Lanvin. - Souliers de Couquet.
LONGCHAMP
21. — Jupe de mousseline suisse, montée à fronces et ornée de huit Volants. Corsage-ifeste en
gros de Londres bleu marine. — Costume de Béer. - Chapeau de Lewis. - Bottes de Greco.
22. — Robe en tulle de soie noir incrustée de Chantilly et traifersée de rubans de satin noir.
Boléro en taffetas "Bégonia ". — Costume et chapeau de Lanvin. - Souliers de Couquet.
2 3. — Taffetas bleu sombre retroussé de côté, montrant une jupe de tullelbleu. — Costume
et chapeau de Lanvin. - Bottes de Carbini.
24. — Manteau d'apres-midi en drap Hert d'eau, doublé de satin bleu marine. Trois biais
mqués, également distants, forment ceinture. — Costume de Paquin. - Chapeau de Lewis.
2 5. — Satin i)ert foncé drap de côté et brodé de filigrane et de perles d'or. — Costume de
Callot. - Chapeau d'Alphonsine.
^^. — Taffetas bleu sombre monté à fronces à la jupe, doublure rouge foncé, guimpe de
mousseline de soie blanche. — Costume de Paquin. - Chapeau de Lewis.
27. — Mousseline de soie blanche, trois isolants au milieu de la jupe. —• Costume de
Doucet. - Chapeau de Reboux.
28. — Robeye grosse faille blanche, rayée de rubans de i)elours noir de différentes dimen-
sions, à la jupe et sur la manche, guimpe de mousseline de soie blanche appliquée de \motifs de
Chantilly. — Costume de Worth. - Chapeau de Maria Guy. - Souliers de Helstern.
64
29. -Jupe en satin ''Ick de nègre " uni, redmgoh de tulle dentelle ''ocre " découpée en
rond a^ec des effets d'or à peine loisibles. - Costume de Premet. - Chapeau de Maria Guy.
30. — Robe de dentelle de filet posée sur un fond de gaze bleu manne et terminée à la jupe
par une broderie en relief et un grand ourlet de gaze blanche, — Costume de Doucet. - Cha-
peau de Doucet.
3i. — TaQ'etas bleu ''nuit'' bordé d'une ganse assortie, boutons de nacre bleue et ceinture
de cuir bleu brillant. — Costume de Jenny. - Chapeau de Marie Crozet. - Bottes de Généra.
32. — Tulle-dentelle blanc rebrodé d'argent et disposé en longue redingote ouverte sur un
dessous um en satin blanc, bordure de 'glands d'argent, — Costume de Jennj. - Chapeau de
Marie Crozet. - Bottes de Généra.
35. — Robe de faille blanche, La jupe est i>oilée de troisl isolants de Chantilly légers.
Reifers et col de ifelours noir, — Costume de Béer. - Chapeau de Lewis. - Bottes de Greco.
34. — Robe de ifoile blanc brodé de blanc, ces broderies alternant aifec des bandes qua-
drillées blanc et argent, écharpe de satin Sfert clair — Costume de Worth. — Chapeau de
Reboux. - Souliers de Helstem.
Z^, — Taffetas bleu brodé de motifs réguliers acier et perles assorties; la jupe est taillée
en pointes, — Costume de Dœuillet. - Chapeau de Magdeleine.
ZG, — Marcelinette blanche et mousseline suisse disposée en isolant] au bas de jupe et en
basques ondulées, — Costume de Chéruit. - Chapeau de Reboux,
57. — Taffetas bleu, froncé sous les bras et le deifant de la jupe. Broderie de corail et
turquoise au bas de la fausse jupe et au corsage, — Costume de Chéruit. - Chapeau de Reboux.
38. — ''Poult-de-soie" rose. Une seconde jupe de tulle ''ocre" brodée est bordée de zibeline,
— Costume de Premet. - Chapeau Maria Guy,
39. — Sur une robe de faille blanche est posée une redingote de mousseline de soie, filet, et
application, — Costume de Martial etiArmand. - Chapeau [de Camille Roger. - Bottes de
Ducerf.
40. — Tussor "lin" brodé écru, — Costume de [Dœuillet. - Chapeau de Magdeleine.
COTE D'AZUR
41. — Robe de broché argenté. Redingote en tulle d'argent, — Costume de Jenny.
Souliers de Généra.
42. - Redingote de broché blanc posée sur un fourreau de denleUe fine sur fond de
satin blanc. — Costume de Callot.
43. - Crêpe satin et tullrnoir brodé/ de perles_de jais. DeuX étages de fils de jais. - Cos-
tume de Dœuillet.
44. - Satin ro^^e nacré dû "Libdluk". La jupe est comme rephée .sur elle-même et pmcée
de place en place par des points de jais. — Costume de Cheruit.
45. - Robe de gros de Londres garnie de volants froncés. - Costume de Béer. - Sou-
liers de Greco.
65
46. — Sur un fourreau de sahn rose, est posée une tunique en tutle brodé de pertes inertes
etbîanclyes, un tong ifoite de tutte oert forme paniers retiés sur te deifant. — Costume de Callot,
47. — Robe de moussetme de soie rose, tunique en tutte brodé d'or, écbaroe de broché or et
roses roses sur fond noir. — Costume de Chéruit.
48. — Robe de tutte bteu marine sur eréve satin bleu aHee ifotant ptissé remontant sur tes
côtés, ceinture de pierreries. — Costume de Dœuillet.
49. —Jupe ampte en tutte btanc, ra^pé de bandes de oertes de cris ta t en tubes; ceinture de
TJetours btanc bordée de zibetine. — Costume et coiffure de Lanvin. - Bottes de Carbini.
50. — Louis 'KTde taffetas rose "rose ", un gaton or et argent borde tes basques et te
bas de ta jupe gtands d'or. — Costume de Jenny. - Souliers de Généra.
5i. — Robe de faitte rose de trois tons différents, ceinture en satin ''framboise", r-- Cos-
tume de Paquin.
62. — fourreau de tiberty bteu rebrode de soie et d'or, traîne en pointe doubtée de rose de
Chine. Jupe de tutte uni recouifrant te tout. — Costume de Doucet.
53. — Robe de tutte rose et recoui^erte en partie de tutte bteu paon, brodée de fleurs d'ar-
gent et de paitteftes bteues. — Costume de Paquin.
^4 — ^^^f ^t' satin btanc ai)ec tunique de moussetme, ceinture brodée de vertes. — Cos-
tume de Premet. - Coiffure de Maria Guy.
55. — Satin noir gras, broche à même te tissu de dessins japonais magnifiques copiés sur des
broderies anciennes. Les deS)ants s'oui)rent sur une jupe faite d'effités d'ifs de pertes fines. Cor-
seteif^de pertes et de strass. — Costume et coiffure de Worth. - Souliers de Helstern.
se. — Tutte rose brodé d'or ai)ec traîne en brocart d'or sur rose. Deux gâtons d'argent
surmontés d'un gaton de strass [croisent sur ta taitte. Manteau en broché tophophore sur fond
noir, bordure de zibetme. — Costume de Worth.
57. — Peau de soie brodée et brochée rose très pâte, i)oiants de dentette fine à mi-jupe
seutement et corsage à Berthe de même dentette. — Costume de Martial et Armand. - Souliers
de Ducerf.
58. — Deux i>otants d'appticatwn btanche sont disposés sut une jupe de satin pertée de
strass. Sorte de botéro de jais. — Costume de Martial et Armand. - Souliers de Ducerf.
59. — Robe de satin btanc paittetée aifec seconde jupe de tutte bteu paitteté égatement et
bordé d'hermine. La manche est remptacée par des aites de tutte bteu. — Costume de Premet. -
Chapeau de Maria Guy.
60. — Dentette d'or sur moussetme de soie ai>ec doubte effet d'aites dégradées orange et
bteu. Bretette de ifetours bteu et riche broderie sur toute la robe. — Costume de Callot.
LES FIGURES DE CIRE DE L'EXPOSITION DES COUTURIERS PARISIENS A SAN-FRANCISCO T
ONT ÉTÉ EXÉCUTÉES PAR M. PIERRE IMANS
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19 15
L'OURAGAN
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3 ^-trfîirtK^v -
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VICHY (I)
ou
Soyez tous bien sages
i. Faquin. 2. Doucel.
j. Béer. 4. Cbéruit. t^. Martial et Armand.
6 et 7. Chéruit.
S, Preniet,
et 10. CalLol.
VÎCHY (II)
ou
Le Jeu des Manoiiiiettes
//. CalloL
Jenny. ij. Pacjuin. i^.AlartialelAnnanà. i^.CaUal. ib. DœullieL
17 el /(V. L(
iç. Pai/uin. 20. Latunn.
LONGCHAMP (I)
ou
Elle a gagne !
21. r>eer.
22 et 2j. Lanviii.
2-/. Paqii
uin. 2
f. CaUot. 26.
Paqui
?/. Doucet. ^H. ITorth.
2g. Premet. }o.
Doucet.
jiUÈ^mifmmik
Ai
Été iQiS. — Pt. 4-
^2. Callol.
jfi.Jenny. ^^. Dœuillel. ^jf.Chéruit.
jfô. Caliot.
■f3- ^^^^^
^7 Cbérkit
^8. DœU'l/et.
LA COTE D'AZUR
ou
Une fête sur la terrasse
49. Lanvin. jo. Jenny. 5/. Paquin. ^2. Doucel.
\). Paqi
5 6 . W^orth. 57. yfîarUal et Armand.
5^. Premet. s^. IForth. ^8. Martialel Armand, yg. PremeL.
60. CaUol.
■jïHM^;^
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TABLE DES MATIÈRES
DES NUMÉROS 7 ET 8-9
(^4Ê^ (^ dm)
^J ^à ^à
TABLE DES ARTICLES
JU. «|c
N" Pages
ATOURS SIMPLES NADA. 8-9 i5
Dessins de George BARBIER.
AU HASARD . Térésita de OS A . 7 ^GS
BON TON DES MERLETTES (Le) . . . Jean de BONNEFON. 7 241
Dessins de LORIOUX.
r f
CLAIRS CHAPEAUX D'ETE (Les) y
Dessins de GOSE.
202
COUTUME DE PARIS (La) Paul ADAM. 8-9 5
COTE D'AZUR (La) Francis de MIOMANDRE. 8.9 45
DE CONSTANTIN GHYS A LONGHI F. de CANGE. 7 261
Dessins de George BARBIER.
DERNIÈRES CRÉATIONS DE MADAME KARSAVINA.
Dessins de Valentine GROSS. Jean-Louis VAUDOYER. 7 2^y
DINER DE LA GAZETTE DU BON TON (Le). Henry BIDOU. 7 226
Dessins d'André MARTY.
EPHÉMÉRIDES. Emile H EN RIO T. 7 25o
Dessins de GOSE.
N" Pages
FAIS ATTENTION A LA MARCHE 8-9
Dessin de Valentine GROSS.
GAZETTE DU BON TON ET LA GUERRE (La)
Dessins de Georges LEPAPE. LA REDACTION. 8-9 1
GOUT AU THEATRE (Le). — LES BALLETS RUSSES.
Lise LÉON-BLUM. 7 253
" GRAND-HABITS " Jeanne RAMON-FERNANDEZ. 8-9 5i
Dessins de Valentine GROSS.
IL PLEUT ENCORE
0-9
Dessin de Valentine GROSS.
JEU DES MOTS (Le) Charles MULLER. 7 .48
Dessins de E. AYRES.
LONGCHAMP Henry BIDOU. 8-9 .7
NOUS PARTONS 8
Dessin de Valentine GROSS.
ON N'ATTENDAIT PLUS QUE VOUS 8-9
Dessin de Valentine GROSS.
PIEDS NUS (Les) George BARBIER. 7 Mo
Dessins de l'Auteur.
PLAISIRS DE L'ÉTÉ (Les) Edmona JALOUX. 7 ..o
Dessins de Pierre BRISSAUD.
POUPONS (Les) SYLVIAC. 7 .H.
Dessins de BQRELLI-VRANSKA.
C^UI VIENT DERRIÈRE NOUS?
Dessin de Valentine GROSS.
SA LETTRE.
0-9
Dessm de Valentine GROSS.
^^^^^ J.ERNEST-CHARLES. 8-9
VOLANTS ET PANIERS Princesse DE CLÈVE. 8-9
Dessins de Georges LEPAPE.
8-9
''^#^
TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE
N" Planches
AVENUE DU BOIS. — Drian 8-9
BOUQUET TRICOLORE. — IMan 8-9
COMMUNIQUÉ (Le). - DrLm 8-9
CYPRÈS ET LA ROSE (Le). — George Barbier 7 70
ELLE A GAGNÉ! - Georges Lepape 8-9 4
ELLE A PERDU! — GccrgM Lepape 8-9 5
EN SUIVANT LES OPÉRATIONS. — Drlan 8-9
LÉGENDE DE JOSEPH (La). — Ch. Marlia 7 65
LE JEU DES MARIONNETTES. — George Barhlcr ........ 8-9 ô
MARSEILLAISE (La). — Drian 8-9
MON CŒUR SOUPIRE. — Andri Martg 7 62
OURAGAN (L'). — Georges Lepape 8-9 1
Vh.YSkdY.-R.Om.k^TlÇ^^ (l.^). ~ Bernard BouUl de Mom'd ... 7 68
QUEL CHAPEAU FAUT-IL METTRE? — Magnin 7 7,
RIEN QU'UN NUAGE. — Pierre Bri^Ma.) 7 69
ROSE BLANCHE (La). — BouMingauU 7 67
SANS SA VOITURE. — Drian 8-9
SUIS-JE BELLE, CE SOIR? -- Gojé 7 63
TAMAR KARSAVINA DANS "LE COQ D'OR ". — P'aienline. GroAK 7 64
TENDRE NOURRICE (La). — BoreUi Vran.ka 7 66
UNE FÊTE SUR LA TERRASSE. — Sirimpi 8-9 6
SOYEZ TOUS BIEN SAGES. — George. Barbier 8-9 2
VIVE SAINT-CYR! — Pierre Bri^aud 7 72
^m»^